Fin de la narration

de ces Chrétientés.

 

L’abus des grâces est terrible et Dieu le punit bien sévèrement. Les chrétiens de Xé Kia Tùng exhortèrent tous les païens des environs, à six ou dix et vingt lieues ; il y en eut aussi qui se convertirent. Les autres, après avoir abusé de la grâce qui leur était offerte, en devinrent plus méchants, et devinrent nos ennemis déclarés, inventant contre moi et les chrétiens les calomnies les plus atroces, jusqu’à dire que toutes les femmes et toutes les filles avaient commerce avec leur maître de religion.

Une bonne vieille veuve, qui venait de se faire chrétienne, et qui fut une sainte âme, droite, tranquille, pleine de foi et de piété, ne fut pas exempte de railleries… Quoi ! lui disaient-ils, à l’âge où vous êtes, vous voulez encore vous remarier ?… Une vierge fervente, nommée Françoise Gên, dont je parlerai, gardant la virginité, le maître du terrain disait : Pourquoi ne se marie-t-elle pas ? vous la gardez donc pour votre maître ?… Ce qui affligeait tellement ses parents, qu’ils en étaient presque déconcertés ; et elle persévéra malgré tant de contradictions… Ce fut elle qui commença à former des écoles et des maîtresses. Ce furent ces chrétiens des montagnes qui me donnèrent les premiers la plus sensible consolation ; ce fut là que je commençai beaucoup d’exercices de piété qui s’introduisirent partout ailleurs, même chez mes autres confrères ; et Mgr., en voyant le fruit qu’ils faisaient, les introduisit aussi dans les chrétientés de l’occident de la province. Ce fut aussi sur les montagnes que je commençai un petit collège latin ; j’avais choisi six ou sept enfants des plus fervents chrétiens, à qui je commençais à apprendre le latin ; j’en avais quelques-uns des plus grands, mais je voulais commencer dès la plus tendre jeunesse pour leur former l’organe à la prononciation de la langue latine.

Enfin le scandale que donna une femme qui avait tant travaillé, et qui depuis même a redoublé de ferveur ; ce scandale et la méchanceté des païens, la punition divine qui châtie ses élus en ce monde, et sa providence qui leur fait tirer avantage de leurs fautes mêmes, toutes ces causes humilièrent prodigieusement cette chrétienté et la divisèrent après ce scandale.

Nous eûmes un calice pris par des voleurs qui battirent encore le porteur et le dépouillèrent de ses habits. Que sait-on si ces malheurs ne sont pas un effet de la punition divine ? Les saints ont ordinairement de grands scélérats pour adversaires : nos femmes de ces quartiers-là en eurent une que j’appelle hérésiarque ; elle voulait les surpasser en dévotion, en prières, mais son orgueil et tous ses vices la démasquèrent bientôt ; je la traitai comme elle le méritait ; elle entrait en fureur, contredisait tout et se mêlait de dogmatiser ; mais, par bonheur, personne ne la crut, pas même ses enfants ; car son fils et sa fille aînée furent toujours de très bons chrétiens, très attachés à la vraie foi, mais elle donna à tous matière à des exercices de patience. Elle est morte misérablement, et pour ainsi dire, dans l’acte du péché, donnant une de ses filles aux païens pour avoir de quoi se faire enterrer.

Enfin, une bonne partie de nos femmes zélées sont allées trouver M. Gleyo, pour l’aider à la conversion de a province de l’Yûn-nân ; les païens des environs, ayant rejeté la lumière de l’Évangile qui venait les éclairer, la providence l’a portée ailleurs.

 

Abolition de l’usure.

 

Table de la Grande Relation

 

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