IMITATION DE MARIE 

 

SIXIÈME DIZAIN

 

Nous allons réciter ce sixième dizain à l’honneur de la vie que Marie a menée avec Jésus et de la part qu’elle a eue à ses actions, à ses souffrances, à sa mort, à sa résurrection, et à son ascension.

Notre Père...

 

1° Considérez que saint Siméon, tenant le Sauveur entre ses bras, prédit à Marie que cet Enfant serait en but à la contradiction des méchants, et que lorsqu’il souffrirait les tourments de sa passion, elle serait elle-même transpercée d’un glaive de douleur. Depuis ce moment la sainte Vierge eut toujours dans l’esprit la passion future de Jésus-Christ son Fils. Cette vue anticipée des souffrances du Sauveur fut pour elle le sujet d’une amertume et d’un martyre continuel, et elle se prépara à souffrir avec Jésus-Christ les opprobres et les tourments. Offrons à Dieu cette douleur et cette amertume que Jésus et Marie ressentaient sans cesse à la vue de la passion et de la mort qu’il devait souffrir. Préparons-nous aux souffrances et aux tribulations qui nous attendent. Acceptons par avance toutes celles que Dieu nous prépare ; souvenons-nous que nous ne naissons que pour souffrir et mériter par les souffrances le bonheur de la vie future. Ayons toujours devant les yeux la passion de Jésus et la compassion de Marie.

Je vous salue...

 

2° Considérez que la sainte Vierge servait et honorait Jésus comme son Dieu, et Jésus honorait Marie comme sa Mère. Marie nourrissait Jésus de son lait, et Jésus nourrissait Marie de sa grâce. Marie donnait au corps de Jésus les aliments terrestres, et Jésus donnait à l’âme de Marie les aliments célestes. Pendant trente-trois ans que Marie eut le bonheur de vivre et de converser avec Jésus, qui pourrait concevoir quelle étroite union il y eut entre l’âme de Jésus de Marie, quelle intime communication il se fit du cœur de Jésus au cœur de Marie ? Les yeux de Marie voyaient continuellement Jésus ; ses oreilles entendaient sa voix ; elle conversait familièrement avec lui. Marie contemplait la face de Jésus ; ses mains étaient consacrées par l’attouchement du corps de Jésus. Il reposait sur le sein de Marie ; elle le portait entre ses bras. Son entendement contemplait ses beautés ; sa mémoire se souvenait de sa doctrine, de ses paroles, de ses actions ; sa volonté était totalement conforme à celle de Jésus ; son cœur brûlait d’amour pour lui. Qui pourrait concevoir quelles lumières, quelles faveurs Jésus communiquait sans cesse à Marie ? Si on ne pouvait toucher le bord des vêtements du Sauveur sans ressentir aussitôt l’influence d’une vertu céleste qui sortait de son Humanité sacrée, que de grâces et de vertus émanèrent de Jésus sur Marie pendant trente-trois ans qu’elle lui fut si intimement unie ? Bénissons cette union et cette communication ineffable de Jésus et de Marie. Unissons-nous étroitement à Jésus et à Marie. Vivons, agissons, souffrons et mourons avec Jésus et Marie.

Demandons cette grâce insigne par les mérites de Jésus et l’intercession de Marie.

Je vous salue...

 

3° Considérez que la sainte Vierge ayant toujours le Sauveur devant les yeux était témoin de ses divins exemples, les imitait parfaitement. Toujours unie de cœur, d’esprit, de sentiment, d’intention et d’affection, elle faisait tout avec Jésus, en lui et par lui. Elle priait avec Jésus, travaillait avec Jésus, conversait avec Jésus, voyageait avec Jésus, buvait et mangeait avec Jésus, prenait part à toutes ses peines. La sainte Vierge en voyant souffrir Jésus était plus sensible aux douleurs de son Fils qu’aux siennes propres. Imitons les exemples de Jésus et de Marie. Unissons nos prières aux prières de Jésus et de Marie ; unissons nos actions à leurs travaux, nos voyages à leurs voyages, nos repas à leurs repas, nos souffrances à leurs souffrances, notre vie à leur vie, et notre mort à leur mort. Demeurons toujours attachés à Jésus et à Marie à la vie et à la mort ; gardons-leur une inviolable fidélité dans les épreuves, les tentations, mes tribulations. Ne nous séparons jamais de Jésus et de Marie. Nous ne pouvons rien sans Jésus et Marie, mais nous pouvons tout avec Jésus et Marie.

Espérons et demandons que les mérites de leurs actions sanctifient les nôtres et suppléent à nos défauts.

Je vous salue...

 

4° Considérez quelle fut la charité de la sainte Vierge à l’égard du prochain quand elle assista aux noces de Cana. Les conviés étaient pauvres, manquant de vin. Elle représenta leur besoin à Jésus-Christ. C’est ainsi que la sainte Vierge s’attendrit sur toutes les nécessités des hommes et intercède pour eux auprès de Jésus-Christ son Fils. La sainte Vierge voit bien mieux que nous notre pauvreté et notre indigence spirituelle. Elle fait tout ce qui nous est nécessaire et utile. Prions-la de représenter nos besoins à Dieu, et de nous obtenir tout ce qui nous est avantageux, et de nous préserver de tous les maux qui nous menacent. La sainte Vierge suivait Jésus-Christ dans ses prédications ; elle participait ainsi à ses courses évangéliques, puisqu’on vint dire à Jésus-Christ qui prêchait au peuple : " Voilà votre Mère et vos frères qui demandent à vous parler " (Mt 12, 47). À quoi Jésus-Christ répondit en étendant la main sur ses disciples : " Ceux qui font la volonté de mon Père me tiennent lieu de Mère et de Frère " (Mt 12, 50). La sainte Vierge entendait toutes les plaintes et les murmures qu’on faisait contre Jésus-Christ, et c’était comme autant de coups de lance qui lui perçaient le cœur. Elle eut aussi la douleur de voir que ses proches venaient pour le lier comme un furieux, et que les juifs cherchaient continuellement à le faire mourir. Imitons Marie ; suivons Jésus partout ; prenons part à ses travaux, à ses humiliations ; soyons plus sensibles aux souffrances du Sauveur qu’aux nôtres.

Prions aussi la sainte Vierge de s’intéresser auprès de Jésus pour tous les Ministres du Seigneur qui annoncent sa parole.

Je vous salue...

 

5° Considérez que la sainte Vierge eut une connaissance distincte de toutes les souffrances de Jésus-Christ, soit en les voyant de ses propres yeux, soit qu’elle entendit le récit, ou qu’elle les apprit par révélation ; et il n’y eut aucune de ses souffrances qu’elle ne ressentit elle-même très vivement. Car, comme elle aimait Jésus-Christ plus qu’elle ne s’aimait elle-même, elle était plus sensible à ce que Jésus-Christ souffrait qu’à ce qu’elle endurait elle-même. Qui pourrait dire la peine qu’elle ressentit quand elle vit en esprit Jésus agonisant dans le Jardin des Olives, trahi, livré à toute la rage et la fureur des juifs ? Quel supplice pour cette divine Mère de voir son Fils flagellé cruellement, couronné d’épines, portant sa croix et tombant sous ce pesant fardeau ! Car la sainte Vierge suivit Jésus au Calvaire. Quelle douleur quand elle entendait les coups de marteaux qui lui perçaient les pieds et les mains ! Quelle douleur quand elle le vit suspendu pendant trois heures sur la croix, versant son sang, rassasié de fiel et de vinaigre, et accablé d’injures et de malédictions ! Il est aisé de comprendre que les opprobres du Fils retombaient sur la Mère. Elle fut crucifiée avec Jésus-Christ ; elle souffrit au moins en esprit tout ce que Jésus a souffert dans son corps. Il y en a même qui prétendent qu’elle ressentit dans son corps les tourments que Jésus endura sur la croix. Car, ajoutent ces pieux Auteurs, si saint François en recevant les stigmates, et sainte Catherine en portant une couronne d’épines, ont ressenti des douleurs réelles et corporelles, à plus forte raison la sainte Vierge devait-elle participer réellement aux peines de Jésus-Christ, parce qu’elle devait avoir avec lui une plus conformité.

Offrons à Jésus-Christ la compassion de la sainte Vierge en réparation de notre dureté et de notre insensibilité. Prions-la de vouloir bien nous obtenir la grâce de méditer souvent la passion de Jésus-Christ, de compatir affectueusement à ses souffrances, et de participer à ses mérites.

Je vous salue...

 

6° Considérez avec quelle force, avec quelle constance la sainte Vierge se tint debout au pied de la croix de Jésus-Christ pour contempler ses douleurs, voir couler son sang, et avec quelle générosité cette divine Mère fit le sacrifice de son Fils, l’offrant au Père Éternel pour satisfaire à sa justice et pour racheter les âmes, de sorte qu’après Jésus-Christ c’est à la sainte Vierge que nous sommes redevables de notre rédemption, puisqu’elle a donné son Fils pour nous. Le Sauveur voyant sa sainte Mère à ses pieds lui dit en lui montrant saint Jean : " Femme, voilà votre Fils " (Jn 17, 26) et adressa ensuite la parole à saint Jean ; il lui dit : " Voilà votre Mère ! " (Jn 17, 27). Remercions Jésus-Christ de nous avoir donné sa sainte Mère pour être notre Mère dans la personne de son Disciple. Prions Marie de nous prendre pour ses enfants ; ayons pour elle une tendresse filiale, comme elle a pour nous une tendresse maternelle. Prions-la de ne pas nous abandonner dans nos nécessités et dans nos tentations, et de nous secourir surtout à l’heure de notre mort, comme elle a assisté à la mort de Jésus-Christ.

Récitons à cette intention avec plus d’attention ces paroles que l’Église lui adresse en faveur des mourants : Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous à l’heure de notre mort.

Je vous salue...

 

7° Considérez quelle fut encore la douleur de la sainte Vierge lorsqu’après la descente du corps de Jésus détaché de la croix, elle vit ce Corps adorable couvert de plaies, teint de son sang. Elle le prit entre ses bras l’arrosant de larmes, baisant respectueusement ses plaies ; elle l’ensevelit avec Joseph et Nicodème. Offrons à Jésus-Christ tous les sentiments de compassion et de componction que la sainte Vierge et les Saints qui ont assisté à la sépulture du Sauveur et les saintes femmes qui se lamentaient auprès du tombeau ont ressenti en voyant le corps de Jésus tout meurtri et ensanglanté. Et prions-les d’intercéder auprès de ce divin Sauveur en faveur des âmes du Purgatoire, et de nous obtenir l’application des mérites de toutes les souffrances qu’il a endurées pendant le courant de sa Passion. Ayons une grande dévotion envers les cinq plaies qui sont demeurées imprimées dans le corps de Jésus après sa mort et sa Résurrection. Demandons au Seigneur qu’elles soient pour nous cinq sources intarissables de grâces en ce monde, et un remède efficace qui nous guérisse de toutes les plaies que le péché fait à notre âme.

Prions spécialement pour les âmes du Purgatoire.

Je vous salue...

 

8° Considérez que Jésus-Christ étant ressuscité a apparu à sa sainte Mère et changea sa tristesse en joie. Et cette joie qu’elle eut de voir le Sauveur ressuscité fut d’autant plus grande que la douleur qu’elle avait eue de sa mort et de sa passion avait été extrême, selon cette expression de l’écriture : " Vos consolations ont réjoui l’âme de votre serviteur à proportion de la multitude des douleurs dont elle avait été inondée " (Ps 93, 19). Comme ce fut sans contredit la sainte Vierge qui eut plus de part aux souffrances de Jésus-Christ, ce fut elle qui sentit plus vivement la joie de la Résurrection. Les vrais Chrétiens qui, touchés d’une sainte compassion à la vue de Jésus-Christ soufrant et mourant, ont passé le temps du Carême dans le jeûne, la pénitence, et la mortification, ressentent une sainte joie au temps de sa Résurrection. Mais les ennemis de la croix, les âmes sensuelles, plongées dans la chair et le sang, qui font un Dieu de leur ventre, qui ont horreur de la pénitence et de la mortification, ne savent ce que c’est que les consolations spirituelles ; ils sont incapables de les goûter et de les sentir. Félicitons la sainte Vierge de la joie qu’elle a eue en voyant Jésus ressuscité glorieux et triomphant. Demandons-lui qu’elle nous obtienne la grâce de renoncer aux vains plaisirs de la terre pour être en état de jouir des consolations célestes. Mourons au péché ; ressuscitons à la grâce. Dépouillons-nous du vieil homme, et revêtons-nous de l’homme nouveau.

Demandons à Jésus-Christ par l’entremise de Marie un esprit nouveau et un cœur nouveau. Commençons à mener une vie toute spirituelle, toute divine, en un mot, une vie ressuscitée. N’ayons plus de goût pour les choses de la terre, ne soupirons qu’après le Ciel.

Je vous salue...

 

9° Considérez quel transport d’allégresse ce fut pour la sainte Vierge quand elle vit Jésus-Christ monter au Ciel. Elle y monta avec lui de cœur et d’esprit ; mais elle demeura encore sur la terre pour la consolation des fidèles. Réjouissons-nous avec la sainte Vierge et les Apôtres de la glorieuse Ascension du Sauveur. Détachons-nous de la terre. Levons souvent les yeux au Ciel vers notre céleste patrie. Désirons comme saint Paul d’être délivrés de ce corps de mort, de ce corps de péché, pour ne plus offenser Dieu et pour jouir de la liberté des enfants de Dieu. Les Chrétiens qui mettent leur bonheur et leur félicité dans les plaisirs, les richesses, et les honneurs, et qui mettent leur fin dernière dans la créature, ont perdu l’espérance, et sont dans un état de péché mortel incapable de recevoir l’absolution. Évitons un état si déplorable. Détachons notre cœur de la créature pour nous attacher au Créateur. C’est lui qui est notre premier principe et notre fin dernière. Tout doit tendre à sa fin. Tendons donc continuellement vers Dieu comme à notre unique fin et au centre de notre bonheur. Que toutes nos pensées, nos désirs, nos affections se portent sans cesse vers le Ciel où Jésus-Christ est assis à la droite de son Père.

Je vous salue...

 

10° Considérez qu’aussitôt après que Jésus-Christ fut monté au Ciel la sainte Vierge se retira dans le Cénacle avec les Apôtres et plusieurs Disciples du Sauveur pour s’y préparer par la prière, la retraite, à recevoir le Saint-Esprit. Et comme la sainte Vierge reçut en tout la meilleure part, il n’est pas douteux qu’elle n’ait reçu les prémisses de l’Esprit divin. Elle en avait déjà été remplie dans sa conception ; elle en reçut alors un accroissement prodigieux. Elle reçut dans ses chastes entrailles le Fils de Dieu par l’opération de cet Esprit Saint ; mais le jour de la Pentecôte elle fut comblée de ses dons, qu’elle reçut tous avec une plénitude incompréhensible à la faiblesse humaine. On voit par là que le Saint-Esprit se communique à nous plusieurs fois et différemment et pour plusieurs effets. Il se donne dans le Baptême pour nous sanctifier en nous donnant la vie spirituelle et surnaturelle de la grâce ; et dans la Confirmation il se donne à nous pour augmenter et fortifier en nous cette vie spirituelle, ensuite pour nous faire opérer des actions surnaturelles. Félicitons la sainte Vierge de ce qu’elle a été ainsi comblée des plus excellents dons du Saint-Esprit. Offrons à Dieu les ferventes prières qu’elle a faites avec les Apôtres dans le Cénacle, pour recevoir du moins les précieux restes de ce divin Esprit et pour avoir aussi quelque part à ses faveurs.

Prions cet Esprit divin de se communiquer à nous, de nous éclairer, de nous inspirer, de nous animer dans toutes nos démarches et nos entreprises.

Je vous salue...

 

Offrande du Sixième Dizain

Mon Dieu, nous vous offrons tout ce que la sainte Vierge a dit, fait, et pensé pour Jésus-Christ, avec Jésus-Christ, pendant tout le temps qu’elle a vécu avec lui. Nous vous offrons cette parfaite conformité de sentiments, d’intention et d’affection qui a toujours été entre la Mère et le Fils. Nous vous offrons la douleur qu’elle a sentie en le voyant souffrir et mourir, et la joie dont elle a été comblée en le voyant ressuscité et monter au Ciel. En un mot, nous vous offrons la vie de Jésus et de Marie, les sentiments et les affections, les services réciproques de Jésus envers Marie et de Marie envers Jésus. Nous vous offrons les vertus, les actions, les travaux, les voyages, les conversations de Jésus et de Marie. Nous vous offrons la Passion de Jésus et la Compassion de Marie. Nous vous demandons d’avoir part à tous les mérites que Jésus et Marie ont acquis pendant toute leur vie par la pratique de tant de vertus et de bonnes œuvres, et par tant de souffrances et de travaux.

Gloire au Père...

 

Table de l'Imitation de Marie

 

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