Délivrance des vexations du démon.
Cest une chose très connue dans toutes les missions, que les chrétiens allant prier et jeter de leau bénite dans les maisons vexées par le démon, tant des chrétiens que des païens, en chassent les esprits malins, et délivrent aussi bien des personnes de leurs obsessions. Cest ce que jai vu souvent dans mon district, et plusieurs conversions se sont faites à cette occasion ; je parlerai de quelques-unes dont je me rappelle le souvenir.
À Ho pâ, un jeune homme était possédé du démon ; il avait des parents chrétiens qui métaient venus prier dy envoyer quelquun. Jy ai envoyé mon disciple Kian ; maintenant prêtre ; cet homme fut délivré par les prières des fidèles ; sa mère, voyant cela, et ses autres frères se convertirent, jai baptisé son cadet et sa sur.
Il y eut, en 1782, à Zào moûen tân, une vexation du démon bien publique et très certaines ; en sorte que les personnes de la maison en étaient si affligées, quelles ne pouvaient plus y subsister. Elles menvoyèrent chercher ; je ne jugeai pas à propos dy aller, ayant autre chose à faire, jy envoyai aussi M. Tzian, alors prêtre, et il les fit prier, jeûner ; il célébra la messe, et dès lors ils furent plus tranquilles ; ils firent encore après cela faire une assemblée de chrétiens pour prier, et depuis la maison fut totalement délivrée. Je vis toutes ces personnes qui avaient été témoins de ce que le démon faisait, aussi bien que M. Tzian qui me dit, entre autres choses, que ce démon qui parlait, flattait lamour-propre des gens ; il battait les uns, jetait les autres dans la boue, apportait à la maison des choses quil prenait ailleurs.
Quand M. Tzian commença la messe, il fit tomber à ses pieds un morceau de fer quil avait pris je ne sais où ; il transportait les meubles en lair, faisait la cuisine, on voyait casser les ufs dans la poêle sans main ; il faisait tomber des ufs du haut de la maison sans les casser ; il jeta un uf sur le cou dune vieille femme (cétait la mère de cette famille) avec une telle rudesse, quelle pensa mourir, et en fut malade plusieurs mois. Ce démon battait les enfants quand ils priaient, leur parlait familièrement et leur paraissait quelquefois sous la figure dune femme chinoise parée, fardée avec du blanc (car on ne met point de rouge en Chine), portant un enfant sur son dos, comme font les mères chinoises qui portent toujours leurs enfants avec elles partout où elles vont. Les enfants en Chine ne prennent dautre nourriture que le lait de leur mère. Quand M. Tzian dit la messe en cette maison, la bru communia, et le démon disait aux enfants : Quest ce que la Tâ faô va manger là ?
On simaginera que je suis trop crédule, mais on se trompe bien, car je sais que la plupart des faits que lon débite sur ces sortes de matières sont supposés, mais il est sûr quil y en a de réels, il faut savoir discerner les vrais davec les faux, et, sans donner dans lexcès de crédulité, il ne faut pas rejeter des faits bien avérés.
Une fille très sage et très véridique, parente de cette maison, y alla pour instruire ses cousines ; le démon jeta ses habits hors de la maison et lui donna un furieux coup sur le bras, cest elle-même qui me la dit. Enfin, le démon, au lieu de gagner en tout cela, y perdit, car cette maison qui a toujours eu de la religion, à la vérité, mais qui avait aussi bien des choses à réformer, de la négligence et trop peu dexactitude à observer les exercices de la religion, préférant souvent le temporel au spirituel, effrayée de ces vexations, se changea en bien. Ils vinrent tous se confesser, avec des démonstrations dun grand repentir, la dernière fois que jai visité cette chrétienté.