Les Chinois vraiment chrétiens

sont tels que les Européens.

 

En arrivant à Macao, je vis d’abord des Chinois chrétiens dont les mœurs me déplaisaient beaucoup, et le jugement que j’en aurais porté ne leur eût pas été favorable ; cependant je me rassurai sur leur compte en me disant à moi-même que la différence d’éducation, de climat, de nation, devait aussi peut-être faire quelque différence dans les mœurs au sujet de la religion. Point du tout ; j’ai vu depuis avec admiration que les vrais chrétiens en Chine pensent, parlent, agissent comme font les bonnes âmes en Europe : même retenue, même modestie, même façon de penser, mêmes sentiments, parce que c’est le même esprit qui les anime, c’est la même mère qui les a enfantés en Dieu, c’est-à-dire la grâce : in unam parit gratia mater infantium ; et c’est là une preuve bien sensible de notre religion, que la force de la grâce puisse produire, en si peu de temps, en changement si prodigieux dans les âmes ; faire des chrétiens fervents de païens aveuglés et corrompus ; changer leur intérieur et réformer toute leur conduite, et les transformer en des hommes tout nouveaux.

C’était ce qui paraissait comme impossible à saint Cyprien avant son baptême ; mais en ayant fait l’expérience, il rapporte avec admiration le changement incompréhensible que la grâce du baptême avait opéré en lui-même ; et c’est ce que nous avons vu cent fois en Chine. Des païens convertis avaient autant d’horreur pour les idoles, qu’ils y avaient eu d’attache ; ils avaient un respect, une tendre dévotion, une profonde vénération pour la croix et la passion de Jésus-Christ, le Saint-Sacrement, la messe, les sacrements, les images, le prêtre ; en un mot, pour tout ce qui regarde la Religion chrétienne ; qui peut donc opérer ce subit et admirable changement. Dieu seul par sa grâce.

J’ai toujours invoqué, après la Sainte Vierge, toutes les saintes femmes qui avaient suivi Notre-Seigneur pendant sa vie, et celles qui avaient été présentes à sa mort et à sa sépulture, afin qu’elles s’intéressassent auprès de Dieu pour tant de femmes et de filles pieuses de la Chine, qui ont rendu de si grands services à la Religion ; et je prie ceux et celles qui liront cet écrit d’en faire autant.

Je recommande aussi nos jeunes prêtres de Chine ; M. Sên m’a prié de cela à mon départ, me disant que n’ayant aucune vertu et étant plein de défauts, il se recommandait aux prières de tous les prêtres et des bonnes âmes de l’Europe. C’et un prodige d’humilité ; il pleurait amèrement lorsqu’il fut fait prêtre ; la vue de son indignité le confondait ; il fallut user de toute l’autorité que nous avions sur lui pour le contraindre à recevoir les Ordres sacrés ; il est d’une piété tendre et affectueuse, d’une délicatesse de conscience qui va jusqu’au scrupule ; il est très lettré, il a le talent d’instruire méthodiquement ; il est très poli et affable, etc. ; aussi les chrétiens l’aiment extrêmement. Il s’acquitte du saint ministère avec un grand fruit ; il pénètre dans l’intérieur des consciences, et répare par sa prudence les sacrilèges que j’ai fait faire.

Il a souffert déjà bien des persécutions, a été battu par les infidèles, a couru bien des dangers, et a porté et établi la foi où elle n’avait jamais été prêchée. Peut-être finira-t-il par le martyre, ou du moins par une mort glorieuse ; il a tout l’air et les marques d’un prédestiné. Son père est mort comme un martyr, car allant de prison en prison pour la foi, il contracta une maladie considérable ; on le renvoya alors chez lui, et il mourut peu de temps après de cette maladie, causée par les incommodités de la prison et des voyages occasionnés pour la défense de la Religion. Sa mère était une des plus ferventes chrétiennes de toute la province, qui avait le don des larmes et de la prière, et un grand zèle pour la religion ; elle st morte aussi après avoir reçu les sacrements peu auparavant des mains de son fils. Elle jeûnait si rigoureusement, qu’elle ne se remettait pas même de boire de l’eau hors des repas, ce qui est une mortification très grande pour les pays chauds, où on est accoutumé de boire souvent pendant la journée.

 

Ma seconde visite à Mr Gleyo.

 

Table de la Grande Relation

 

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