DU MYSTÈRE DE LA RÉDEMPTION, QUI EST LE TROISIÈME MYSTÈRE FONDAMENTAL DE NOTRE RELIGION

 

Pourquoi le Fils de Dieu s’est-il fait homme ?

Pour nous édifier par ses exemples, pour nous éclairer par sa doctrine, et nous racheter par sa mort.

1° Pour nous édifier par ses exemples. Depuis le premier moment de sa conception jusqu’à son Ascension, Jésus-Christ nous a donné l’exemple de tout ce que nous devions faire, et c’est pour cela qu’il a voulu passer par les différents âges et les différents états, pour donner à tous l’exemple. Il est né dans la pauvreté pour nous donner l’exemple du détachement des biens du monde ; il a été circoncis pour nous donner l’exemple de la mortification ; il croissait en sagesse à mesure qu’il avançait en âge, pour apprendre aux enfants qu’ils doivent avancer dans la vertu et la piété à mesure qu’ils deviennent plus grands. Il allait au Temple et il interrogeait les Docteurs, pour apprendre qu’aussitôt que les enfants ont l’usage de la raison, ils doivent aller se consacrer à Dieu dans nos églises, et assister exactement aux instructions, pour y apprendre à connaître Dieu et les mystères de notre religion. Jésus-Christ était soumis à la sainte Vierge et à saint Joseph, pour nous donner l’exemple de l’obéissance envers nos pères et mères et nos supérieurs. Il a mené pendant trente ans une vie cachée, pour nous apprendre à fuir les honneurs et les dignités du monde, à aimer la retraite et le silence, et à vivre dans l’obscurité, le mépris et l’oubli des hommes. Il a travaillé dans la boutique de saint Joseph comme un simple artisan, pour nous montrer que nous devons travailler et manger notre pain à la sueur de notre front. Jésus-Christ nous a donné, pendant le cours de sa vie publique et particulière, et surtout dans sa Passion, toutes sortes d’exemples de vertus et de bonnes œuvres. C’est pour cela qu’il disait à ses Apôtres après leur avoir lavé les pieds : " Je vous ai donné l’exemple afin que vous fassiez comme j’ai fait ".

2° Pour nous éclairer par sa doctrine. Le monde, avant la venue de Jésus-Christ, était dans les ténèbres de l’ignorance et du péché. Toutes les nations étaient sans connaissance du vrai Dieu, plongées dans les abominations de l’idolâtrie. Il n’y avait que les Juifs qui connaissaient et qui adoraient le vrai Dieu, et ils étaient eux-mêmes bien peu éclairés sur les mystères de la religion, et sujets à bien des erreurs. Mais Jésus-Christ, en prêchant son évangile, a éclairé le monde ; il nous a appris à connaître Dieu, il nous a révélé les augustes mystères de notre religion, il a aboli la loi ancienne, il a établi la nouvelle, il a choisi ses disciples, il a formé son Église, il a institué les sacrements.

3° Pour nous racheter, parce que le péché d’Adam, notre premier père, et à plus forte raison ceux que nous commettions par notre propre volonté, nous avaient fait perdre la grâce de Dieu et nous avaient rendu esclaves du démon ; ils nous avaient fermé l’entrée du ciel, et nous avaient rendus dignes de l’enfer. Mais Jésus-Christ, par sa Passion et sa résurrection, nous a purifiés de nos péchés, il nous a rendu la grâce, il nous a délivrés de l’esclavage du démon, de la mort, et de la damnation éternelle, et il nous a ouvert les portes du ciel. Et c’est en cela que consiste le mystère de la Rédemption, qui est la suite et la fin du mystère de l’Incarnation.

La sainte Vierge et les saints ne pouvaient-ils pas nous racheter ? et les sacrifices qu’on faisait dans l’ancienne n’étaient-ils donc pas capables d’expier les péchés et de nous mériter la grâce ?

Non. Il fallait, pour nous racheter, des mérites infinis. Or, tous les mérites des créatures, quelque saintes qu’elle soient, sont finis. Ainsi toutes les bonnes œuvres des justes réunies ne sont pas capables de les expier.

Pourquoi fallait-il des mérites infinis pour nous racheter ?

Parce que le péché mortel fait à Dieu une injure infinie, puisqu’il attaque une majesté infinie. L’outrage qu’on fait à Dieu en l’offensant est d’autant plus grand que Dieu est plus élevé au-dessus de la créature qui l’offense. Or, puisqu’il y a une distance infinie entre la grandeur suprême de Dieu et le néant de la créature qui l’offense, l’injure et l’outrage que le péché mortel fait à Dieu sont infinis, et il faut des mérites infinis pour les réparer. C’est pour cela que tous les sacrifices de l’Ancien Testament, n’étant pas capables d’expier les péchés, ont été abolis, et qu’à la place Jésus-Christ s’est offert sur la croix, et qu’il s’offre encore sur nos autels en sacrifice à Dieu son Père pour lui rendre tout l’honneur et la gloire que le péché lui avait ôtés, et pour nous mériter les grâces dont il nous avait privés. Et c’est pour cette raison qu’il fallait que notre Sauveur fût Dieu et homme tout ensemble. Il fallait qu’il fût homme pour souffrir ; il fallait qu’il fût Dieu pour donner un mérite infini à ses souffrances.

À quoi servaient donc les sacrifices de la loi ancienne, s’ils ne pouvaient expier les péchés ni donner la grâce ?

Ils servaient à reconnaître que les hommes pour qui on les offrait étaient coupables et dignes de mort, et ils figuraient, en différentes manières, le sacrifice de Jésus-Christ.

Puisque tous les sacrifices de l’ancienne loi n’ont pu expier les péchés, ni donner la grâce, tous les hommes qui sont morts avant Jésus-Christ n’ont-ils pu être sauvés ?

Ils n’ont pu être sauvés en vertu de ces sacrifices. Mais les Patriarches, les Prophètes, et les Justes de l’Ancien Testament ont été sauvés par les mérites de Jésus-Christ que Dieu avait en vue, et en conséquence desquels il a accordé aux hommes toutes les grâces qu’ils ont reçues depuis la chute d’Adam, de sorte qu’aucun n’a été sauvé ni avant ni après l’Incarnation que par la grâce et les mérites de Jésus-Christ et que par la foi en Jésus-Christ comme dans l’unique Sauveur et Rédempteur de tous les hommes, car " il n’y a point d’autre nom sous le ciel par lequel nous puissions être sauvés ".

Les Justes de l’Ancien Testament étaient donc obligés de mettre leur confiance et leur espérance en Jésus-Christ ?

Oui, et c’est pour cela que Dieu, aussitôt après la chute d’Adam, lui promit un Sauveur et un Rédempteur, afin qu’il mît en lui sa confiance.

Pourquoi Dieu n’envoyât-il pas son Fils dès le commencement du monde ?

1° Pour faire sentir à l’homme le besoin qu’il avait d’un Sauveur et d’un Rédempteur. 2° Afin qu’il fût annoncé et précédé par les Prophètes, figuré par les Patriarches, et attendu, désiré, par tous les Justes.

Les Justes qui mouraient avant Jésus-Christ allaient-ils au ciel ?

Non, le ciel avait été fermé depuis le péché d’Adam, et personne n’y est entré avant Jésus-Christ. Les Saints de l’Ancien Testament allaient aux limbes, où l’âme du Sauveur descendit après sa mort pour leur annoncer leur délivrance prochaine, et il les conduisit en triomphe au ciel avec lui le jour de l’Ascension.

 

COMMENT JÉSUS-CHRIST NOUS A RACHETÉS

Comment Jésus-Christ nous a-t-il rachetés ?

En mourant et en versant son sang sur la croix, et par toutes les souffrances de sa Passion.

Pour qui est-il mort ?

Pour tous les hommes, et pour expier les péchés du monde entier.

Si Jésus-Christ est mort pour tous les hommes, ils seront donc tous sauvés ?

Non, parce que les mérites de Jésus-Christ ne sont pas appliqués à tous : " Quoique Jésus-Christ soit mort pour tous, " dit le Concile de Trente, " cependant tous ne reçoivent pas le fruit de sa mort. " La voie ordinaire par laquelle Dieu nous communique le fruit de la mort et de la Passion de Jésus-Christ, qui sont les grâces du salut, c’est le sacrifice de la Messe et les sacrements ; or, ils ne donnent la grâce qu’autant qu’on y apporte les dispositions requises, et comme il arrive souvent qu’on manque d’y apporter ces dispositions, il n’est pas surprenant qu’on ne reçoive pas la grâce, et que les mérites de Jésus-Christ ne soient pas appliqués à tous. Ainsi, quoique ce divin Sauveur, par un effet de sa miséricorde, soit mort pour tous, cela n’empêche pas qu’un grand nombre ne soient damnés par un effet de la justice divine, ou parce qu’ils mettent des obstacles à la grâce pour ne point la recevoir, ou qu’ils la perdent après l’avoir reçue.

Pourquoi Jésus-Christ a-t-il voulu mourir sur la croix ?

Il est vrai qu’une seule goutte du sang de Jésus-Christ eût pu nous racheter, puisque, étant Dieu, toutes ses actions et ses souffrances étaient d’un prix infini ; mais il a voulu mourir sur la croix au milieu des plus grands tourments, pour nous mieux faire sentir l’excès de son amour, l’horreur du péché, la grandeur de l’outrage qu’il fait à Dieu, et la rigueur des châtiments qu’il mérite. C’est pour cela que Jésus-Christ, dans sa Passion, a voulu souffrir toutes sortes de peines et d’humiliations : des peines intérieures pour expier les péchés intérieurs que nous commettons par de mauvaises pensées, de mauvais désirs ; des peines extérieures pour expier les péchés que nous commettons à l’extérieur. Et comme nous offensons Dieu par toutes les facultés de notre âme et par tous les organes de notre corps, Jésus-Christ a voulu souffrir toutes les peines imaginables dans son corps et dans son âme. Et d’abord dans son âme, dans le jardin des Olives ; il livra son cœur à la crainte, à l’ennui, et à la tristesse. C’est à ces trois sortes de peines que se réduisent toutes les peines intérieures que l’on peut souffrir. Mais ces peines étaient si violentes et si accablantes dans l’âme de Jésus-Christ qu’elles le firent tomber dans l’agonie, qu’elles faisaient sortir le sang de ses veines, de sorte qu’il parut sur son corps une sueur de sang si abondante que la terre en fut arrosée.

Jésus-Christ a souffert dans son corps des soufflets, des coups de poing, des crachats, la flagellation la plus cruelle, le couronnement d’épines, et le crucifiement.

Jésus-Christ a aussi voulu souffrir toutes sortes d’humiliations et d’opprobres, afin de réparer par là les outrages faits à la Majesté divine. Il a été abandonné de ses disciples pour expier l’injure que nous faisons à Dieu en l’abandonnant par le péché. Il a souffert qu’on lui préférât Barabbas, un insigne voleur, pour réparer l’outrage infini que nous faisons à la Majesté souveraine de Dieu en lui préférant une vile créature, une passion infâme, un plaisir d’un moment. Il a été jugé et condamné, et il a souffert la mort que nous avions méritée par nos péchés. Le Prophète Isaïe avait donc bien raison de dire, en parlant de Jésus-Christ dans sa Passion : " Il a porté nos péchés ; Dieu l’a chargé de toutes nos iniquités ".

La satisfaction que Jésus-Christ a rendue à son Père pour nos péchés nous exempte-t-elle de faire pénitence ?

Non, au contraire, elle nous en montre mieux la nécessité. Car si Jésus-Christ, qui était innocent, a tant souffert pour nos péchés, à plus forte raison devons-nous souffrir pour les expier, nous qui sommes coupables. Les membres doivent se conformer au chef ; Jésus-Christ est notre chef, et nous sommes ses membres. Or, convient-il que nous soyons des membres délicats sous un chef couronné d’épines, dit saint Bernard ? C’est pour cela que saint Paul nous dit que nous ne serons glorifiés avec Jésus-Christ qu’autant que nous aurons souffert avec lui, et que nous aurons été attachés à la croix comme lui. Cependant, comme toutes les pénitences que nous pouvons faire pour expier nos péchés ne sont pas capables de réparer l’outrage qu’ils ont fait à Dieu, nous devons toujours mettre notre principale confiance dans la mort de Jésus-Christ, la regardant et l’offrant à Dieu comme notre satisfaction essentielle, en y unissant tout ce que nous pouvons faire. Car toutes nos pénitences et nos mortifications ne peuvent satisfaire à Dieu qu’autant qu’elles sont unies à Jésus-Christ, puisque c’est de lui qu’elles tirent toute leur vertu et leur mérite.

Dieu n’aurait-il pas pu nous pardonner sans exiger aucune satisfaction de la part de Jésus-Christ et de la nôtre ?

Il l’aurait pu absolument, mais sa justice n’aurait pas été satisfaite, car la justice de Dieu demande que le péché soit puni par une peine proportionnée ; et il est de l’ordre de cette justice divine que l’outrage fait à la Majesté souveraine soit réparé par une satisfaction égale à l’offense. Or, si Dieu nous eût pardonné sans que Jésus-Christ eût souffert, et sans pénitence de notre part, la péché n’aurait pas été puni, et l’offense faite à la Majesté de Dieu n’aurait pas été suffisamment réparée. Dieu aurait manifesté sa miséricorde en pardonnant, mais il n’aurait pas fait éclater sa justice en punissant. Il était donc convenable, pour accorder les droits de la justice divine avec ceux de sa miséricorde, qu’il exigeât une satisfaction rigoureuse et proportionnée à la grandeur de l’outrage que le péché avait fait à sa Majesté. Et dans cette supposition il fallait que Jésus-Christ souffrît, et il fallait que nous fassions pénitence en joignant nos souffrances aux siennes.

Quand Jésus-Christ est-il mort ?

Le jour du Vendredi saint, à l’âge d’environ trente-trois ans. Il fut crucifié vers midi, et il mourut vers trois heures, c’est-à-dire que son âme se sépara de son corps, mais sa divinité était toujours unie et au corps et à l’âme et au sang, de sorte qu’on eût pu et dû les adorer, parce que, comme nous l’avons déjà dit, la personne du Fils de Dieu, au moment de son Incarnation, s’unit tellement à la nature humaine, c’est-à-dire à l’âme, au corps et au sang qu’elle prit dans le sein de la sainte Vierge, qu’elle ne les quitta jamais et qu’elles subsistèrent toujours en lui. Ainsi, après la mort de Jésus-Christ, son sang était séparé de son corps, puisqu’il avait été répandu sur le Calvaire, et son âme était séparée de son corps, puisqu’elle était aux limbes ; mais la divinité n’était séparée ni de l’âme, ni du corps, ni du sang, du moins de la masse de sang ; et si un Apôtre avait consacré dans ce moment, en prononçant sur l’espèce du pain ces paroles, " ceci est mon corps ", il n’y aurait eu que le corps et la divinité ; et en prononçant sur l’espèce du vin ces paroles, " Ceci est mon sang ", il n’y aurait eu que le sang et la divinité. Mais comme à la Résurrection de Jésus-Christ son âme et son corps se sont réunis, et sont maintenant inséparables parce qu’ils ne peuvent être séparés que par la mort, " Jésus-Christ ressuscité ne meurt plus ", dit l’Apôtre. Voilà pourquoi Jésus-Christ est tout entier sous chaque espèce.

Quels sont les avantages que nous avons retirés de la mort et de la Passion de Jésus-Christ ?

Jésus-Christ en mourant,

1° a satisfait pour nous à la justice divine, et il a pleinement réparé l’outrage que tous les péchés du monde avaient fait à la Majesté de Dieu.

2° Il nous a obtenu le pardon de nos péchés en les effaçant par son sang.

3° Il nous a réconciliés avec Dieu en détruisant la cause de la haine que Dieu nous portait, qui était le péché, et c’est pour cela qu’il est notre médiateur.

4° Il a détruit l’empire du démon, et il a triomphé des puissances infernales en les subjuguant et en leur ôtant le pouvoir qu’elles avaient sur les hommes.

5° Il nous a délivrés de la mort en nous ressuscitant à la grâce, en nous donnant droit à la vie éternelle.

6° Il nous a rachetés de l’enfer que nous avions mérité, et il nous a ouvert les portes du ciel. En un mot, Jésus-Christ par sa mort a réparé tous les maux que le péché avait causés. Et comme Adam, notre premier père, nous avait perdus par sa désobéissance, Jésus-Christ nous a sauvés par son obéissance, et il nous a enfantés de nouveau sur la croix en nous procurant, par sa mort, une vie bien plus précieuse que celle que nous avons reçue de nos pères charnels, puisque c’est la vie de la grâce qui nous justifie aux yeux de Dieu, et nous fait ses enfants et les héritiers de son royaume.

Toutes les grâces viennent donc des mérites de Jésus-Christ ?

Oui, c’est un article de foi que depuis la perte de la grâce que Dieu avait donnée à Adam en le créant, et qui était une grâce de Dieu Créateur, toutes les autres grâces qui ont été données aux hommes viennent de Jésus-Christ Rédempteur, de sorte que nous ne devons ni espérer ni demander aucune grâce qu’au nom et par les mérites de Jésus-Christ. C’est pour cela que l’Église termine toutes les oraisons par ces paroles : Par Jésus-Christ Notre-Seigneur, parce qu’elle sait qu’elle ne peut rien obtenir que par les mérites de ce divin Sauveur. C’est aussi pour cela qu’elle accompagne l’administration de tous les sacrements du signe de la croix, pour marquer que leur vertu et leur efficacité viennent de la croix de Jésus-Christ, et que toutes les grâces qu’ils nous donnent sont un effet de sa mort et de sa Passion.

 

DE LA GRÂCE SURNATURELLE, QUI EST LE FRUIT DE LA RÉDEMPTION DE JÉSUS-CHRIST

Qu’est-ce que la grâce que Jésus-Christ nous a méritée par sa mort et sa Passion ?

C’est un don surnaturel qui nous est donné gratuitement pour nous aider à faire le bien, à éviter le mal, et nous faire mériter la vie éternelle.

C’est un don, c’est un bienfait, une faveur que Dieu nous accorde.

Surnaturel, qui est au-dessus de la nature, pour distinguer la grâce des biens temporels, qui sont les richesses, les plaisirs et les honneurs, et les dons naturels qui sont attachés à la nature, comme sont la force, l’adresse, la beauté, la santé, la mémoire, le jugement, etc. La grâce est infiniment supérieure à tous ces avantages temporels ou naturels. Tous les biens de l’univers et tous les talents de la nature ne sont rien en comparaison de la moindre grâce, qui est un écoulement de la nature divine, un rayon de la lumière céleste, un mouvement du Saint-Esprit.

Qui nous est donné gratuitement, car on ne peut mériter la grâce. Toutes les bonnes qualités et les bonnes œuvres naturelles qui viennent de nous-mêmes, sans que nous soyons inspirés et animés de Dieu, ne peuvent mériter la grâce. Dieu nous la donne gratis en vertu des mérites de Jésus-Christ. Cependant, quand on est une fois en état de grâce, on peut mériter l’augmentation de la grâce avec le secours de la grâce qu’on a déjà ; mais sans le secours de la grâce on ne peut mériter ni la grâce ni la gloire.

La grâce nous est donnée pour nous aider à faire le bien et à éviter le mal, parce que nous ne pouvons rien dans l’ordre surnaturel, c’est-à-dire, par rapport au salut, sans la grâce. Nous ne pouvons ni faire aucune bonne œuvre, ni avoir aucun bon désir, aucune bonne pensée, ni surmonter les tentations par un principe de religion que par le secours de la grâce, parce que la nature n’a pas la force de rien faire qui puisse plaire à Dieu et mériter le ciel. Voilà pourquoi il faut que Dieu l’aide par sa grâce, et qu’il l’élève au-dessus d’elle-même pour la rendre capable de faire le bien surnaturel et d’éviter le mal. On peut bien faire quelques bonnes œuvres par les forces de la nature, comme les païens et les hérétiques en font, mais ce ne sont que de bonnes œuvres humaines qui ne peuvent mériter que pour ce monde quelque bien temporel, comme les Romains à qui Dieu accorda l’empire du monde pour les récompenser de leur justice naturelle, de leur tempérance, de leur sobriété, et des autres vertus humaines qu’ils pratiquaient.

Combien y a-t-il de sortes de grâces ?

Il y en a de deux sortes : la grâce habituelle et la grâce actuelle.

La grâce habituelle est celle qui nous justifie devant Dieu en nous remettant tous nos péchés mortels, car cette grâce est incompatible avec le péché mortel, et un seul suffit pour nous la faire perdre. Cette grâce est aussi appelée grâce sanctifiante, parce qu’elle nous sanctifie. On la nomme encore amour de Dieu ou charité, parce qu’elle nous procure l’amitié de Dieu, comme le péché mortel nous fait encourir sa haine et sa disgrâce. On la nomme aussi grâce d’adoption, parce qu’elle nous fait enfants de Dieu et héritiers du ciel, car toutes les autres grâces, sans celle-là, ne peuvent point nous sauver ni nous mériter la vie éternelle. La crainte de Dieu, la foi, l’espérance sont de vraies grâces, sont des dons surnaturels, mais elles ne peuvent rien mériter d’un mérite absolu pour le ciel sans la charité. Ce sont des dispositions, des préparations à la justification et à la réconciliation avec Dieu ; mais si le pécheur qui a la foi et l’espérance vient à mourir sans avoir encore la charité, il sera éternellement damné. C’est ce que saint Paul nous apprend lorsqu’il nous dit, " Quand je parlerais le langage des Anges, si je n’ai la charité, je ne suis rien, etc. ".

La grâce actuelle est celle qui nous est donnée pour faire chaque action. C’est pour cela qu’on l’appelle actuelle, pour la distinguer de l’habituelle, qui habite en nous, lors même que nous n’agissons pas. Ainsi les enfants baptisés ont la grâce habituelle, et ils n’ont la grâce actuelle que lorsqu’ils sont en âge de raison, parce qu’ils n’avaient jusque-là aucune bonne œuvre à faire. L’action étant faite, la grâce actuelle passe, et la grâce habituelle demeure toujours dans l’âme jusqu’à ce qu’on tombe dans un péché mortel.

Il y a plusieurs sortes de grâces habituelles et actuelles. La foi, l’espérance, et les sept dons du Saint-Esprit sont des grâces habituelles, non pas qu’elles nous justifient comme la grâce sanctifiante dont nous avons parlé d’abord ; mais on les nomme habituelles parce qu’elles sont permanentes dans l’âme, lors même qu’elle n’en produit pas les actes. Les bonnes pensées, les inspirations, ses remords de conscience, les pieux sentiments, etc., sont des grâces actuelles, parce qu’elles sont données pour faire une bonne œuvre, laquelle étant faite, la grâce actuelle cesse, et la grâce habituelle, qui en est la racine et le principe, demeure toujours en nous comme une vertu ou une inclination qui nous donne une facilité pour le bien, jusqu’à ce qu’elle soit détruite par le vice contraire, comme la vertu de foi, par exemple, qui est une vertu et un don habituel, demeure en nous, du moins quant à la racine et au principe, jusqu’à ce que nous la perdions par l’apostasie ou l’hérésie. L’espérance se perd par le désespoir ; mais on diminue la force de ces vertus par une négligence qui fait qu’on n’en produit aucun acte.

Comment le signe de la croix nous rappelle-t-il le souvenir des trois principaux mystères de la foi ?

1° En nommant les trois personnes, le Père, le Fils, et le Saint-Esprit sous un même nom on se rappelle aisément le mystère de la sainte Trinité.

2° En portant la main de la tête à la poitrine on se rappelle que le Fils de Dieu est descendu du ciel pour se faire homme dans le sein de la Vierge : voilà le mystère de l’Incarnation.

3° Le signe de la croix nous représente la croix sur laquelle Jésus est mort, et c’est le mystère de la Rédemption.

On peut aussi, en portant la main sur le front, où est notre entendement et où se forment nos pensées, se souvenir que le Père engendre dans son entendement son Fils qui est sa pensée, et, prononçant le nom du Saint-Esprit en portant la main sur les deux épaules entre la tête et la poitrine, sur lesquelles on exprime le nom du Père et du Fils, on peut se rappeler que le Saint-Esprit procède de ces deux personnes, et qu’il les unit par le lien de la charité, étant l’amour subsistant du Père et du Fils.

 

RÉFLEXIONS MORALES SUR LE MYSTÈRE DE LA RÉDEMPTION

1° Le péché fait à Dieu une injure et un outrage infinis, puisqu’il a fallu des mérites infinis pour les réparer, et que toutes les pénitences des Saints ne suffiraient pas pour expier un seul péché mortel. Quelle horreur n’en devons-nous pas avoir ! Avec quel soin ne devons-nous pas l’éviter ! Quel regret et quelle douleur ne devons-nous pas ressentir de ceux que nous avons commis, et quelle pénitence ne devons-nous pas en faire !

2° En tombant dans le péché mortel nous crucifions Jésus-Christ de nouveau, parce que nous renouvelons la cause de sa mort.

3° L’amour de Jésus-Christ envers les hommes était immense, puisqu’il l’a porté à souffrir tant de tourments pour leur salut ; et nous serions bien ingrats si nous n’aimions pas un Dieu qui nous a aimés jusqu’à se livrer à la mort pour nous donner la vie ; et si nous aimons Dieu nous devons souffrir pour lui ; car si nous ne voulons rien faire ni rien souffrir nous ne l’aimons pas véritablement.

4° Que la miséricorde de Dieu est grande, puisqu’il n’épargne pas son propre Fils, et qu’il le livre à la mort pour le salut des hommes, et des hommes pécheurs !

5° Que la justice de Dieu est rigoureuse, puisqu’elle exige une satisfaction si exacte pour l’offense qu’on lui fait !

6° Si Jésus-Christ a tant souffert pour des péchés qu’il n’avait point commis, que ne devons-nous pas faire pour expier ceux que nous avons faits nous-mêmes !

7° Que nos âmes sont estimables aux yeux de Dieu, puisqu’elle sont rachetées au prix du sang d’un Dieu, selon que l’écriture nous l’apprend : " Vous avez été rachetés non par au prix de l’or et de l’argent, mais au prix du sang de l’Agneau sans tache ". Malheur donc à nous, si après que Jésus-Christ nous a ainsi rachetés par tant de souffrances, nous nous livrons encore à nouveau au démon par le péché !

8° S’il a fallu que le Fils de Dieu souffrît ainsi pour entrer dans sa gloire, pouvons-nous espérer d’arriver au ciel en menant une vie aisée et immortifiée ?

 

CE QU’ON DOIT FAIRE APRÉS AVOIR ÉTÉ INSTRUIT DU MYSTÈRE DE LA RÉDEMPTION

Que doit-on faire après avoir été instruit sur le mystère de la Rédemption ?

On doit,

1° remercier Jésus-Christ de tout ce qu’il a bien voulu souffrir pour nous ;

2° le reconnaître pour notre Sauveur et notre unique Rédempteur, et l’adorer et l’aimer en cette qualité ;

3° mettre en lui toute notre confiance, espérant des mérites infinis de sa mort et de sa passion toutes les grâces du salut ;

4° lui demander souvent qu’il daigne nous appliquer ses mérites infinis, c’est-à-dire nous donner, nous distribuer, toutes les grâces qu’il nous a méritées par ses souffrances ;

5° offrir à Dieu la mort et la Passion de Jésus-Christ en satisfaction pour nos péchés ;

6° unir nos peines et nos souffrances aux siennes,

7° méditer souvent la Passion de Jésus-Christ, compatissant à ses douleurs, détestant tous nos péchés qui en ont été la cause.

 

[suite] Des trois Symboles

 

Table de l'Exposition des principaux mystères de la foi

 

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