Causerie III
DEMANDER LA GRÂCE DE CONNAITRE
LES STRATAGÈMES DU DÉMON
Quand le démon veut opérer des mystères diniquité, il a grand soin de les cacher aux supérieurs établis pour les découvrir et les anéantir. Il sy prend de loin pour venir à bout de ses desseins. Il cache des pièges dans de belles apparences. Il travaille quelquefois des années entières, et cela sourdement, pour en venir à son but. Saint Paul voyait par une lumière surnaturelle que Satan voulait faire tomber lincestueux de Corinthe dans le désespoir. Cest pour cela quil usa dindulgence à son égard: Non enim ignoramus cogitationes ejus (2 Co 2, 11).
Sainte Thérèse vit aussi les suites fâcheuses et les funestes effets que le démon se proposait en disant communier tous les jours ou très fréquemment à une religieuse qui nen était pas digne. Jai vu aussi plusieurs fois dans ma vie les ruses et les stratagèmes de Satan cachés sous des apparences de piété. En voici un trait : un jeune homme demandait de prendre chez lui une fille très pieuse pour lui faire faire une école. Et, étant en prière au pied des autels, Dieu me fit connaître que cette entreprise venait du démon, qui voulait former entre ces deux personnes une liaison et une amitié qui eût les suites les plus fâcheuses et les plus scandaleuses. Jeus le bonheur, avec le secours de la grâce, de prévenir le mal. Mais ce fut avec bien de la peine.
Jai vu plusieurs fois des gens qui contractaient des liaisons avec des personnes dun sexe différent, sous prétexte de travailler à leur conversion. Cétait un piège que le démon leur tendait. Elles y sont tombées. " Mon Dieu ", sécrie saint Augustin, " puisque le démon a tant de ruses, qui pourra échapper à tant de dangers auxquels nous sommes exposés dans ce monde ? " " Les âmes humbles ", répond saint Augustin, " sont des âmes qui se défient delles-mêmes, et qui mettent toute leur confiance en Dieu. Car si Dieu ne veillait spécialement sur ses élus, ils périraient comme les autres ". De là que sensuit-il ? Quil faut donc veiller et prier pour ne pas tomber dans les pièges du démon, quil faut souvent demander la grâce de les découvrir, ces pièges et ces stratagèmes. Fratres, sobrii estote et vigilate, quia adversarius vester diabolus circuit, quærens quem devoret (1 P 5, 8). LImitation remarque à ce sujet que le démon ne vexe pas les méchants. Au contraire, il les endort dans une fausse sécurité, parce quil est sûr de sa conquête. Non vexat quos secure possidet (IV, ch. 18, 14).
Étant en Chine, nos chrétiens eux-mêmes ont fait une réflexion très juste sur certains apostats, qui depuis leur chute riaient sans cesse. Cétait le démon qui, par ces fausses joies, les détournait des réflexions sérieuses quils eussent dû faire sur létat malheureux où ils étaient. Voilà comme le démon amuse les gens du monde en les plongeant dans les affaires temporelles, dans la dissipation, pour leur faire oublier la grande affaire de leur salut.
Que jai vu de gens, scrupuleux pour des riens et tranquilles sur des choses essentielles, faire attention aux moucherons et avaler le chameau. Le démon tourne leur attention sur des objets frivoles pour les détourner de lessentiel. Le démon, pour faire quitter une bonne uvre qui lui déplaît en propose une autre quil sait quon nexécutera pas efficacement. Cest ainsi quil tentait Jésus-Christ lui-même : Descendat nunc de cruce et credimus ei (Mt 27, 42). Cest ainsi quil détourne de la pratique des devoirs réels pour nous infatuer de projets chimériques.
Cest ainsi quil nous fait négliger les obligations de notre état pour entreprendre des choses au-dessus de notre état, pour nous impliquer par une présomption téméraire dans des affaires qui ne nous concernent point. Cest ainsi quil nous aveugle sur nos propres défauts pour nous faire critiquer et censurer les défauts des autres. Que de ruses ! Que de pièges ! Quel sujet de crainte et de vigilance pour un prêtre ! Vigilate et orate (Mt 26, 41). Il faut quil veille sur lui et quil veille sur les autres.
Cest encore un piège ordinaire de Satan dôter la honte et la pudeur que Dieu a données à lhomme, même aux païens, contre linfâme péché dimpureté. Le démon sait encore enlever cette honte et cette horreur au point que les grands crimes en fait dimpureté ne semblent plus rien. Combien de fois nai-je pas vu des ecclésiastiques mêmes se permettre des indécences honteuses avec les personnes du sexe sans rougir. Les moindres libertés en ce genre sont scandaleuses et choquent les fidèles. Mais le démon aveugle : on ne sen aperçoit pas
. [Dans le MS, ce paragraphe se trouve dans la Causerie IV, parmi des considérations sur la pénitence. Il semble quil doive être ici à sa place.]
Autres stratagèmes du Démon
Quand un prêtre attaque la passion dominante, le démon excite dans le pécheur une indignation contre lui. Cest ce que jai vu maintes fois dans ma vie. Le démon inspire une aversion contre les personnes qui veulent notre bien spirituel et la correction de nos vies ; et il nous donne une inclination, un penchant, pour ceux qui nous sont préjudiciables. Il porte les pénitents à séloigner des confesseurs qui seraient capables de les convertir et de les diriger dans la voie du salut, et à sadresser à ceux qui ne sont propres quà les séduire en les laissant croupir dans le vice et leurs mauvaises habitudes.
Jexhortais un jour un jeune juif à se convertir ; il écoutait les raisons avec docilité, et dans le temps quil y avait tout à espérer le démon lui fit entendre quil faisait un grand péché de converser avec moi, et il se sauva bien vite. Jai vu des personnes à qui le démon persuadait que si elles faisaient telles et telles bonnes uvres, elles commettraient un péché mortel, et que si elles ne faisaient pas tels et tels crimes elles seraient damnées. Il ny a point de ruse quil ne mette en uvre pour tromper, pour séduire non seulement les méchants mais surtout les bons, pour détourner du bien et porter au mal et les faire tomber dans lillusion.
Jai vu une personne pieuse, timorée et zélée, à qui le démon parlait comme si ceût été son bon ange ; il lui disait dabord de jeûner, elle le fit ; et quand il eut sous cette belle apparence gagné sa confiance, il lui dit encore et sous un beau prétexte de faire des choses qui étaient peu convenables ou commençaient à le devenir ; ensuite il la porta à des choses tout à fait criminelles. De sorte, comme dit lImitation, il est difficile de discerner si cest le bon esprit qui nous conduit ou si cest lesprit malin ou notre propre esprit (III, ch. 15, 6). M. Gleyo disait que les pensées qui viennent du démon nous portent " ou à la présomption ou au désespoir, et celles qui viennent de Dieu nous portent à lhumilité ou à la confiance en Dieu ". Quand les impressions que nous éprouvons naboutissent quà une certaine admiration, une joie, une satisfaction, un plaisir sensible sans changement, sans vertus réelles, ce nest rien, cest le démon qui nous abuse.
Jai vu une fille qui, au sortir de la communion, vit la sainte Vierge avec une rose. Je lui demandai ce quelle sentait en elle-même. Elle ne sentait rien de surnaturel. De là je conclus que cétait une illusion du démon pour la porter à lorgueil, à la présomption, et lui faire perdre le temps précieux de la communion dans une stérile admiration de cette prétendue apparition.
Jai vu une personne mourante qui disait voir les anges et les saints pour recevoir son âme. Cest le démon qui, pour la détourner des sentiments de pénitence quelle aurait dû avoir, car ce nétait pas une sainte mais une mondaine et une âme sensuelle, lamusait ainsi par des imaginations agréables et présomptueuses. LImitation dit quil faut sappliquer non pas à ce qui excite ladmiration, mais à ce qui produit un véritable changement de murs.
Ainsi on connaît larbre par ses fruits. On voit par tout ce que je viens de dire la vérité de ce que dit saint Paul, que lange des ténèbres se transforme en ange de lumière. Il apparut un jour à saint Martin, environné de gloire comme sil eût été Jésus-Christ, pensant tromper le saint et recevoir quelque hommage de sa part. Mais saint Martin, qui savait par expérience les sentiments divins que les vraies visions opéraient dans lintérieur, ne sentant rien de ces opérations surnaturelles, vit bien que cette vision ne venait pas de Dieu.
Suite des pièges du Démon
Le démon tente souvent par des terreurs quil inspire pour faire succomber les faibles et les faire tomber dans le péché, dans le schisme, ou pour leur faire abandonner une bonne uvre. Jai éprouvé ces frayeurs en Chine. Il me semblait entendre le démon me dire à loreille : " Vas-t-en ; la persécution va venir ; on va te prendre... ". Mais, une tentation plus ordinaire encore, cest une fausse sécurité qui ôte la crainte de Dieu, du péché, et de lenfer. Comme le démon sait que cette crainte salutaire nous éloigne du mal et nous contient dans le devoir, il nous lôte. Il sait trouver le secret de lanéantir en nous et den effacer les impressions, de sorte que ni la mort ni lenfer ne frappent plus les pécheurs. Et ces vérités terribles ne leur sont pas plus sensibles que si ce nétaient que des fables ou des songes. Un prédicateur a beau ouvrir aux yeux dun pécheur endurci, il nen est pas touché. Le démon use de cette ruse toutes les fois presque quil entraîne une âme au péché par lattrait du plaisir. Il lui met alors comme un bandeau devant les yeux pour ne pas voir lhorreur du crime quil va commettre et la grandeur des châtiments dont il va être suivi. Cest ainsi quil a séduit Eve, qui était encore retenue par la crainte... " Dieu nous a menacés de mort ", disait-elle à Satan. " Non ", répondit le démon, " vous ne mourrez point " (Gn 2, 3-4).
La vue même de la mort ne fait alors plus de sensation. Il y a des endroits où les garçons et les filles sassemblent pour veiller un mort. Cest un grand abus. Et bien, en présence du mort même ils se livrent à toutes sortes de divertissements, de jeux indécents, et dembrassements dimpureté.
Je sais quune personne furieusement tentée tâchait, pour amortir le feu de la tentation, de se représenter la mort, lenfer : le démon avait le secret dempêcher la crainte et les salutaires impressions que ces vérités terribles eussent dû faire sur elle. Ainsi le démon inspire la crainte des hommes, et il étouffe la crainte de Dieu. Il excite la crainte des maux temporels et il anéantit la crainte des peines éternelles. Le démon laisse aussi faire des bonnes uvres, surtout si elles ne coûtent pas beaucoup ou si elles ne sont quhumaines, naturelles, pour tromper le pécheur et lui inspirer une fausse confiance, pourvu quil le retienne toujours sous sa domination par le lien dune passion dominante.
Jai vu deux personnes qui vivaient à lextérieur comme des anges : retraite, prières, charités. Jen étais dans ladmiration. Mais jappris que cétaient des usuriers. Je les repris charitablement. Alors le venin qui était dans leur cur éclata au-dehors par des injures. Je vis la même chose à légard dun janséniste qui vivait en apparence comme un saint. Il avait dabord été dans le désordre. Il résolut de se convertir. Mais que fit le démon pour faire avorter sa conversion ? Il le persuada quil devait lire les livres des jansénistes et des molinistes. (Il y a un milieu entre ces deux extrémités). Il les lut ; il sétablit juge de la foi : quelle présomption ! Il se décida pour les jansénistes, parce quils avaient lapparence dune plus grande rigidité.
Le voilà donc devenu janséniste, entêté jusquau point de monter sur léchafaud pour la défense de son hérésie. Il a quitté ses désordres extérieurs ; il sest donné à la pratique de la vertu. Le démon lui a laissé faire tout cela. Il la même aidé en cela, parce quil était plus assuré de sa proie, le tenant dans lopiniâtreté de lhérésie, quil nen était sûr auparavant, lorsquil ne le possédait que par la corruption du vice. Cest ce janséniste lui-même qui ma raconté tout cela. Jai travaillé en vain à sa conversion : une fois il a été touché et presque convaincu ; mais cela na pas duré. Quoiquil parlât beaucoup de charité, on voyait dans la dispute le fiel, lamertume, la haine, linsubordination, la révolte contre lÉglise et les décisions du pape, lorgueil et lentêtement. Ainsi, quand le démon ne peut pas détourner les âmes de la conversion, il la fait avorter par quelques défauts essentiels. Sil ne peut empêcher la confession, il la rend nulle par défaut dune sincérité universelle. Il permettra quon se confesse de bien des péchés ; mais on en cachera un, quelquefois moindre que ceux quon déclare. Mais cest assez pour que la confession soit nulle et sacrilège, dès quil est mortel ou douteux.
Si on se confesse exactement, comme je lai vu souvent, le démon fera son possible pour empêcher que la contrition soit sérieuse, surnaturelle, souveraine. Il y glissera encore un défaut essentiel qui la rendra insuffisante. Les voleurs saccuseront bien sur limpureté. Le confesseur, enchanté de leur aveu sur cet objet, leur donnera labsolution avec satisfaction. Mais il ne sait pas que ce sont des injustes détenteurs du bien dautrui.
Combien de confesseurs, combien de pasteurs, sont trompés dulcibus verbis et falsa pietate, quia non interrogaverunt os Domini (Is 30, 2), surtout par les filles et les femmes, qui, avec un air de douceur et de confiance, insinuent adroitement lerreur dans le cur dun confesseur ou dun prêtre prévenu naturellement en faveur dune personne qui lui plaît. Lorsquon est trompé sans passion, Dieu nous pardonnera ; mais nous le sommes de notre faute, par notre inclination, par présomption, par préjugé, par humeur, et faute de nous défier assez de nos lumières, faute de consulter Dieu dans loraison. Cest pour cela que nous tombons dans les pièges du démon. Incidunt in laqueos diaboli (1 Tm 6, 9).
Une fille, témoignant dune difficulté extrême pour se confesser, prie son confesseur de lui permettre de sapprocher tout près de lui et de mettre sa tête contre la sienne. Le confesseur eut la complaisance de le permettre. Elle confessa tout. Mais quelle confession : une confession sensuelle, charnelle, impure ! Voilà les bonnes uvres que le démon sait faire. Et les suites de cette confession diabolique furent les plus funestes pour lun et pour lautre. Jai vu aussi dans nos missions des filles dévotes, les unes vraies, les autres fausses, qui venaient prendre tout le temps dun confesseur, et par là même empêcher les grands pécheurs, et les hommes qui avaient envie de se convertir, de sapprocher du tribunal. On ne saurait calculer le nombre de stratagèmes dont le démon se sert pour empêcher le vrai bien et faire le mal réel sous des prétextes de bien apparent.
Autre ruse du démon : de porter notre attention, nos affections, notre délicatesse de conscience du côté quil ne faut pas, pour nous détourner de ce qui nous serait utile et avantageux.
Un grand piège du démon pour les jeunes ecclésiastiques, ce sont les éloges et les applaudissements du monde. Quand un jeune prêtre a quelque talent, avec un extérieur attrayant, des manières agréables, le monde, qui ne sattache quà lécorce, qui aime tout ce qui flatte les sens, lui rit, lui applaudit. Le voilà enivré de caresses et de compliments ! Sil senfle dorgueil, il est perdu ! On présentait à saint Antoine un jeune solitaire qui avait tant de talents et de vertus quil faisait ladmiration de tout le monde. Saint Antoine répondit : " Voilà en effet un vaisseau bien propre ; mais je crains quil narrive pas au port ". En effet, sa vertu fit naufrage. Cest la réflexion de lImitation, quune vertu prématurée, connue et louée trop tôt, a été un sujet de chute à bien des gens.
Quand je vois un jeune prêtre applaudi et aimé, sans humiliation et sans contradiction, je tremble pour lui. Ce nest pas la voie des élus. Mais cest par le chemin des humiliations, des croix, des persécutions, que Dieu les conduit. Ce qui commence par les applaudissements, le faste, et le plaisir ne mène à rien de solide ni de surnaturel. Jaime à voir un jeune prêtre contredit, humilié, méprisé, persécuté, surtout quand cest par des gens du monde et même par les bons. Nous avons des défauts : cest une grâce quon les censure et quon les corrige. Le démon tente souvent de précipiter un pécheur dans un profond abîme, et alors il lui persuade quil nest plus possible den sortir. Il le jette dans le désespoir. Cest ce qui est arrivé à Caïn, à Architophel, à Judas, et à mille autres. Major est iniquitas mea quam ut veniam merear (Gn 4, 13). Ce fut le conseil quArchitophel donna à Absalom de porter la révolte au dernier excès, jusquà violer les femmes de David, parce quaprès ce crime lui et ses rebelles ayant porté le crime à son comble et le voyant sans remède et sans ressource, ils sy confirmeraient de manière à nen plus revenir.
Enfin, voyez le comble de la malice de Satan dans un genre opposé : cest quil a le secret, quand il trompe une âme en la précipitant dans lerreur, de lui persuader quelle a trouvé le vrai et que les autres sont dans lerreur, quelle est bien plus éclairée, quelle a plus de lumières que tous ceux qui pensent différemment. Cest ainsi que Simon le Magicien persuadait à ses sectateurs que le comble de la perfection consistait à abdiquer toute pudeur et à se livrer sans rougir aux plus sales infamies.
Ainsi les caïnites enseignaient que le Dieu des patriarches nétait pas le plus grand, quil y avait une Intelligence qui lui était supérieure, et que tous ceux que lécriture condamnait, comme Caïn, Coré, et Judas même, connaissant et adorant cette Intelligence supérieure, avaient été plus éclairés et plus spirituels que Moïse, quAbraham et Job. Ainsi les luthériens, les calvinistes se persuadent que leur religion vaut bien mieux que la nôtre. Ainsi les déistes se croient les premiers hommes du monde. Ils appellent notre siècle, éclairé. Ainsi les constitutionnels ont persuadé aux peuples que les nouveaux évêques et les nouveaux prêtres étaient bien meilleurs que les anciens, et quon allait réformer tous les abus et rétablir les choses dans leur pureté primitive. Voilà comme le démon séduit les âmes. Que jen ai vu tomber dans cette déplorable illusion !
Jai vu une personne qui était entre les mains dun bon directeur, qui la menait dans la voie de la perfection. Qua fait le démon ? Il lui a inspiré du mépris pour ce directeur éclairé, et lui a suggéré le désir de sadresser à un directeur plus jeune et plus généreux, mais homme mondain et passionné. Et afin de calmer tous ses remords et de la rassurer parfaitement sur ce changement de confesseur, il lui a persuadé que ce jeune monsieur était un saint homme, consommé dans la direction des âmes. Dans peu elle a pris son esprit, cest-à-dire lesprit du monde avec toutes ses passions, et a contracté une attache et une liaison scandaleuse avec lui, voulant toujours lavoir à ses côtés. Une autre fille, qui avait aussi un excellent directeur, vit arriver dans sa paroisse un jeune prêtre qui lui plut. Elle demanda aussitôt au Saint-Esprit quil lui inspirât de sadresser à lui, et lesprit ly porta ; mais ce nétait pas le bon esprit.
Saint François de Sales parle encore dune illusion fort fréquente. Il la fait comprendre par lexemple de la perdrix qui, voyant loiseleur aller droit à son nid, contrefait par son vol la malade et la blessée. Loiseleur quitte sa route pour la poursuivre, dans lespérance de latteindre. Mais quand il est fort loin de son nid, elle prend son vol ordinaire et échappe à loiseleur, qui na ni le nid ni la perdrix. Ainsi fait le démon. Quand il voit une personne occupée à une bonne uvre, il len détourne sous prétexte den faire une autre meilleure, quil sait quil ne perfectionnera pas, non plus que la première. Car le démon laisse entreprendre tout ce quon veut, pourvu quon ne finisse rien. Vous voyez tous les jours des personnes qui voltigent ainsi dobjets en objets, allant dune bonne uvre à lautre sans en achever aucune. Ce sont des esprits légers et inconstants, qui suivent les mouvements de la nature qui aime le changement, au lieu que la grâce est constante, stable, et persévérante dans ses entreprises malgré les contrariétés et les difficultés. Elle ne quitte pas prise jusquà ce quelle ait atteint son but et quelle soit parvenue à sa fin.
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