PARTIE II

Réflexions sur les vices dominants de notre siècle

 

1. Sur le déisme

2. Sur l’esprit du monde

3. Sur la présomption, ou illusion d’une fausse conversion, qui est cause de la profanation des sacrements

 

4. CONVERSIONS HUMAINES ET NATURELLES

Ce qui doit faire le principal objet de la prudence du confesseur, c’est de savoir distinguer les vraies conversions d’avec les fausses, les conversions surnaturelles d’avec celles qui ne sont qu’humaines et naturelles. Car outre le grand nombre des conversions qui sont évidemment fausses par le défaut de changement dans les mœurs, parce qu’on est toujours dans les mêmes et qu’on ne se corrige pas de ses désordres, il en est encore une infinité qui malgré les dehors et les apparences qui trompent les hommes, sont encore inutiles devant Dieu, parce que ce ne sont que des motifs humains qui en sont les principes, et non point la grâce ni la religion. Un homme d’un certain âge ne tombe plus dans les désordres de la jeunesse, c’est-à-dire dire pour cela qu’il soit converti ? Non ! C’est que les infirmités de la vieillesse ne s’accordent plus avec les passions violentes d’une jeunesse fougueuse, bouillante, volage et dissipée. C’est donc l’âge et non pas la religion qui a détaché ce vieillard des plaisirs criminels auxquels il s’était livré tant qu’il avait pu en jouir. Une personne s’établit, soit dans le mariage, soit dans le cloître, soit dans l’état ecclésiastique ; et dès lors elle mène, du moins à l’extérieur, une vie rangée ; elle évite une infinité de fautes grossières et scandaleuses dans lesquelles elle tombait précédemment. Est-elle convertie pour cela ? Point du tout ! C’est la bienséance de son état qui a produit ce changement dans sa conduite, et non point la religion. Que penserait-on dans le monde, si on voyait une personne mariée être aussi évaporée qu’une personne qui ne l’est point encore ? Que dirait-on si une personne en place et tenant un certain rang, quelque médiocre qu’il puisse être, se livrait hautement à des excès contraires à sa condition ? Les gens du monde eux-mêmes en seraient choqués, et ils seraient les premiers à en murmurer ; voilà la cause de cette retenue, de cette modération que l’on fait paraître, et la religion n’y a nulle part. Un païen en ferait autant. Car on a vu des païens, et nous voyons encore aujourd’hui des juifs et des hérétiques dont la vie est assez réglée, et qui pratiquent même quelques vertus morales. Mais la foi nous apprend que cette régularité apparente et ces bonnes œuvres, ne partant que d’un principe humain, sont inutiles pour le salut. Le changement de mœurs et de conduite n’est donc pas toujours une preuve de conversion. Il est nécessaire mais il ne suffit pas. Il faut que ce changement extérieur soit le fruit de la conversion du cœur, et le changement du cœur opéré par le principe de la grâce. Il faut que le cœur se détache sincèrement du péché, qu’il le haïsse, qu’il le déteste, non pas par des motifs humains, tels que ceux dont nous venons de parler, ni pour d’autres semblables, mais par des motifs surnaturels et divins. Il faut renoncer au péché en vue de Dieu et non pas en vue des hommes, par rapport à son salut, et non pas seulement pour la conservation de sa santé, ou de sa réputation, ou de ses intérêts. Mais comme il est aisé de dire et de se persuader qu’on fait tout pour Dieu, quoiqu’on n’agisse souvent que pour le monde et par une secrète recherche de soi-même. Par quel endroit pourra-t-on discerner si une conversion est surnaturelle ou naturelle ? Ce sera en examinant le principe et le motif qui en a été la cause. Si c’est un principe et un motif surnaturel, la conversion sera surnaturelle. Si c’est un motif humain et naturel, ou si, comme il arrive assez souvent, ce n’est qu’une simple cessation de crimes, par l’éloignement des occasions ou l’impossibilité de le commettre, ce n’est conversion humaine et naturelle, ou une conversion forcée et involontaire qui ne mérite pas le nom de conversion.

 

5. MARQUES D’UNE CONVERSION SURNATURELLE

Il n’y a que Dieu qui puisse savoir certainement si une âme est véritablement convertie, puisqu’il n’y a que lui qui connaisse parfaitement tous les ressorts des opérations de sa grâce, qui est le seul principe d’une conversion sincère. Mais cependant il y a certaines marques par lesquelles on peut en juger prudemment, et un confesseur est en droit de porter ce jugement. Il est même de son devoir de savoir faire le discernement de la lèpre d’avec la lèpre et de se prononcer sur sa guérison. Si une conversion a été occasionnée par des remords de conscience, par des inquiétudes et des alarmes sur son salut, par la crainte des jugements de Dieu et des peines de l’enfer, ou par la considération de quelqu’autre vérité que la foi nous propose, elle est déjà surnaturelle dans son motif, puisque ce sont là autant de motifs surnaturels par lesquels la religion nous engage de quitter le péché et de retourner à Dieu. Il y a aussi lieu d’espérer qu’elle est surnaturelle dans son principe, car c’est ordinairement la grâce qui produit en nous ces remords et ces sentiments de crainte, quoiqu’il puisse arriver que la nature et la raison nous inspirent une certaine horreur du péché et des châtiments qui lui sont réservés dans l’autre vie. Mais un des caractères qui me paraît le plus certain pour connaître si une conversion est surnaturelle, c’est la violence intérieure qu’il fait se faire pour se détacher du péché et pour embrasser les rigueurs de la pénitence, pour chasser le démon de son cœur, et pour y donner lieu à l’entre de la grâce sanctifiante, car ces trois choses sont nécessaires pour une entière conversion, et elles ne peuvent point se faire sans une extrême violence.

1° Le cœur ne se détache pas aisément d’un objet qui lui est cher. Rien n’est plus difficile que de déraciner une habitude invétérée et que de dompter une passion violente. Il faut pour cela bien des efforts et bien des sacrifices. Il faut s’arracher à soi-même autant de fois que l’objet de cette passion se représente : combien de sacrifices et de grands sacrifices ? Si dans une conversion on ne voit rien de semblable, c’est une preuve que ce n’est qu’une conversion superficielle et que le pécheur n’est point entré dans le fond de son âme pour y porter le fer et le feu, qu’il n’est point parvenu jusqu’à la source du mal, qu’il n’a donné son attention et ses soins que sur des choses qui étaient de peu d’importance ou auxquelles il n’était pas fortement attaché, et qu’il a ménagé ses passions dominantes, car il est certain que s’il les avait attaquées et s’il travaillait sincèrement à les détruire, il y trouverait une forte résistance. Pour la surmonter, cette résistance, il faudrait nécessairement qu’il se fît une très grande violence.

2° Il faut embrasser les rigueurs de la pénitence, et pour cela combien de grâces et de contraintes ? Combien de renoncements à soi-même dans les occasions où il s’agit de refuser ce que l’on aime, de se priver de ses aises, de ses commodités, et de vaincre ses répugnances pour le bien ? Il en coûte à la nature pour tout cela, ou s’il n’en coûte rien, c’est marque que ce que l’on fait n’est qu’humain et naturel, qu’il y a quelque passion ou quelque vue cachée qui en est le principe ? Car la nature, qui est portée au plaisir et qui a horreur de tout ce qui la mortifie, ne souffre qu’avec une extrême répugnance qu’on la contraigne à pratiquer les austérités de la pénitence, et qu’on la prive des douceurs qu’elle trouve dans la satisfaction des sens. Ce n’est donc qu’en se faisant violence qu’on peut la dompter et la subjuguer. Et si l’on ne sent pas ces révoltes de la chair contre l’esprit et ces combats intérieurs de la grâce et de la nature, c’est qu’on ne travaille pas sérieusement à détruire cette nature corrompue qui meurt si difficilement, et qui ne peut mourir qu’en passant par des agonies de tristesse et d’amertume, et qui n’est domptée que par les coups redoublés qu’on lui porte. Si on ne trouve pas grande difficulté dans le bien que l’on fait, c’est que la nature y trouve son compte, c’est qu’elle y a quelqu’intérêt, c’est qu’elle y éprouve quelque satisfaction charnelle qui la dédommage de la peine qu’elle souffre en le faisant, comme les pharisiens qui trouvent dans les bonnes œuvres qu’ils pratiquent de quoi nourrir leur orgueil, contenter leur amour propre, et satisfaire leur avarice.

3° Quand le démon est une fois entré dans une âme par le péché mortel, il n’en sort pas aussi aisément qu’on se l’imagine. C’est ce fort armé de l’Évangile qui est dans le cœur du pécheur comme sur son trône ; il le possède, il y fait sa demeure, il en est jaloux, et il faut lui livrer de grands assauts pour l’obliger de le quitter et de l’abandonner. Lorsque Jésus-Christ chassait les démons, ils le conjuraient de ne pas les forcer à quitter leur demeure, témoignant par leurs cris et leurs gémissements que c’était pour eux un supplice extrême d’y être contraints. Nous lisons dans saint Marc (9, 23), qu’un démon sortant du corps d’un possédé l’agitait furieusement, le jetant par terre et le laissant pour mort. Ce prince de ténèbres ne quitte pas l’âme d’un pécheur plus aisément que le corps du possédé ; il agite aussi violemment les puissances de son âme lorsqu’il l’en fait sortir par une vraie pénitence, que les membres du corps d’un possédé lorsqu’il est délivré de sa possession. Si le pécheur ne sent pas ces résistances, c’est qu’il ne lui livre que de faibles assauts ; le démon laisse l’âme pécheresse tranquille, tandis qu’il est en paix lui-même ; mais si cette âme malheureusement engagée sous l’esclavage de Satan faisait des efforts, et prenait des moyens efficaces pour secouer son joug et pour briser ses fers, elle verrait combien de stratagèmes ce malin esprit emploierait pour la retenir sous son empire.

Sainte Thérèse raconte dans l’histoire de sa vie qu’une personne s’étant convertie par ses prières et ses exhortations, la violence qu’il lui fallut faire pour rompre une ancienne habitude, et les combats étranges qu’elle sentit au-dedans d’elle-même pour se déterminer, la mirent dans des peines et des travaux intérieurs si accablants qu’elle n’eût pu résister, si Dieu ne l’eût fortifiée de sa grâce. Quand on voit dans le monde une personne qui souffre quelque chose de semblable à l’occasion de sa conversion, on dit que la tête lui tourne et qu’elle tombe dans le scrupule. Enfin, cette personne, après avoir souffert pendant quelque temps ce violent état, fut entièrement convertie ; mais le démon, furieux d’avoir perdu cette proie, s’en vengea sur sainte Thérèse elle-même qui la lui avait ravie. Il la tourmenta d’une manière horrible que la sainte apporte, tant il est vrai que le bien, et surtout un bien aussi essentiel que la conversion d’une âme, ne se fait pas sans peine. Il fait qu’elle souffre pour cela, et souvent il faut que d’autres souffrent encore avec elle et s’intéressent auprès de Dieu pour elle. Une âme qui est dans la voie de se convertir est, comme dit le Sauveur, " dans les travaux de l’enfantement ". Mais si par sa constance et sa fermeté elle a le bonheur de réussir un si grand ouvrage, si elle peut enfin, après bien des peines, avoir l’avantage de chasser le démon de son cœur pour y faire rentrer Jésus-Christ, ses douleurs se changeront en joie. Tristitia vestra vertetur in gaudium (Jn 16, 20).

Il est vrai que ces marques d’une sincère conversion ne sont pas toujours également sensibles, parce que la grâce opère quelquefois dans les âmes d’une manière cachée et imperceptible ; comme la passion et le démon agissent par des voies sourdes et ténébreuses. Et dans ces doutes et ces incertitudes il faut du temps pour en juger ; l’événement et les fruits en décideront : A fructibus eorum cognoscetis eos (Mt 7, 16). Mais en général on peut dire que lorsqu’une personne est touchée des vérités de la foi et sensible aux motifs de la religion, sincère dans la déclaration de ses péchés, qu’elle éprouve des combats intérieurs et qu’elle se fait violence, il y a lieu d’espérer que sa conversion est surnaturelle. Toutes ces considérations font bien voir combien il est peu de pécheurs qui se convertissent.

Et ce qui est plus terrible encore, c’est que parmi le nombre de ceux qui semblent se convertir sincèrement, et qui donnent même des marques sensibles de conversion, il en est très peu qui persévèrent et qui ne retombent dans leurs anciens désordres, selon cette sentence de saint Jérôme, Multorum est incipere, paucorum vero perseverare. Et il est beaucoup plus difficile de maintenir une âme dans la voie du salut que de l’y faire entrer, surtout dans le temps où la première ferveur diminue et où les passions renaissent. Tout cela prouve bien le petit nombre des élus. On n’aime point entendre ces vérités, parce qu’elle condamnent trop évidemment le peu de soins que l’on prend pour s’assurer d’un retour sincère vers Dieu. Mais elles sont trop souvent répétées dans l’Évangile et trop clairement expliquées dans les saints Pères pour qu’on puisse les contester ou les dissimuler.

 

6. ILLUSION D’UNE VIE AISÉE

Une autre chose également fréquente dans notre société, c’est la persuasion où l’on est que l’on fera son salut sans se gêner et en menant une vie douce et commode, tandis que Jésus-Christ nous dit expressément dans l’Évangile que le royaume des cieux souffre violence (Mt 11, 42), qu’il faut faire de grands efforts pour le ravir, que la voie du ciel est étroite, qu’il en est peu qui y entrent (Mt 7, 14), qu’il est bien difficile et moralement impossible aux riches d’y parvenir (Mt 19, 23), parce qu’ils jouissent des plaisirs du monde.

Il nous dit encore que si quelqu’un veut être son disciple, il doit se renoncer soi-même et porter sa croix tous les jours de sa vie (Lc, 9, 23) ; et ailleurs il nous déclare que si nous ne faisons pénitence nous périrons tous (Lc 13, 5). Saint Paul nous assure également que ce n’est que par des peines et des tribulations que nous pouvons entrer dans le royaume des cieux, (Ac 14, 21), et que nous ne serons glorifiés avec Jésus-Christ dans le ciel qu’autant que nous aurons eu part à ses souffrances et à ses humiliations sur la terre (Ga 6, 14), et que nous aurons été entés avec lui sur la croix (Ga 2, 19). L’écriture est remplie de semblables maximes. Après tant d’avertissements si formels que le Saint-Esprit nous donne partout touchant la difficulté du salut et la violence extraordinaire qu’il faut se faire pour parvenir au bonheur éternel, comment est-il possible qu’on puisse s’aveugler encore sur ce point, et se tranquilliser sur une affaire de cette importance, où il ne s’agit de rien moins que d’être éternellement heureux avec Dieu dans le ciel, ou éternellement malheureux avec les démons dans l’enfer ? Si on pensait sérieusement à cette effrayante alternative, être sauvé ou damné pour toute une éternité, ah ! il n’y aurait rien de si difficile que l’on ne ferait, rien de si pénible que l’on ne souffrirait, rien de si attrayant à quoi l’on ne renoncerait volontiers pour mettre son salut en sûreté. Cependant, la moindre violence qu’il faut se faire pour accomplir la loi de Dieu paraît insupportable, ce qui fait voir jusqu’à quel excès on porte la délicatesse et l’immortification. C’est la manière dont on passe maintenant le Carême. Autrefois, les impies jeûnaient exactement, et cela sans distinction de rang, de condition ; à présent, on ne se fait presque plus de scrupule de faire gras et de ne pas jeûner. Autrefois, quand on avait commis quelques grands crimes, on faisait de grandes pénitences ; à présent, presque toutes les pénitences se réduisent à réciter quelques prières, et on paraîtrait ridicule si on parlait de discipline, de macération, tant le monde a horreur de tout ce qui a l’apparence d’une vie austère. Tout paraît trop difficile ; à peine ose-t-on rien entreprendre ; du moins on se rebute à la première difficulté ; on ne veut ni se gêner ni se contraindre en rien et cependant on espère faire son salut. Quelle espérance ? Sur quoi est-elle fondée ? Sur les promesses de Dieu ? Au contraire, Dieu n’a promis le ciel qu’à ceux qui auront travaillé pour le mériter, qui auront combattu jusqu’à la mort, qui seront dans les dispositions de tout sacrifier, jusqu’à leur vie même. Eh ! où sont donc nos sacrifices ? Où sont nos combats et nos victoires ? Notre espérance est donc une espérance frivole, une espérance vaine, puisqu’elle n’est fondée que sur une prétention toute contraire à la parole de Dieu. C’est donc une erreur, une illusion grossière, et une damnable présomption qui nous fait espérer le salut sans prendre les moyens nécessaires pour nous sauver, sans rien faire, sans rien souffrir pour cela, ou plutôt en faisant tout le contraire de ce qui est nécessaire pour cela. Qu’il y aurait de choses à dire là-dessus ! Mais cette vérité est évidente. Et ce qui la rend encore plus sensible, c’est l’exemple de Jésus-Christ et des Saints.

Nous ne sommes pas de meilleure condition que le Fils de Dieu. Il n’est entré dans sa gloire que par les souffrances, et l’Évangile nous dit qu’il " a fallu qu’il souffrît ainsi " (Lc 24, 26) avant que d’être glorifié. Et si cela était nécessaire pour lui, pourquoi ne le serait-il pas pour nous ? Et les Saints ne l’ont-ils pas fait ? Que n’ont-ils pas souffert pour arriver au bonheur dont ils jouissent ! Et s’il y a encore de nos jours des âmes qui se sanctifient, ce ne sont que celles que Dieu éprouve par des croix, des humiliations, et des afflictions de toutes espèces. On ne voit pas toujours ce que Dieu fait souffrir à ses élus. Ils ont souvent bien des peines que les hommes ne connaissent guère. Dieu les fait passer par le feu des tribulations ; il les éprouve comme l’or dans la fournaise ; il les punit sévèrement des fautes qu’ils ont faites dans ce monde, parce qu’il veut récompenser éternellement leurs mérites dans l’autre, au lieu qu’il laisse certains réprouvés dans la prospérité pour récompenser le peu de bien qu’ils ont fait dans cette vie, parce qu’il se réserve de punir éternellement leurs péchés dans l’autre. Quel sujet de crainte pour une personne qui mène une vie commode si elle n’a point de (quoi) suppléer, par des pénitences et des mortifications volontaires, au défaut de ce qu’elle ne souffre pas assez d’ailleurs ! Quand on considère attentivement toutes ces vérités, on s’écrie sérieusement avec saint Augustin : " Seigneur, coupez, tranchez, ne m’épargnez pas ici-bas, pourvu que vous m’épargniez dans l’éternité ".

De toutes ces maximes, qui sont celles de l’Évangile, voici les conséquences qu’on doit tirer et l’application qu’on doit faire :

1° Que si nous ne prenons pas plus de soin de notre salut qu’on en prend communément dans le monde, nous ne le ferons jamais. Si nous nous contentons de faire ce que font les autres en vivant comme eux, nous sommes dans la voie large qui conduit à la perdition. Et si nous voulons sérieusement faire notre salut, nous ne devons point prendre la multitude pour modèle, mais le petit nombre de ceux qui vivent selon les règles de l’Évangile et non pas selon les maximes du monde, car il est certain que le plus grand nombre est celui des réprouvés et que le plus petit est celui des élus, puisque la voie du ciel est étroite, et qu’il en est peu qui y rentrent.

2° Que si nous ne voulons point nous gêner, nous mortifier en menant une vie pénitente, et si, au lieu de nous renoncer, nous cherchons nos aises et nos commodités, nous n’arriverons jamais au ciel, parce qu’on n’y va que par le chemin de la croix.

3° Quand même on ne tomberait pas dans de grands désordres, on ne doit pas pour cela se rassurer, parce qu’un seul péché mortel suffit pour nous perdre ; et il y a bien des péchés mortels de négligence et d’omission qui paraissent peu de chose aux yeux du monde. Le serviteur inutile a été jeté dans les ténèbres extérieures. Et ce n’est point assez de ne point faire le mal, mais il est nécessaire de faire le bien, puisque ce n’est que par la multitude de nos bonnes œuvres que nous pouvons mettre notre salut en assurance, comme dit l’apôtre saint Pierre (2 P 1, 10). Et saint Augustin nous dit aussi qu’une vie inutile suffit pour nous damner : Sola inutilitas sufficit ad damnationem.

7. Sur la mortification des passions

8. Vices qui règnent dans notre siècle : sur l’impureté, sur la médisance, sur l’intempérance

 

Tables du Recueil

 

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