Suite des courses.

Visite des Chrétiens

 

Après cette digression en faveur et pour l’honneur de nos exilés, je reviens à mes voyages. De Mâ-opîn, je vins à Kân-lâng-tâng, où il n’y avait presque qu’une famille chrétienne. Le père de cette famille avait laissé toutes ses filles aux païens, et l’aînée n’était pas baptisée, ni aucun de ses enfants ; cet homme fut docile à mes avis. Sa femme a beaucoup de religion ; nous avons fait venir ses gendres et ses filles, et même ses petits-enfants, et nous avons fait ce que nous avons pu. Dieu a béni nos travaux : cette maison s’est bien tournée ; je me rappelle qu’alors la deuxième fille, qui avait été baptisée, était dangereusement malade et aussi livrée à un païen ; sa maison était sur mon passage ; la Providence me donna la facilité de la confesser, mais bien vite, car les mœurs des Chinois, à moins d’un cas extraordinaire, où le gendre soit bien ami des chrétiens, et les gens instruits de nos mœurs et favorables à la religion, ce serait une grande imprudence à un prêtre de voir une personne du sexe, surtout seule ; cela scandaliserait furieusement les païens ; mais, dans des cas de nécessité et quand Dieu a des vues de miséricorde sur quelques âmes qui lui sont chères, il dispose avec douceur de tout, et il conduit tout infailliblement à ses fins.

À cette occasion, je me rappelle un trait assez singulier : une fille d’un père païen et d’une mère chrétienne, mais qui avait vécu longtemps sans pratiquer la religion chrétienne, ni l’enseigner à ses enfants, ensuite revenant à elle-même, elle nous fournit l’occasion de convertir son mari, qui était un lettré, et ce malheureux, et sa belle-mère aussi lettrée, et toute la famille. Ils sont presque tous morts au temps de la famine et ont été administrés, du moins le mari, la belle-mère, sa femme, etc., un peu après leur conversion ; sa fille en avait entendu parler ; elle entendit aussi bien des choses de la religion et en était bien touchée. Elle tomba dangereusement malade ; elle obtint de son mari païen de me venir chercher ; il vint en effet, et cette personne, déjà baptisée en cas de nécessité, se confessa, reçut l’extrême-onction et mourut dans des sentiments admirables ; elle éloignait tous les païens et voulait que les chrétiens l’accompagnassent et ne lui parlassent que de Dieu.

Si Dieu ne nous avait protégés, et s’il n’avait touché le cœur des païens, comment aurions-nous pu agir ainsi dans une maison païenne ? Or, tout se passait en paix. Mais pour de telles entreprises, il faut être bien au fait des personnes, des lieux, des temps et des circonstances ; il ne faut pas sacrifier le bien public pour celui du particulier.

 

Chemins pavés de marbre.

 

Table de la Grande Relation

 

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