Conversions miraculeuses.

 

Il se fait bien des conversions éclatantes en Chine, comme celle de nos ennemis, de nos persécuteurs, mais dans celles de Tchang-Tcheou, il s’en fait beaucoup par des inspirations et des visions de la Ste Vierge ; nombre de femmes païennes malades se sont senties fortement inspirées d’embrasser notre sainte religion ; plusieurs assurent avoir vu en songe une femme respectable, vêtue d’un habillement violet, les exciter à cela, et elles l’ont fait, elles se sont converties aussitôt après leur maladie et ont surmonté tous les obstacles, et sont de très ferventes chrétiennes. La même chose arriva à un enfant de quatorze ou quinze ans. Il vit en songe une femme vénérable qui l’excitait à aller prier avec les chrétiens ; il répondit que son père n’ouvrait pas la bouche ; pô kâi reoû, c’est une expression chinoise qui veut dire qu’il n’osait sans avoir le consentement de son père. Cette femme lui dit : Va, ton père ne l’empêchera pas. Il vint en effet encore tout malade, et je fus si charmé de sa candeur que je le baptisai peu après, et ensuite son père, sa mère, sa future épouse et celle de son frère aîné.

Voici encore un trait singulier qu’on ne croira pas, et que je n’aurais pas cru moi-même, si je n’en avais vu souvent de semblables, certifiés par des personnes dignes de foi. Un jour, arrivant à la nuit fermante, de la campagne à une maison chrétienne, distante de deux lieues et demie de cette ville, je fus bien surpris le lendemain matin de voir arriver une nouvelle chrétienne avec sa petite fille, disant qu’elle n’avait pu dormir la nuit, ayant un pressentiment de mon arrivée qui n’était cependant ni sue, ni attendue de personne, et bien d’autres personnes m’ont assuré la même chose ; entre autres une sainte fille, morte comme un ange, m’a dit que la Ste Vierge, ou du moins une femme vénérable, lui apparaissant en songe, lui dit que le prêtre allait venir ; et je suis sûr de cette sainte fille comme de moi-même.

Il vient encore de se convertir, entre plusieurs femmes, une qui était ennemie des chrétiens, et n’en avait eu jusqu’ici que du mal à dire. Dieu l’a touchée, l’a appelée, et sa conduite, sa constance contre les efforts de son mari pour la détourner, font bien voir que sa conversion est sincère et surnaturelle.

Voici encore un trait de la providence de Dieu sur ses élus. Une excellente chrétienne de cette ville était à l’extrémité ; j’étais alors à deux journées de là et n’en savais rien, j’étais résolu d’y venir ; j’envoyai louer une barque, on le fit ; mais quand je fus vers le fleuve, je vis les eaux si furieuses que leur impétuosité faisait trembler, et je vis dans l’endroit où je devais passer une barque submergée ; c’eût donc été une imprudence de s’exposer à un si grand danger. Je fis mon possible pour résilier le contrat de mon embarquement ; mais le maître de la barque, païen, qui avait déjà mes effets, n’en voulut rien faire ; je pensai qu’il y avait un dessein de Dieu caché là-dessous, que Dieu m’appelait quelque part ; je m’abandonnai à sa conduite. Nous arrivons dans peu d’heures à cette ville distante de deux jours, tant les eaux étaient rapides ; mais le danger était très grand à cause des roches qui sont parsemées dans ce grand fleuve, où quantités de barques périssent. En arrivant, on me dit que cette femme, qui m’avait tant édifié pendant sa vie, était à l’extrémité ; elle eut le bonheur de recevoir l’absolution, l’indulgence et l’extrême-onction, puis elle mourut un peu après. Elle avait deux filles d’une figure affreuse, pleines d’ulcères et très indociles par leur humeur naturelle, qui donnèrent bien des peines à leur pieuse mère qui faisait tout ce qu’elle pouvait pour les instruire et les porter à la piété ; son zèle fut récompensé, car ses deux filles eurent le bonheur de se bien préparer à la mort, et reçurent tous les sacrements avant de mourir avec de grands sentiments de piété.

Je puis dire, à cette occasion, que j’ai eu la consolation d’administrer à propos presque tous les bons chrétiens avant leur mort, ce qui paraîtra bien merveilleux, si l’on fait attention à la distance et à l’éloignement de tant d’endroits où le prêtre ne peut aller que si rarement ; et M. Devault, un de nos confrères, fait une remarque tout opposée, que les méchants chrétiens, endurcis et opiniâtres, meurent tous dans son absence, par un juste jugement de Dieu.

J’ai encore eu cette année passée la consolation d’y voir plusieurs femmes prosélytes si pleines d’ardeur pour apprendre les prières et la doctrine chrétienne, qu’elles passaient les nuits sans pouvoir dormir ; plusieurs d’une campagne voisine, converties depuis un an, n’ont point de plus grande consolation au monde que de venir à la messe et aux exercices de piété ; elles apprennent à lire les livres de religion, et ont fait dans peu un progrès étonnant, et convertissent bien des païens.

 

Fermeté des chrétiens.

 

Table de la Grande Relation

 

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