Quinzième lettre aux sœurs

 

Lettre à Sœur Rose Méthains, deuxième Supérieure générale

 

Trèves, 19 mars 1793

[Le saint prêtre est tombé malade le 19 avril suivant, juste un mois après ; il est mort le 4 mai. Ces lignes sont donc, bien probablement, les dernières qu'il ait écrites pour les Sœurs. Note de l'éditeur]

Loué soit Jésus-Christ

 

Ma pauvre Sœur,

Gardez-vous de recevoir Sœur N., ni sa compagne avec vous. Qu'elles aillent où elles voudront, qu'elles fassent ce qu'elles voudront ; nous ne voulons dans notre société que des personnes qui soient bonnes, qui soient propres à apporter, à conserver la paix, l'union et la concorde. La sœur N. dit qu'elle n'est pas en peine, qu'elle saura bien gagner sa vie ; en effet, elle a du talent pour cela.

Je souhaite que les Sœurs se tiennent en communauté le plus qu'il est possible, et qu'elles ne se séparent que dans l'extrême nécessité ; il y a mille raisons pour cela. Rien de si beau devant Dieu qu'une communauté bien réglée, où règnent la paix, la charité, l'esprit de prière, et où l'on fait tout en commun. Mais quand un sujet trouble ou gâte les autres, il faut l'en séparer.

Nous vous avons envoyé des prières allemandes pour la bénédiction, avec une lettre dans laquelle je vous disais de saluer M. Colin et de remercier les Annonciades des charités qu'elles vous font.

Pour moi, je tâche de suivre la Providence. J'ai permission de rester à Trèves : apparemment que Dieu m'y veut. J'y ai une bonne besogne à faire, c'est de visiter les soldats malades. La nature n’aime guère cette visite, mais la grâce et la charité m'y engagent. Ce sont autant de sacrifices à faire. Ces bons soldats m'écoutent ; je leur donne des chapelets, des livres, du sucre et même de la tarte.

C'est aujourd'hui la Saint-Joseph ; j'ai dit la messe pour vous toutes ; j'ai demandé pour vous, par l'intercession de ce grand Saint, les quatre vertus de notre société, surtout l'extinction du schisme, l'union, et que nous ne soyons qu'un cœur et qu'une âme, comme Jésus, Marie et Joseph.

Je suis bien aise que Sœur Jeanne revienne avec vous. Voyez aussi si on peut établir une école par là.

Être à la tête des autres est une bonne pénitence, et si l'imagination vous a représenté cela comme quelque chose de flatteur, l'expérience vous apprendra bientôt le contraire.

Ne faites pas tant d'affaires avec vos communions ; communiez le plus souvent qu'il sera possible. Ne faites pas de châteaux en Espagne ; ne perdez pas le temps à rêver à des idées et à des chimères, à des scrupules et à des doutes ; mais aimez, et faites ce que vous voudrez. C'est un grand abus chez vous que de tant former d'imaginations, que de vous impliquer dans des idées ; cela est bon pour vous faire perdre votre temps.

J'aimerais que la Sœur Catherine fût à la maison, pour vous aider. Prenez garde que quelqu'une ne fasse une bourse à part. Qu'on donne absolument tout à la communauté, sans rien retenir pour soi. Que chacune s'applique toujours à ce qui concerne son état : lire, écrire, l'orthographe, l'arithmétique, etc.

Toutes les Sœurs vous saluent. M. Malmy veut venir ici ; mais pourra-t-il ? Priez que Dieu le conserve. Prions aussi que Dieu fasse miséricorde à M. le curé de Charmes, et qu'il conserve et affermisse le bien qu'il a fait. Je suis votre père en Notre Seigneur,

 

Moye

 

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