Partie II
RÉFLEXIONS
sur les vices dominants de notre siècle
1. SUR LE DÉISME
Le plus horrible des vices de notre siècle, cest le déisme. Jamais on na vu tant de libertins attaquer la religion, surtout dune manière si ouverte, car aujourdhui limpiété a levé masque, et il ny a plus rien de si certain et de si évident quelle ne conteste, quelle ne révoque en doute, rien de si sacré quelle ne blasphème et quelle ne tourne en ridicule, de sorte que nous aurions à craindre un renversement total dans la religion si Dieu ne nous avait dit dune manière aussi claire quil soutiendrait son Église et que les portes de lenfer ne prévaudraient point contre elle (Mt 16, 18). Mais rassurons-nous : les promesses de notre Dieu sont infaillibles. Il la conservée jusquici ; il la continuera à la maintenir jusquà la fin des siècles, selon la divine parole, usque ad consummationem sæculi (Mt 28,20). Il la fait triompher de la fureur des démons ; de la perfidie des juifs, de linhumanité des tyrans, de la rage des bourreaux, de la malignité des hérétiques. Il ne lui sera pas plus difficile de la défendre de ces prétendus esprits forts qui lattaquent pas des discours ineptes. Oui, elle subsistera, cette religion divine. Cest louvrage du tout-puissant. Jamais la malice des hommes ou des démons ne pourra la renverser.
Il fallait apparemment que lÉglise, après avoir été attaquée et combattue en cent mille manières différentes, fût encore mise à cette dernière épreuve, pour faire éclater davantage la protection de Dieu sur elle et linfaillibilité des promesses quil a faites en sa faveur. Consolons-nous donc. Aucun des élus ne périra. Si les discours scandaleux de ces misérables qui nont ni raison ni religion font quelquimpression, ce nest le plus souvent que sur des mondains qui nont quune foi faible et chancelante, une foi humaine et naturelle. Prions seulement le Seigneur quils nébranlent point certaines âmes fidèles qui pourraient les entendre. Ah, que ces vains raisonnements, ces discours téméraires et insensés les frapperaient peu, sils connaissaient ceux qui les tiennent ! Ce sont souvent des ignorants qui nont jamais vu, encore moins médité, les preuves sur lesquelles la religion est établie, et qui seraient fort en peine si on leur en faisait rendre compte.
Indications de quelques preuves de la religion
Notre sainte religion est fondée sur tant de motifs convainquant et sur tant de preuves incontestables quil faut pour en douter, ou être parfait ignorant, ou insigne libertin. Cette religion a été annoncée par les prophètes, enseignée par Jésus-Christ, confirmée par des miracles évidents. Elle a été établie dune manière toute surnaturelle ; elle sest soutenue contre toutes les persécutions ; elle a été cimentée du sang des martyrs ; elle a été reçue, approuvée, et admirée des plus grands génies ; elle a fait des milliers de saints, et elle porte partout avec elle des caractères visibles de sainteté. Que de puissants motifs pour nous convaincre de son excellence pour peu quon y fasse attention ! Et comment peut-on se refuser à tant de raisons qui démontrent si clairement sa divinité ?
Prophéties
Les patriarches et les prophètes lont annoncée et figurée depuis le commencement du monde et pendant une longue suite de siècles. Et les prophéties qui marquent si clairement la naissance de Jésus-Christ, ses miracles, sa mort, sa résurrection, labolition de lancienne loi, létablissement de la nouvelle et tout ce qui la concerne, les juifs par une providence toute divine les ont conservés jusquaujourdhui dans la langue hébraïque, telles et plus fortes que nous les avons nous-mêmes, afin que les impies qui sont déterminés à tout nier ne puissent pas dire quelles ont été faites après lévénement, car il serait absurde de supposer que les juifs auraient composé eux-mêmes ou reçu des chrétiens des livres qui les condamnent.
Sainteté, doctrine, et miracles de Jésus-Christ
La sainteté incomparable et incontestable de Jésus-Christ, lexcellence de sa doctrine, la multitude et lévidence de ses miracles que les pharisiens nont pu contredire malgré lenvie quils en avaient, et que Julien lApostat lui-même a été forcé de reconnaître prouvent dabord au moins quil était envoyé de Dieu, approuvé de Dieu, revêtu de la puissance et de lautorité de Dieu. Et par une conséquence ultérieure, ces miracles prouvent quil était Dieu, puisquil les faisait pour démontrer et attester sa divinité. Donc notre religion est divine, puisquil en est lauteur. Donc tout ce quelle renferme est vrai, puisque cest Jésus-Christ lui-même qui la enseignée.
Faits fondamentaux de la religion
Notre religion est appuyée sur certains faits essentiels dont elle dépend, tels que sont la naissance miraculeuse du Sauveur, son adoration des mages, sa mort accompagnée de tous les phénomènes extraordinaires qui lont suivie (car le soleil sobscurcit, la terre trembla, les pierres se fendirent, etc.), et surtout la résurrection, son ascension, la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres et dautres semblables événements sensibles et publics. Si on peut démontrer un seul de ces faits, quel quil soit, voilà notre religion invinciblement établie, quand bien même on ne pourrait pas prouver les autres, parce quun seul de ces faits suppose évidemment la vérité de tous les autres, et les dogmes et les événements de notre religion ont entre eux une liaison si étroite et un enchaînement si admirable quon ne peut en admettre un sans les admettre tous, et quon ne peut en rejeter un sans les rejeter tous. Ainsi, en prouver un, cest les prouver tous. Voilà pourquoi saint Paul, de la vérité de la résurrection de Jésus-Christ concluait que toute notre foi était certaine, parce que la seule résurrection du Sauveur en était le fondement inébranlable. Il en est de même de son ascension, de la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, car si Jésus-Christ est monté au ciel, sil a envoyé son Saint-Esprit à ses Apôtres ; sils ont parlé diverses langues, il est certain et évident que la religion quil a établie est divine. Or, nous ne prouvons pas seulement un de ces faits fondamentaux, mais nous les prouvons tous, non seulement par le témoignage des Apôtres qui les ont vus, et dont la droiture et la simplicité nous rassurent aisément contre toute crainte derreur, mais par ce raisonnement tout simple : il est certain que les Apôtres ont prêché et écrit ces faits dont je viens de parler ; ils annonçaient publiquement quà la naissance du Sauveur les mages étaient venus à Jérusalem, quHérode et toute la ville en avaient été troublés, quà sa mort le voile du Temple sétait déchiré, etc. Or, si ces faits neussent point été véritables, comment les Apôtres auraient-ils eu laudace de les inventer et de les débiter devant les juifs à qui ils prêchaient, et qui savaient parfaitement bien tout ce qui sétait passé : Ce Jésus que vous avez crucifié vous a nourris dans le désert en multipliant cinq pains ; il a ressuscité tels morts, guéri tels malades. Si tout cela navait pas été véritable, les Apôtres auraient-ils pu persuader un seul juif, et lui faire croire quil avait vu ce quil navait pas vu effectivement. Un plus long détail mettrait tout dans la dernière évidence. Dailleurs les Apôtres eux-mêmes faisaient toutes sortes de prodiges pour autoriser ces faits quils annonçaient, ainsi que nous le lisons dans les Actes. Or, comment Dieu aurait-il pu communiquer sa puissance pour opérer tant de miracles en faveur de lerreur et du mensonge ?
Établissement de la religion
Quon se rappelle la manière toute divine et toute surnaturelle dont notre religion sest établie, que lévangile se soit répandu dans tout lunivers dans moins dun siècle, non seulement sans aucun secours humain et malgré tous les efforts de lenfer, que le nombre des chrétiens se soit multiplié à mesure quon en faisait mourir davantage, que lÉglise se soit soutenue malgré tant de persécutions : que de prodiges qui marquent bien évidemment que létablissement et la conservation du christianisme est louvrage de Dieu et non de lhomme ! Cétait le sage raisonnement que faisait le Docteur Gamaliel à la Synagogue, lorsquelle voulait empêcher les Apôtres de prêcher Jésus-Christ : " Si la religion quils annoncent vient des hommes ", disait-il, " elle tombera delle-même ; si elle vient de Dieu, nous aurons beau faire, mais nous ne pourrons la détruire " (Ac 5, 34). Lévénement a justifié la solidité et la justesse de cette admirable sentence dictée par lEsprit de Dieu. Toutes les sectes hérétiques sont tombées, mais la religion catholique seule subsiste de nos jours. Quelle consolation pour nous !
Martyrs
Quon examine tout ce que les martyrs ont souffert pour la défense de la religion, le bannissement, les prisons, les chaînes, les roues, les gibets, les tortures, les brasiers ardents, les huiles brûlantes, le fer et le feu, tout était employé pour les tourments. On inventait sans cesse de nouveaux genres de supplices pour les faire souffrir plus cruellement. De là je tire deux conséquences: lune, quil fallait que ces généreux Martyrs fussent bien convaincus de la vérité de la religion, puisquils versaient leur sang pour la confirmer ; il fallait quils en eussent donc eu des preuves convainquantes ; sans cela ils nauraient point été dans la disposition de tout sacrifier et de tout souffrir pour sa défense. Lautre, cest que jamais tant de personnes de tout sexe, de toute condition et de tout âge (car on a vu des enfants souffrir le martyre) nauraient pu supporter des tourments si rigoureux avec cette force, ce courage, cette fermeté, cette intrépidité qui les portaient à braver la mort et la souffrir non seulement avec patience, mais avec joie, et cela au grand étonnement des païens qui étaient touchés et ravis dadmiration à la vue de cette patience héroïque. Si Dieu ne les eût soutenus, fortifiés, et consolés par sa grâce, la conséquence est aisée à tirer. Ces persécutions ont duré plus de trois cents ans, jusquà ce que la religion fut définitivement établie. Dieu le permettait ainsi, afin quil ne fût pas dit que cette religion divine dût son établissement à la protection des hommes, mais quayant eu à soutenir les efforts des puissances de la terre et de lenfer, il fût visible et incontestable quelle ne pouvait venir que de Dieu.
Efficacité de la grâce
Une preuve bien convainquante de la vérité de notre religion, cest la force et lefficacité de la grâce. Quand on considère toutes les merveilles que la grâce a opérées dans tous les temps dans la seule Église catholique et nulle part ailleurs, quand on fait attention à cette multitude de juifs et de païens qui ont renoncé aux préjugés de la naissance et de léducation, à leurs parents, à leurs amis, à tout ce quils avaient de plus cher dans le monde, pour embrasser une religion persécutée, outragée, il fallait que la grâce agît bien fortement sur leur esprit et sur leur cur pour les faire entrer tout à coup dans des sentiments si opposés à la nature. Origène rapporte que plusieurs après leur conversion racontaient comment ils sétaient sentis attirés à la foi catholique par un instinct et une inspiration toute surnaturelle et divine. Quon lise la conversion de saint Paul : doù pouvait venir un changement si subit et si merveilleux ? De persécuteur de lÉvangile le voilà dans un moment devenu un Apôtre ! Quel prodige ! La grâce seule en pouvait être le principe ! Quon lise la vie dun seul saint : il nen faut pas davantage pour nous convaincre de la divinité de notre religion, parce quil est aisé de voir que des actions et des sentiments aussi héroïques, aussi divins que ceux des saints ne pouvaient venir que de Dieu. Or, il ny a eu des saints que dans la religion catholique. Auraient-ils pu sy sanctifier si elle neût été sainte elle-même ? Si on dit que les légendes contiennent bien des histoires fabuleuses, quon admette que celles qui sont bien avérées et bien authentiques, quon sen rapporte du moins aux auteurs les plus exacts et de la plus saine critique, à M. de Fleury, à Baillet même : jy consens. On trouvera encore dans la vie des saints une multitude innombrable de faits merveilleux et de miracle surprenants, qui prouvent tous évidemment la divinité de notre religion. Toute lhistoire ecclésiastique est remplie de prodiges que Dieu a opérés dans tous les siècles en faveur de son Église. Il est impossible de la lire sans être pleinement convaincu de la vérité dune religion si souvent autorisée par des marques si frappantes de la protection divine. Et ne voit-on pas encore aujourdhui des preuves sensibles de lefficacité de la grâce dans la conversion de certains pécheurs scandaleux ? Quand on réfléchit bien sur soi-même, on est forcé de convenir quil y a un principe surnaturel qui agit en nous. Saint Ignace, peu de temps après sa conversion, assurait que, quand même il ny eût point dévangile ni dautres preuves de la religion, il lui suffirait pour croire indubitablement toutes les vérités de la foi, de faire attention à ce qui sétait passé dans lui et à ce que la grâce lui avait fait sentir. Les confesseurs sont des témoins que la grâce opère encore à présent dans les âmes. Or, lassistance de la grâce est une preuve certaine dune religion surnaturelle. Mais il peut y avoir de faux miracles, des illusions, des prestiges et des hypocrites : jen conviens. Mais les faux miracles supposent quil y en a de vrais. Quon ne les croit pas légèrement à la bonne heure ! Cest lintention de lÉglise ; elle défend sous peine dexcommunication de publier de faux miracles ; elle prend toutes sortes de précautions pour les avérer. Mais, encore une fois, ny en eût-il quun seul de véritable, il prouve la vérité de notre religion.
Livres saints
Les Livres saints prouvent aussi la sainteté de notre religion. Si lon cherche sincèrement la vérité, il ne faudrait quelquefois quune page de lécriture pour nous convaincre, car elle porte avec elle des caractères de sincérité, de vérité, de divinité inimitables, quon ne peut se lasser de les admirer quand on la médite sérieusement. Quun imposteur compose un nouvel évangile, comme il est arrivé à quelques hérétiques, sa fourberie sera bientôt découverte, peut-être par lendroit même où il aura pris soin de la cacher. Mais, plus on approfondit les Livres saints, plus on en sent la certitude et lincontestabilité. Le petit livre de lImitation seul, bien médité, prouverait la divinité de la religion catholique. Il y a bien dautres preuves de la divinité de notre sainte religion. Et une seule de ces preuves, bien développée, suffit pour la démontrer incontestablement. Car je ne fais ici que les indiquer. On peut les voir au long dans le Discours de M. Bossuet sur lHistoire universelle, dans M. labbé dHouteville, dans les pensées de Bourdaloue, dans Abadie, et dans tous les théologiens. Mais ces auteurs ne sont point du goût des impies de notre siècle. Ils sont trop solides. La vérité y est trop clairement démontrée pour ceux qui la détestent, nos libertins cherchant plutôt le faux brillant dun Voltaire ou dun Rousseau et dautres semblables auteurs, dont tout le mérite consiste dans un style bien fleuri parce quil est plus propre à séduire quun style simple où la vérité paraît dans tout son jour.
Autorité des Docteurs de lÉglise
Enfin pour dernière preuve, les Justin, les Origène, les Tertullien, les Cyprien, les Ambroise, les Jérôme, etc. ces grandes lumières de lÉglise, ces génies supérieurs qui faisaient ladmiration de leur siècle ont crû tout ce que nous croyons ; ils ont regardé notre sainte religion comme la seule bonne, à lexclusion de toutes les autres. Or, ces grands hommes, qui avaient passé toute leur vie dans létude de la religion en savaient sans doute bien autant que les prétendus esprits forts de nos jours. Que risquons-nous en croyant ce quils ont cru ? Ils nignoraient pas toutes les objections quon pouvait faire contre cette divine croyance. Les impies de notre siècle triomphent quelquefois en pensant quils en forment de nouvelles. Hélas ! ils ne disent rien qui nait été cent fois réfuté par les saints Pères et les théologiens. Ce qui est encore à remarquer touchant les docteurs de lÉglise, cest que plusieurs dentre eux étaient nés dans le paganisme, et quils navaient embrassé la religion quaprès un mûr examen et une longue recherche de la vérité. Ainsi on ne peut pas dire que cétaient les préjugés de lenfance qui les portaient à la croire, puisquils avaient eu à les combattre pour la suivre. Mais il est bien surprenant que des personnes nées dans les ténèbres de lerreur reconnaissent la vérité de la religion catholique et lembrassent, tandis quaujourdhui nous voyons des gens nourris dans le sein de cette religion sélever contre elle et la combattre. Comment cela se peut-il ? La question est aisée à résoudre. Cest que ceux-là cherchaient sincèrement la vérité, et ceux-ci naiment rien tant quà se faire illusion. La religion chrétienne a plus dévidence et de clarté quil nen faut pour éclairer ceux qui désirent sincèrement de lêtre, et elle a assez dobscurité pour aveugler ceux qui aiment les ténèbres et qui ne cherchent la vérité quen apparence. Cest en ce sens que saint Paul disait que la doctrine quil prêchait était une odeur de vie pour les élus, et une odeur de mort pour les réprouvés.
Pourquoi Dieu a voulu quil y ait quelque obscurité dans la foi
Cest par un conseil adorable de la sagesse divine quil se trouve quelquobscurité dans lobjet de notre foi, quoique les motifs qui nous portent à croire ce quelle enseigne soient évidents: cest pour rendre notre foi plus surnaturelle et plus méritoire. Car lessence et le mérite de la vraie foi consistent à croire ce que nous ne voyons point et ce que nous ne comprenons point, selon cette sentence du Sauveur : Heureux ceux qui ont cru et qui nont point vu (Jn 20, 29). Si tout ce que la foi nous propose était clair et évident, nous naurions plus de mérite à le croire, et nous ne ferions pas un grand sacrifice à Dieu en soumettant notre raison à lautorité de sa parole. Plus lobjet de notre foi est caché et enveloppé de ténèbres, plus lhommage que nous rendons à la souveraine vérité est grand et estimable à ses yeux.
Au reste, ce sacrifice que nous faisons à Dieu en captivant notre entendement sous le joug de la foi est très raisonnable, comme le dit lApôtre : rationabile obsequium vestrum (Rm 12, 1). Car quy a-t-il de plus juste et de plus raisonnable que de croire à la parole dun Dieu qui est la vérité même ? Il était donc de lordre de la sagesse divine quil y eût quelques difficultés dans le religion, pour donner lieu de discerner la vraie foi davec la fausse. Car il faut, comme dit saint Paul, quil y ait des hérésies pour manifester la foi des justes. Cest donc par un juste jugement que Dieu a permis ces respectables ténèbres qui enveloppent les vérités de la foi, pour éprouver la fidélité des bons et pour punir la duplicité des méchants, selon loracle du bienheureux vieillard Siméon, qui, tenant lEnfant Jésus entre ses bras, annonçait par avance que ce divin Enfant serait le sujet de la damnation des uns, en même temps quil serait la cause du salut des autres : positus est hic in ruinam et in resurrectionem multorum (Lc 2, 34). Dieu a donc permis quil y eût quelques difficultés et quelques obscurités dans la religion, pour éprouver, pour purifier et perfectionner la foi des vrais fidèles qui cherchent sincèrement la vérité, et pour punir lorgueil et la méchanceté des libertins qui aiment leur aveuglement, et qui ne craignent rien tant que de voir la vérité qui condamne. Car sils sont beaucoup plus touchés des objections et des difficultés que des réponses et des solutions, ce nest que par rapport à la mauvaise disposition de leur cur. Quand une raison nous est favorable, nous la trouvons bonne et solide, quelque frivole quelle soit en elle-même ; mais si elle nous est contraire elle nous paraît pitoyable, parce que la passion nous aveugle. Cest pour cela que les impies trouvent bon et excellent tout ce que lon peut dire contre la religion, et quils rejettent tout ce que lon peut proposer en sa faveur, parce quelle est opposée à leurs inclinations.
Dailleurs, si on examinait bien toutes les objections et les difficultés que lon propose contre notre sainte religion, on verrait quelles sont de nouvelles preuves qui la confirment. Tout ce que lon attaque le plus cest lincompréhensibilité de ses mystères, car pour sa morale il ny a personne qui ne soit obligée de reconnaître lexcellence de sa pureté. Tout ce quont dit les sages de lantiquité nen approche pas. Une seule sentence de lÉvangile en dit plus que tous les philosophes ensemble. Tout le monde, et les plus impies même sont donc forcés de faire là-dessus laveu que firent ces envoyés de la Synagogue, qui étaient venus pour se saisir de Jésus-Christ, et qui, layant ouï prêcher, sen retournèrent avec admiration, protestant que jamais homme navait parlé de la sorte : nunquam sic locutus est homo (Jn 7, 46). Mais pour les mystères - un Dieu en trois Personnes, un Dieu né dans une étable et mort sur une croix, ne multitude innombrable dâmes qui périssent chez les infidèles et chez les hérétiques, puisque hors de lÉglise il ny a point de salut, et chez les catholiques même, puisquil y a beaucoup dappelés et peu délus, les peines éternelles de lenfer, un seul péché mortel puni par une éternité de supplices, etc. - ce sont là autant de mystères incompréhensibles qui semblent même choquer la raison : oui, du premier abord. Mais quon y réfléchisse attentivement, et lon trouvera que ces mystères sont autant de preuves de la divinité de notre religion :
1° parce que si notre religion ne nous proposait que des choses aisées à comprendre, ce ne serait quune religion humaine et naturelle, et un philosophe en pourrait faire autant. Mais nos mystères surpassent infiniment la portée de lesprit humain. Donc ils ne sont point dune invention humaine. En effet, quel homme avec les lumières de la seule raison eût jamais pensé quil y eût trois Personnes en Dieu, quun Dieu sanéantirait jusquà prendre la nature de lhomme, que malgré les mérites infinis de la mort de ce Dieu-homme il y aurait si peu dâmes sauvées. Ainsi, plus tous ces mystères sont supérieurs à la raison ; plus ils prouvent la divinité de la religion.
2° Quoique ces mystères paraissent dabord opposés à la raison, cependant quand on les médite sérieusement on les trouve parfaitement daccord avec elle. Car la raison elle-même nous apprend que Dieu est incompréhensible, et que ce serait une folie à lhomme de vouloir entreprendre de pénétrer son essence tandis quil ne se connaît point lui-même. Or, cette incompréhensibilité de Dieu paraît merveilleusement bien dans le mystère de la Trinité. La raison nous apprend encore que Dieu est infiniment bon, infiniment juste. Les mystères de lIncarnation et de la Rédemption nous donnent une preuve complète de sa bonté infinie, et la rigueur des peines de lenfer, une idée terrible de sa justice. Ceux qui ne voudraient voir dans Dieu que miséricorde agissent contre la raison, qui nous apprend que la justice est une perfection aussi essentielle à Dieu que sa bonté. Cest ainsi que tous mystères, bien approfondis, loin dêtre opposés à la raison, se trouvent très conformes à la plus saine et à la plus droite raison. Et ce qui révolte les impies, cest souvent ce qui édifie le plus les vrais fidèles. Un orgueilleux sera choqué de voir un Dieu enfant et couché sur un peu de paille, et une âme humble en sera ravie dadmiration et enflammée damour. Et par les lumières de la raison même éclairée par la foi elle découvrira dans tous ces mystères des traits dune sagesse toute divine, tandis quun mondain sen scandalisera et les regardera comme une folie : Judæis quidem scandalum, gentilibus autem stultitiam (1 Co 1, 23).
Un impie, considérant encore la multitude des âmes qui périssent hors du sein de lÉglise, sera porté à blasphémer contre la providence, et un chrétien comprendra par là le bienfait singulier de sa vocation à la foi. Plus il verra que le nombre des infidèles est grand, mieux il sentira ce quil doit à Dieu pour la grâce quil lui a faite de naître dans la vraie religion, plus il en sera touché de reconnaissance en sécriant avec David : " Ah ! Seigneur, vous navez pas agi avec la même bonté à légard de tant de nations ensevelies dans les ténèbres de lerreur, et vous ne leur avez pas manifesté comme à moi la vérité de vos jugements ". Non fecit taliter omni nationi et judicia sua non manifestavit eis (Ps 147, 20).
3° Enfin, quelquincroyables que soient tous ces mystères, ils ont été prêchés dans tout le monde, et ils ont été crus des juifs et des païens, des savants et des ignorants. Donc ils sont vrais, car il ny a que Dieu qui aurait pu donner une conviction intime et une persuasion indubitable de ces mystères. Il fallait, pour faire croire aux hommes des mystères incroyables, des motifs de crédibilité si évidents, il fallait quon vît des miracles bien éclatants pour les confirmer, ou, comme dit saint Augustin, si le monde sétait converti sans miracle, ce serait encore un miracle plus surprenant que tous les autres, qui prouverait toujours également la divinité de notre religion.
Ainsi, de quelque côté que limpie attaque la religion, il lui fournit malgré lui des armes pour se défendre et pour le combattre lui-même. Sil dit quelle est facile à croire il a tort de se plaindre, et sil exagère lincompréhensibilité de ses mystères il prouve sans le vouloir que son établissement na pu se faire que par la toute-puissance de Dieu, ce qui est un caractère incontestable de sa divinité. Bourdaloue développe admirablement bien à son ordinaire ce raisonnement de saint Augustin. Voyez dans ses Pensées lendroit qui a pour titre,
Lincrédule convaincu par lui-même [uvres complètes de Bourdaloue, Nouvelle édition, Paris-Lyon : Librairie Bridet, sans date, vol. VI, p. 387-393]. Il est donc vrai de dire que les objections que lon fait contre la religion se tournent en preuves pour elle quand on les examine attentivement. Si les libertins faisaient toutes ces réflexions et mille autres que lon pourrait faire à ce sujet, toutes également solides, comment oseraient-ils seulement ouvrir la bouche pour parler contre cette sainte religion qui porte de toutes parts avec elle des caractères de divinité si sensibles ? Mais ils sont bien éloignés de les faire, ces réflexions. Ils en sont même souvent incapables. Car qui sont ceux qui parlent contre la religion ?
Caractère des déistes
Ce sont la plupart des ignorants qui nont jamais bien réfléchi sur les preuves de la religion, ou qui ne les ont peut-être jamais vues, comme on vient de le montrer. Car ils ne lisent guère dautres livres que ceux des impies qui la décrient sans la connaître, des gens par conséquent qui blasphèment ce quils ignorent, comme dit lécriture. Et cela nest pas seulement vrai à légard des libertins qui se trouvent parmi le commun du peuple, mais encore par rapports à ces esprits forts que les mondains admirent. Pour peu quon réfléchisse sérieusement sur le fond des choses quils disent ou quils écrivent, sans se laisser éblouir par lemphase de leurs beaux termes, on voit quil ny a dans leurs discours ni principes, ni conséquences, ni justesse, ni solidité.
Ce sont des petits génies, des esprits superficiels, dont tout le mérite consiste dans un langage pompeux, dans un vrai babil, dans de fades plaisanteries, qui raillent tout, et qui croient avoir dit des merveilles quand ils ont dit un bon mot pour faire rire les sots comme eux. Ce sont néanmoins de tels personnages qui priment dans les conversations. On les écoute comme des oracles, on leur applaudit, on les autorise du moins par un lâche silence, et personne na le courage de leur fermer la bouche. Enfin, les personnes qui parlent contre la religion sont des gens corrompus et déréglés pour la plupart. Il nest pas surprenant que des gens de ce caractère combattent la religion, quils la haïssent, la détestent. Cest quelle condamne leurs vies et leurs dérèglements. Cest quelle trouble leur sécurité et quelle répand de lamertume sur leurs plaisirs en annonçant un enfer où ils brûleront pendant toute léternité. Comme toutes les vérités de la religion leur sont contraires, il nest pas étonnant quils cherchent et quils inventent des raisons pour tâcher de se persuader que ces vérités ne sont pas telles quon les présente, quon en dit plus quil ny en a, ou quon ne les entend pas comme il faut. Car ils se croient plus en état de décider sur le dogme et la morale que lÉglise que Jésus-Christ a établie pour cela. Mais ils ont beau se tourmenter pour chercher des moyens de se tranquilliser, leur conscience réclamera toujours à certains moments, et surtout au lit de la mort. Quoi quil en soit, leurs vaines subtilités ne les soustrairont pas à la justice divine, et ils verront dans lautre vie, mais trop tard et pour leur malheur, la réalité des choses quils nont pas voulu croire dans celle-ci. Car tenter de convertir ces malheureux, cest une chose presque inutile. Larrêté de leur condamnation est déjà prononcé dans lécriture. Qui non credit jam judicatus est (1 Jn 3, 18) : " Celui qui ne croit pas est déjà jugé ". Leur conversion est moralement impossible. Il faudrait pour lopérer le miracle de la grâce le plus prodigieux. Leur salut est plus désespéré que celui des infidèles, puisquils sont infiniment plus criminels ; ils sont plus aveugles que les idolâtres, plus méchants que les hérétiques, et plus endurcis que les juifs. Ce nest point une exagération. Ils rejettent des vérités que toutes les nations ont regardées comme indubitables. Ils vont jusquà nier limmortalité de lâme et léternité des peines de lenfer, ce que ni les turcs, ni les hérétiques, ni les païens même nont jamais fait.
2. SUR LESPRIT DU MONDE
Un autre grand désordre qui règne de nos jours et qui se répand partout, passant des grands aux petits, cest lesprit du monde. Cest peut-être ce malheureux esprit qui a donné lieu à limpiété et à lirréligion et qui a été la cause de ses progrès, parce quà mesure quon prend lesprit du monde, lesprit de la religion se perd. Après cela il ny a point derreurs et de travers dont on ne soit capable.
Lesprit du monde ; cest la manière ordinaire de penser des gens du monde. Ainsi on a lesprit du monde quand on pense comme le monde, quand on parle comme le monde, quand on a les sentiments du monde et quon en suit les maximes. Or, les maximes du monde sont celles quon entend débiter tous les jours dans le monde : quil faut se faire honneur, quil faut sélever, faire sa fortune, briller, savoir plaire et se faire aimer, se rendre la vie douce et agréable. On a lesprit du monde quand on aime le monde, quand on y est attaché, quand on fait grand cas des choses du monde et quon en fait peu du salut, quand on fait consister son honneur dans la possession et la jouissance des biens de ce monde, qui sont les richesses, les honneurs, et les plaisirs. Quand on a lesprit occupé de toutes ces choses ou de quelquune de ces choses, et que le cur y est attaché, on a lesprit du monde. Quand lesprit est tout rempli de la pensée des créatures, et que le cur y est entièrement attaché jusquà y mettre sa dernière fin, lesprit du monde est à son comble, et le salut devient moralement impossible, la religion séteint, et lon tombe dans laveuglement et lendurcissement spirituel. On juge que lon met sa fin dernière dans les biens du monde lorsquon les recherche avec plus davidité que ceux du ciel, et quon est disposé à commettre un péché mortel pour se les procurer ou pour ne pas les perdre.
Jésus-Christ a condamné hautement le monde et ses sectateurs. Il déclare que le monde était incapable de recevoir le Saint-Esprit, et quil ne priait point pour le monde, tant il le jugeait indigne de sa grâce et hors détat den recevoir les impressions. rien nest plus opposé au christianisme que lesprit du monde. Lesprit de Dieu et lesprit du monde sont aussi contraires, aussi incompatibles, que la lumière et les ténèbres. Lesprit de Dieu est un esprit dhumilité, de simplicité, de droiture, de charité, de détachement, de pauvreté. Et lesprit du monde est un esprit dorgueil, de duplicité, de fausseté, un esprit dintérêt, dambition, de vanité et damour propre. Quon lise attentivement le cinquante-quatrième chapitre du IIIe livre de lImitation, sur les mouvements de la nature et de la grâce, et lon verra lénorme opposition qui se trouve entre ces deux esprits. Un chrétien doit avoir horreur de lesprit du monde, puisquil est si contraire au caractère dont il est honoré et si opposé à lÉvangile quil professe, car lÉvangile combat partout lesprit du monde. Nous avons renoncé dans le baptême au monde, aux maximes et aux vanités du monde. Il est impossible dêtre chrétien et mondain tout à la fois, puisque lesprit et les maximes de la religion sont essentiellement opposés à lesprit et aux maximes du monde. On ne peut servir deux maîtres aussi différents que Dieu et le monde. On ne peut plaire tout à la fois à Dieu et aux hommes.
Saint Paul se glorifiait de navoir point reçu lesprit du monde mais celui de Dieu (1 Co 3). Et aujourdhui on rougit de lesprit de lÉvangile, on nose presque plus le prêcher tel quil est. Mais les maximes du monde ; on les débite partout et on se fait gloire de les suivre, tant lesprit du monde a prévalu. Dieu avait envoyé son Saint-Esprit, et cet Esprit divin avait rempli lunivers de ses lumières ; il avait changé le monde, il lavait sanctifié. Mais " qua fait le démon ", ajoute le Père Bourdaloue dans son sermon pour la Pentecôte, le démon, ce prince de ténèbres, ennemi des uvres de Dieu et jaloux de sa gloire ? Pour combattre ce miracle, il sest efforcé et il a même trouvé le moyen, de pervertir lunivers par un esprit tout contraire, je veux dire par lesprit du monde, qui, en se communiquant et se répandant, a défiguré toute la surface de la terre, que lEsprit de Dieu avait saintement renouvelée. Et cest là le grand désordre de notre siècle, que nous ne pouvons pas assez déplorer. Tout lunivers est rempli de lesprit du monde, et on peut dire que lesprit du monde est comme lesprit dominant qui conduit tout. Cest lesprit du monde que lon consulte dans les affaires, cest lesprit du monde qui règne dans les conversations, cest lesprit du monde qui règle les usages et les coutumes. On juge selon lesprit du monde, on agit et on se gouverne selon lesprit du monde
[Sermon pour la fête de la Pentecôte, dans uvres complètes de Bourdaloue, vol. V, p. 183]. Pernicieux esprit qui, à mesure quil se répand dans le monde, y fait éclipser les lumières les plus vives de la raison et de la religion !
Cependant je le répète encore une fois, cet esprit du monde se répand partout ; on ne se contente pas de lavoir pour soi ; on tâche de le communiquer aux autres. Un père linspire à ses enfants, il leur en fait des leçons, il leur en donne des règles, il les élève selon lesprit du monde, et ce nest pas seulement dans les palais des grands que cet esprit règne mais dans les conditions particulières. Cest parmi le peuple. Le dirai-je ? cest jusque dans les plus saints états, jusque dans lÉglise, jusque dans le clergé. Les religieux même nen sont pas exempts, et dans la profession quils font de renoncer au monde ils ne se laissent pas den conserver encore lesprit. Cest ainsi que ce grand homme déplorait dans le siècle passé les progrès que faisait lesprit du monde. Et queût-il dit sil eût vécu dans le nôtre ? Car il est évident que ce malheureux esprit du monde est toujours allé en augmentant et nous le voyons chaque jour prendre un nouvel accroissement. Jamais on na été si mondain dans tous les états, jamais on na été si vain. La mondanité est à son comble, et jamais lesprit de Dieu na été plus méprisé ni plus rare. Sil y a encore dans le monde quelques âmes qui la conservent et qui vivent selon les règles de lÉvangile, on les déteste et on les a en horreur. Les personnes mêmes qui sont consacrées à Dieu par état accommodent maintenant leur religion au goût du monde : chaque Ordre, chaque établissement dans son commencement était dans la ferveur, parce que les Fondateurs y faisaient régler lesprit de Dieu dont ils étaient eux-mêmes remplis ; mais ils ont tous dégénéré à mesure que lesprit du monde sy est introduit et que lesprit du corps a pris la place de celui de Dieu. Lesprit du monde se répand jusque dans la dévotion même, car on ne souffre plus aujourdhui dans la piété rien qui ressente la première simplicité du Christianisme, encore moins la pauvreté et la mortification. Cela était bon du temps des Apôtres ; mais cela nest plus du goût du siècle. Il faut une dévotion plus à la mode, une dévotion aimable, enjouée, noble, et surtout une dévotion commode et aisée. Cest ainsi que lesprit du monde gâte et corrompt tout, infectant ce quil y a de plus saint dans la religion. Mais à mesure que cet esprit se répand dans nous, celui de Dieu se retire et séloigne de nous. Et dès que ce divin esprit nous a une fois abandonné, nous ne sommes plus que des fantômes de piété, quoique nous fassions encore à lextérieur bien des actes de religion.
Or, si lesprit du monde est si dangereux pour ceux même qui sont séparés du monde par la profession de leur état, combien nest-il pas à craindre pour tous ceux qui vivent dans le monde, qui voient les exemples séduisants du monde, et qui en entendent tous les jours les pernicieuses maximes ? Fuyons donc ce malheureux monde, ce monde corrompu, ce monde pervers ; ayons lhorreur de ses principes et de ses sentiments ; ne consultons point ceux qui en sont infatués ; suivons les avis et les conseils des vrais serviteurs de Dieu, qui sont éclairés et animés de son esprit, et appliquons-nous à imiter leurs exemples. Marchons avec simplicité dans la voie de Dieu ; méprisons les discours et les jugements du monde. Saint François de Sales fait voir dans son Introduction à la vie dévote combien on en doit faire peu de cas. Et le Sauveur lui-même nous a prédit que le monde haïrait et persécuterait ses disciples comme il lavait haï et persécuté. Et saint Jean nous dit encore que nous ne devons pas nous étonner si le monde nous hait.
Ah, Seigneur ! jusquà quand cet esprit mondain si opposé à votre divine Esprit régnera-t-il donc encore sur la terre ? Jusquà quand infectera-t-il lunivers de sa corruption ? Arrêtez-en les progrès, mon Dieu ! Envoyez de nouveau votre Saint Esprit dans le monde. Préservez-en du moins ces âmes choisies que votre providence se conserve encore dans le monde malgré la contagion qui y règne. Pour moi, mon Dieu, je renonce à cet esprit derreur et de corruption, je le déteste et je labhorre. Je renonce aussi à mon propre esprit pour nêtre plus désormais éclairé, conduit, inspiré et gouverné que par le vôtre.
3. SUR LA PRÉSOMPTION OU LILLUSION DUNE FAUSSE CONVERSION,
qui est cause de la profanation des Sacrements
La présomption est une fausse confiance par laquelle on espère être sauvé sans vouloir faire ce quil faut pour cela. Dieu est bon ; il ne ma pas créé pour me perdre. Ce principe est vrai, mais on en abuse horriblement parce quon ne lentend pas, ou plutôt parce quon ne veut pas lentendre. Dieu est bon : cela est vrai, ses miséricordes sont infinies. Il nest point de si grand pécheur quil ne soit disposé à pardonner, et cela est encore vrai ; mais comment ? À quelles conditions ce pécheur pourra-t-il rentrer en grâce avec Dieu ? Sera-ce en continuant ses désordres, en persévérant dans son crime ? Non, sans doute, mais en se convertissant, en quittant ses dérèglements et en retournant à Dieu de tout son cur. Or, voilà ce que lon ne veut pas entendre, voilà sur quoi on saveugle. On exalte sans cesse la miséricorde de Dieu, et lon ne parle pas de sa justice qui est aussi infinie que sa miséricorde. Il semble que rien ne soit plus facile que de rentrer en grâce avec Dieu ; mais on se trompe. Après être tombé dans les plus grands péchés, et souvent après avoir croupi des années entières dans les habitudes les plus criminelles, on vient se confesser à la hâte et dans la foule, souvent après un examen superficiel ; et après une accusation faite sans douleur, sans humilité, et souvent sans sincérité on reçoit labsolution, on communie, et après cela on se tranquillise et on retombe dans de nouveaux péchés aussi grands que les premiers. Cette rechute devrait faire douter de la sincérité de la première confession ; mais point du tout ! On na pas là-dessus le moindre scrupule, on nest pas même tenté dy penser tant on se tient pour assuré du pardon par labsolution quon a reçue. On va de nouveau à confesse ; on est encore absous, on revient dans sa première tranquillité, on continue à vivre de la sorte, on meurt dans cette fatale sécurité : quel malheur ! Cependant, cest là létat du plus grand nombre des chrétien, qui nont nulle idée dune vraie conversion.
Ce quil y a de plus déplorable, cest quon aime cet aveuglement ; on sy plaît, et au lieu de chercher à séclairer on ferme les yeux à la lumière, et on ne craint rien tant que dêtre troublé dans cette fausse paix où lon vit. Et sil arrive que lon tombe entre les mains dun confesseur qui veuille en faire connaître le danger, on se plaint, on murmure, on laccuse de jeter mal à propos lalarme et le désespoir dans les consciences. On va aussitôt en trouver un autre qui nous rassure et nous tranquillise en apaisant tous les remords que les avis salutaires du premier avaient excités. Ainsi on étouffe bien vite tous ces germes dune grâce naissante et les principes de conversion qui commençaient à se produire dans le cur dun pécheur. Et après avoir calmé ces justes remords on tombe dans un état dendurcissement où la conversion devient plus difficile que jamais. Cest ainsi que les juifs à qui Jérémie annonçait les malheurs dont ils étaient menacés de la part de Dieu, au lieu de se rendre à ses exhortations, laccablèrent dinjures, et allaient consulter des faux prophètes qui les flattaient dans leurs désordres et qui leur promettaient la paix, tandis que la colère du Seigneur était prête déclater sur eux.
Les Vraies Conversions sont rares et difficiles
Rien nest plus difficile, rien nest plus rare quune véritable conversion. Il en coûte plus à Dieu pour convertir une seule âme que pour créer lunivers. Il faut une espèce de miracle pour ramener un pécheur de ses égarements. Aussi est-il dit dans lÉvangile que les Anges se réjouissent dans le ciel quand un pécheur fait pénitence sur la terre. Cest donc quelque chose de grand que la conversion dune âme, puisquelle est capable de causer de la joie dans le ciel. Et sil ne fallait pour cela que se confesser, recevoir labsolution, et réciter quelques prières, pourrait-on dire que la conversion soit une chose si admirable, si difficile, si estimable aux yeux de Dieu et des Anges ? Si on savait comment lÉglise se comportait à légard des pécheurs avant de les absoudre et de les admettre à la communion, on verrait ce quon doit penser de ces communions faites dans si peu de temps et avec si peu de dispositions. Dans les premiers siècles on était dix ans, vingt ans, trente ans en pénitence pour des péchés assez ordinaires parmi nous, pour un péché dimpureté, pour un vol, pour un jurement. Et ces années de pénitence ; comment les passait-on ? dans les jeûnes les plus rigoureux, dans les pleurs, les larmes, les gémissements, exclus des saints mystères, couverts de cendre et de cilice. Voilà comment on faisait pénitence dans la primitive Église, et ce nétait quaprès avoir fait ces pénitences avec ferveur quon était admis à la participation des sacrements. Et à présent on se plaint et on murmure dès quun confesseur diffère labsolution. LÉglise ne pensait donc pas alors que la conversion fût si aisée. Elle ne le pense pas non plus à présent ; au contraire elle gémit du relâchement qui sest introduit à cet égard. Et si elle a changé de discipline elle na pas changé desprit ; elle veut que les confesseurs prennent pour règle les anciens canons dans limposition des pénitences, et quils les suivent autant que la prudence le permet. Et le Concile de Trente nous apprend que la vie dun chrétien doit être une pénitence continuelle.
Qualités dune vraie conversion
Mais quand même cette pénitence rigoureuse ne serait pas absolument nécessaire pour une vraie conversion, au moins faut-il une contrition intérieure qui change notre cur, qui le détache du péché pour lattacher à Dieu, une contrition universelle qui sétende au moins sur tous les péchés mortels, car il est certain que sil en est un seul auquel on ne veuille point renoncer, la conversion est fausse, on ne peut recouvrer la grâce, puisquun seul péché mortel suffit pour nous la faire perdre. Il faut encore que la contrition soit souveraine, quelle nous fasse haïr et détester le péché plus que tous les autres maux, et quelle nous mette dans la disposition de tout perdre plutôt que de le commettre une seule fois dans la vie. Il faut que la contrition soit surnaturelle dans son principe et dans sa fin, cest-à-dire que la grâce doit exciter notre douleur, et que Dieu en soit le principal motif. Il faut que cette contrition renferme aussi un commencement damour de Dieu. Enfin, il faut quelle soit efficace, quelle nous porte à changer de vie, à quitter nos mauvaises habitudes, à éviter les occasions de péché, à les confesser tous sans en cacher aucun, à les expier par une pénitence proportionnée, à réparer tout le tort que nous avons fait au prochain dans ses biens et sa réputation, à observer tous les commandements de Dieu et de lÉglise, et à remplir les devoirs de notre état. En un mot, une vraie conversion doit produire en nous un changement total dans lintérieur et lextérieur. Elle doit réformer notre cur, nos murs, et notre conduite, au moins quant à lessentiel. Voilà ce qui est absolument nécessaire pour une vraie conversion. Si une seule de ces choses manque, la conversion est fausse et illusoire et la communion sacrilège.
Ce sont là des vérités incontestables que personne ne révoque en doute. Or, il est évident que la plupart des conversions prétendues qui se font de nos jours manquent presque toutes de ces qualités, car,
1° dans ces conversions la contrition nest point intérieure, parce quon nest point touché ni pénétré dun regret sincère ; on se contente de donner au-dehors quelque marque de douleur, mais le cur nest point changé ; limagination est un peu frappée, mais la volonté est toujours la même.
2° La contrition nest point universelle : si on quitte quelque péché on demeure attaché à quelquautre ; il y a toujours quelque passion favorite quon veut ménager, et une seule de ces passions criminelles réservées suffit pour faire avorter la conversion.
3° La contrition nest point souveraine : on est bien plus touché de la part des biens temporels que de la part de la grâce. On craint bien plus les maux de cette vie que le péché. Et il y a bien peu de chrétiens qui sont dans la résolution de tout sacrifier et de tout souffrir plutôt que doffenser Dieu mortellement. Cependant, sans cette disposition, point de pardon, point de salut !
4° La contrition nest point surnaturelle. Ce nest souvent quune douleur toute naturelle, dont le motif est tout humain. On na du regret de ses fautes que parce quon aura la honte de les déclarer, quon en sera repris, ou pour quelquautres semblables raisons, comme Antiochus qui gémissait sur ses désordres parce quil sentait la main de Dieu qui le frappait et quil craignait la mort.
5° La contrition nest point efficace. On ne change point de vie, puisquon demeure toujours dans les mêmes habitudes. La marque dune vraie contrition et dune bonne conversion, cest de se corriger, déviter les occasions de péché. Or, parmi le grand nombre de ceux qui se confessent il en est très peu qui se corrigent et évitent ces occasions. Donc la plupart des confessions et des conversions sont nulles et sacrilèges. Hélas ! parmi cette multitude de chrétiens que lon voit sapprocher des autels au temps de Pâques, combien de profanateurs ! puisquil en est si peu qui apportent au tribunal de la pénitence et à la sainte table les dispositions nécessaires, les uns étant engagés dans toutes sortes de crimes dimpureté, divrognerie, dinjustice, de médisance, de haine, demportements, auxquels ils ne renoncent que pour un temps au lieu quil faudrait les quitter pour toujours, les autres menant une vie toute mondaine et dissipée, uniquement occupés du temporel, sans prendre aucun soin de leur salut. Combien encore qui cachent et qui déguisent leurs péchés ! Grand Dieu ! Encore une fois, que de sacrilèges, que de mauvaises confessions, et que dindignes communions ! Cest ce qui fait gémir tous les prêtres qui ont du zèle pour lhonneur de nos saints mystères ; et cest ce qui leur fait désirer verser leur sang pour empêcher labus quon fait des sacrements si augustes. Mais ils ont beau se récrier contre ces désordres, ils ont beau faire voir lénormité dune communion indigne, on ne les écoute pas, on veut communier pour mettre son honneur à couvert ; on craint bien plus davoir la honte dêtre différé pour ses Pâques que de se rendre coupable du Corps et du Sang du Sauveur, ce qui fait bien voir quon na point de religion, et que dans les choses les plus augustes on nenvisage que ses intérêts, et quon craint plus les hommes que Dieu.
Ah ! Seigneur, jusques à quand votre Église aura-t-elle la douleur de voir ainsi vos Sacrements profanés, le Corps de Jésus-Christ outragé, son Sang adorable foulé aux pieds, le Saint des Saints donné aux pécheurs ? Mon Dieu, mettez fin à toutes ces abominations, inspirez aux Ministres de vos Sacrements une sainte fermeté, pour nadmettre à leurs participations que ceux en sont dignes, et aux fidèles une profonde vénération pour ces divins mystères, quils ne sen approchent quaprès sy être dignement préparés.
Toutes les âmes qui ont un peu de zèle pour la gloire de Dieu et pour les intérêts de lÉglise doivent demander cette grâce, et sefforcer de réparer par leurs hommages et leurs adorations tous les abus et tous les sacrilèges que lon a faits et que lon fera dans la réception indigne des sacrements, surtout celui de leucharistie. On doit aussi avoir attention de ne pas donner occasion à cette profanation, en engageant quelquun à le recevoir dans le temps quon a lieu de penser quil ny est pas encore suffisamment disposé. Les pères et mères, et les maîtres et maîtresses ne doivent pas gêner leurs enfants ni leurs domestiques pour la communion, pourvu quils se confessent. Ils ne doivent point penser mal sur leur compte en ne les voyant point communier. Au contraire, cest une preuve quils saccusent de leurs péchés et quils travaillent à se corriger, au lieu que ceux qui vont dabord communier quoiquils ne mènent pas une vie chrétienne sont des impies, qui trompent leurs confesseurs, ou qui en cherchent de plus faciles, et qui profanent les sacrements.
Puisque les vraies conversions sont rares et difficiles, on ne doit pas se persuader légèrement que lon est converti, ni sempresser de recevoir labsolution avant de sy être bien préparé.
Concluons donc que les vraies conversions étant rares, puisquune conversion sincère demande tant dattention, tant de préparation, tant de disposition, et quon y en apporte si peu pour lordinaire, puisquil est si difficile de changer la volonté, de détacher le cur du péché, de rompre ses habitudes, de réformer sa conduite, concluons, dis-je, quon ne doit pas se flatter aisément davoir reçu le pardon de ses péchés passés, à moins quon ne les ait expiés par une véritable pénitence. Et si lon vient à tomber dans quelque péché mortel, surtout si cest un péché dhabitude, on ne doit rien précipiter dans la réception des sacrements ; mais avant de les recevoir il faut sy préparer sérieusement et séprouver autant de temps quil est nécessaire pour sassurer prudemment de la sincérité de ses dispositions, car rien nest plus dangereux quune absolution et une communion précipitées, puisquelles ne servent quà tranquilliser le pécheur dans son crime, et quelles lui ôtent par là tout moyen den sortir. Car dès lors quil a reçu labsolution, il se persuade aisément quil a obtenu le pardon de ses péchés, et dans cette disposition il demeure tranquille, content de lui-même sans rien faire davantage pour se mettre en état dobtenir une grâce quil croit faussement avoir déjà obtenue et quil na point du tout, puisque, nayant pas encore été suffisamment disposé, cette absolution, loin de le justifier, na fait quajouter à ses crimes deux sacrilèges, à savoir une absolution et une communion indignes, au lieu que, si on lui avait différé labsolution, le pécheur se sentant coupable aurait fait des efforts pour sortir de létat du péché ; il aurait prié, gémi, fait pénitence, ses bonnes dispositions se seraient augmentées, elles seraient devenues suffisantes pour le mettre en état dêtre justifié par le Sacrement. Car pour que labsolution opère, il ne suffit pas que le pénitent ait quelque commencement de bonnes dispositions, mais il faut que ces dispositions soient parvenues à un degré suffisant. Sans cela, malgré ce bon commencement, labsolution sera encore inutile et très dangereuse, puisquelle fera avorter une conversion commencée, qui se serait perfectionnée avec le temps. La grâce imite ordinairement la nature, elle perfectionne son ouvrage peu à peu. Comme ce serait perdre un fruit que de le cueillir avant sa maturité, cest aussi renverser louvrage de la grâce que de le précipiter.
Le saint Concile de Trente, en parlant de la justification du pécheur, nous apprend quil ne parvient pas tout à coup à sa réconciliation avec Dieu, mais par degré
[Session 6, Décret sur la justification, ch. 6-7 et 10, COD. p.648-651]. Il faut dabord que la grâce éclaire le pécheur aveuglé, quelle lui fasse sentir lhorreur de ses crimes, quelle lui inspire une sainte frayeur par la considération des châtiments terribles quil a mérités. Cette crainte salutaire que la grâce excite dans ce pécheur nest encore que le commencement de sa conversion ; initium sapientiæ timor Domini (Si 1, 16). Cette crainte néanmoins est un don de Dieu et un mouvement du Saint-Esprit si elle exclut la volonté de pécher. Ensuite la crainte le conduit à lespérance, et de lespérance il sélève peu à peu à lamour divin. Voilà selon la doctrine du saint Concile les degrés par où la grâce conduit un pécheur à sa justification. Or il faut du temps pour parcourir tous ces degrés, il faut bien des réflexions, bien des efforts, et tout cela ne se fait pas ordinairement si aisément ni si promptement quon se limagine. Quand même il serait vrai que la grâce agirait dans tous ces pénitents qui paraissent touchés, hélas ! leur conversion, loin dêtre parfaite, nest peut-être pas même au premier ou au second degré de la pénitence, qui consiste dans cette crainte salutaire qui nous éloigne du péché. Ainsi un confesseur ne doit pas donner dabord labsolution à un pécheur, quoiquil en remarque quelques bonnes dispositions, mais il doit nourrir, entretenir, augmenter ces dispositions jusquà ce quelles soient parvenues au degré de perfection nécessaire pour le mettre en état de recevoir les sacrements avec fruit. Autrement il agirait comme un médecin imprudent, qui, refermant trop tôt la plaie du malade, la rend incurable. Cest ce qui mest arrivé plusieurs fois à moi-même. Ce nest pas que japprouve un rigorisme outré, ni que je prétende quil faille attendre quon soit parfait pour donner ou recevoir labsolution, mais il faut au moins que lon soit véritablement converti.
Dans les affaires temporelles on prend tant de mesures et de précautions pour sassurer de la validité et de la solidité de ce que lon a fait, par exemple, dun contrat, dun testament ; et lorsquil sagit du salut, lorsquil sagit de la validité dune absolution de laquelle dépend notre justification ou notre condamnation, comment serons-nous capables devant Dieu den apporter si peu ? Si on les prenait, ces mesures, il en coûterait, il est vrai, mais on serait bien dédommagé de ses peines en voyant à la fin les fruits solides et permanents dune véritable et sincère conversion. Ni les confesseurs qui se glorifient de confesser beaucoup de monde en peu de temps, ni les pénitents qui sempressent de recevoir labsolution nauront jamais cette consolation, quoiquils sen flattent quelquefois.
Il y a encore un grand abus qui se commet dans la réception des Sacrements : Cest de la part des personnes du sexe qui sen approchent dune manière trop humaine, sans respect, plutôt par coutume et par habitude que par religion, et par des motifs tout naturels pour se satisfaire, pour ouvrir leur cur, pour conter leurs peines, plutôt que pour shumilier par une sincère accusation de leurs péchés, quelquefois mues par orgueil, par amour propre, pour être vues, pour être estimées, pour se distinguer. Car elles aiment lextraordinaire, et la plus grande mortification pour elles, cest de se voir mises au rang des autres. La fréquentation des Sacrements est bien louable en elle-même ; mais elle est très dangereuse à des personnes de ce caractère, puisquelle ne sert quà soutenir leurs passions, loin de les faire mourir. Quel sujet de douleur encore pour les vrais Ministres de ces augustes Sacrements, de voir quon en abuse en tant de manières ! Combien de pertes de temps de part et dautre. Cest surtout dans ces occasions quil faut user de sévérité, pour retrancher lhumain et le naturel qui gâtent et qui empêchent louvrage de la grâce, et sen tenir à cette sage maxime de saint Jérôme : Sit sermo brevis et durus !
Enfin, un dernier abus très commun, cest celui quon fait du Sacrement de Mariage. Il faut être en état de grâce pour le recevoir, aussi bien que les autres, et presque toujours on le reçoit en état de péché mortel. Car, hélas ! quelles dispositions y apporte-t-on ? des vues toutes humaines et souvent passionnées, beaucoup de dissipation, point de recueillement, point de piété ! Après cela on ne doit point sétonner si on voit tant de mauvais ménages. Cest quon na pas reçu les grâces du Sacrement, faute de préparation.
4. Conversions humaines et naturelles
5. Marques dune conversion surnaturelle
6. Illusion dune vie aisée
7. Sur la mortification des passions
8. Vices qui règnent dans notre siècle : sur limpureté, sur la médisance sur lintempérance