INSTRUCTION POUR LES GARÇONS

 

1. Devoirs des garçons envers Dieu

Le premier devoir des garçons, c’est de consacrer leur jeunesse à Dieu, de demander souvent la grâce de la bien passer, d’augmenter chaque jour en piété, en sagesse et en vertus, à mesure qu’ils avancent en âge, contractant dès la plus tendre jeunesse toutes sortes de bonnes habitudes. " Il est bon ", dit l’écriture, " il est avantageux à l’homme d’avoir porté le joug du Seigneur dès sa jeunesse ". On conserve toute sa vie les bonnes impressions, les saintes maximes dont on a été muni dès sa jeunesse. La jeunesse est le temps le plus propre pour apprendre la religion, pour se former à la piété, pour acquérir par de saints exercices toutes les vertus chrétiennes.

Or, la première et la principale vertu, c’est la charité, l’amour de Dieu et du prochain.

On distingue deux sortes d’amour surnaturel : un amour affectif, qui consiste dans les affections du cœur, et un amour effectif, qui consiste à tout faire, à tout souffrir, pour procurer la gloire de Dieu et le salut du prochain. L’un et l’autre est bon et nécessaire ; mais l’amour effectif convient surtout aux hommes et aux garçons, parce qu’étant d’un tempérament plus fort et plus robuste que les personnes du sexe, ils sont plus capables d’entreprendre, de faire et de souffrir de grandes choses pour l’amour de Dieu et le salut des âmes. Ainsi la première chose que doivent faire les jeunes gens, c’est de consacrer à Dieu leur corps, leur âme, leur force, leur santé, leurs talents, avec une ferme résolution de les employer tous pour la gloire de Dieu et le salut du prochain.

Comment trouverez-vous dans votre vieillesse ce que vous n’aurez pas amassé dans votre jeunesse dit le Sage. Ainsi, amassez dans votre jeunesse de la science, de la piété, de la vertu, des mérites, de la dévotion, de la religion. Faites provision pour le temps à venir, et vous trouverez cela dans votre vieillesse. Malheur à ceux qui perdent inutilement un temps si précieux que celui de la jeunesse, et malheur encore plus à ceux qui passent leur jeunesse non seulement dans l’oisiveté, l’inutilité, mais encore dans le crime, la débauche, l’impureté, l’ivrognerie, et d’autres semblables vices, car si on contracte des mauvaises habitudes dans la jeunesse on a bien de la peine de s’en défaire et on les conserve souvent jusqu’à l’extrême vieillesse, si ce n’est quant à l’action. Les os de l’impie, dit l’écriture, seront remplis des désordres de la jeunesse, et ses vices seront ensevelis avec lui dans le tombeau (Jb 20, 11) : expressions énergiques qui font bien voir combien il est difficile de se corriger des mauvaises habitudes qu’on a contractées dans sa jeunesse. Aussi le démon fait tout ce qu’il peut pour tenter les jeunes garçons. Il emploie pour cela tous les moyens imaginables ; il suscite des libertins qui les excitent à suivre leurs mauvais exemples, à aller dans les cabarets, dans les lieux de débauches, à aller voir les personnes du sexe. " Mon fils ", dit le Sage, " si les méchants vous invitent à entrer dans leur société, s’ils veulent vous entraîner dans leurs désordres en vous disant, Venez avec nous, soyez de notre société, allons nous divertir, jouissons des plaisirs de la saison, allons jouer, allons boire, allons danser, allons dérober, allons dans tels lieux de débauches, allons voir une idole de chair. Ah ! mon fils, ne les écoutez pas, ne les suivez pas, car leurs pas conduisent à la mort et à l’enfer " (Pr 8, 16).

Armez-vous donc de force et de courage pour vaincre le démon. Saint Jean l’évangéliste félicitait les jeunes gens d’avoir terrassé le démon : " Je vous écris, jeunes gens ", leur disait-il, " parce que vous êtes forts, la parole de Dieu demeure en vous, vous avez vaincu le démon ; n’aimez pas le monde ni tout ce qui est dans le monde : si quelqu’un aime le monde, la charité de Dieu le Père n’est point en lui. Car tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux, et superbe de la vie " (1 Jn 2, 14-15). Ainsi, mes chers enfants, fuyez donc le monde, fuyez les divertissements du monde, fuyez la compagnie des libertins, encore plus celle des filles et des femmes. Job avait fait un pacte avec ses yeux dès sa jeunesse pour ne pas regarder une vierge. Fuyez les cabarets, fuyez les festins, les danses, les fêtes de villages. Ô Dieu ! que les maudits plaisirs du monde sont vains, dangereux, honteux, infâmes, abominables ! Combien de jeunes garçons brûlent maintenant dans l’enfer en punition des plaisirs criminels auxquels ils se sont livrés dans leur jeunesse ! Quelle folie ! Pour un plaisir d’un moment s’exposer à une éternité de supplices ! Et avant les châtiments de l’autre monde, de combien de chagrins et d’amertumes ne sont pas suivis les désordres de la jeunesse, même dès cette vie ! On perd sa réputation, on dépense son argent, on dissipe son patrimoine, on ruine sa santé, on abrège ses jours. Les médecins disent, et l’expérience apprend, que les impuretés et les débauches ruinent plus le tempérament et diminuent plus les forces que les jeûnes, les macérations, les travaux, et les plus austères pénitences. En effet, nous voyons des anachorètes qui ont vécu jusqu’à cent ans dans les déserts, et les libertins ne parviennent pas à la moitié de leurs jours. La crapule et l’intempérance ont fait mourir plus de personnes que le glaive.

Ainsi, chère jeunesse, soyez sage aux dépens des autres qui vous ont précédés, profitez de leurs malheurs pour vous en préserver, évitez la corruption qui règne dans le monde, le fuyant comme une peste. Imitez tant de jeunes saints qui, fuyant avec horreur le monde et sa corruption, sa vanité, ses plaisirs, ses enchantements, ses pompes, ses maximes, et ses prestiges, ont mis leur plaisir et leur joie dans la pratique de la vertu, ne cherchant que Dieu, faisant consister leurs plus chères délices à l’aimer, à le servir, à méditer sa loi, à la pratiquer, à faire de saintes lectures, à approcher des sacrements, à fréquenter les églises, passant des heures et des journées aux pieds des autels, goûtant les consolations divines que Dieu accorde à ceux qui renoncent aux vains plaisirs, aux folles satisfactions du siècle. Regardez le crucifix. Voyez Jésus-Christ qui vous tend les bras et qui vous demande votre amour et les plus tendres affections de votre âme. " Mon fils ", vous dit-il, " donnez-moi votre cœur ". Et voilà d’un autre côté le démon qui, levant l’étendard de la rébellion contre Dieu, vous invite à vous mettre de son parti pour faire la guerre à Jésus-Christ, pour vous entraîner dans son malheur et sa damnation. Jésus-Christ vous promet sa grâce, sa protection, son amitié dans ce monde, et la vie éternelle dans l’autre. Le démon, en vous trompant et vous séduisant par des fausses promesses de divertissements et de plaisirs, va vous réduire sous le joug de la plus cruelle tyrannie dans ce monde, et vous tourmentera éternellement dans l’enfer. Si vous vous tournez du côté de Jésus-Christ il ne vous abandonnera ni à la vie, ni à la mort, il vous bénira, il vous aidera, il vous enrichira de ses mérites, il vous fera participant de sa grâce et de sa gloire. Si vous vous rangez du parti du démon, il vous tyrannisera, il vous dépouillera de tous les biens spirituels qui vous ont été donnés, il vous aveuglera l’esprit, il vous endurcira le cœur, il vous conduira d’abîme en abîme, de ténèbres en ténèbres, des ténèbres du péché aux ténèbres de l’enfer.

Oui, le démon, sachant que tout dépend, pour ainsi dire, de la jeunesse, fait tous ses efforts pour précipiter les jeunes garçons dans le désordre et le libertinage. Il emploie pour cela tous les moyens imaginables, les discours déshonnêtes, les exemples des méchants, les compagnies des libertins, les liaisons avec les personnes du sexe. Il connaît le faible d’un chacun, il fait proportionner ses tentations aux dispositions et au tempérament de ceux à qui il dresse des pièges. Il fait que les jeunes garçons sont portés au plaisir sensuel, à l’intempérance, à l’impureté, à la dissipation. Pour les faire tomber dans ses filets il leur propose l’attrait du plaisir, les jeux, les bals, les danses, les fêtes, les festins, les cabarets, les lieux de débauche, la compagnie des filles, des rendez-vous, des tête-à-tête avec des personnes d’un sexe différent. Voilà les appas que le démon présente aux jeunes garçons pour les tenter ; voilà les moyens dont il se sert pour les séduire et les entraîner dans la perdition. Mon Dieu ! qu’il faut être sur ses gardes pour échapper à ses poursuites ! que le nombre de ceux qui tombent dans les filets du démon est grand ! qu’il faut de précaution, de vigilance, de force pour vaincre les tentations du démon !

C’est l’ennemi de Dieu et le nôtre. Il faut, comme dit saint Paul, s’armer des armes de la foi ; il faut combattre contre lui avec force. Ce n’est que ceux qui auront combattu comme il faut qui remporteront la couronne. Il faut repousser les traits enflammés de cet esprit infernal. Il faut prendre le bouclier de la foi, la cuirasse de la justice, la ceinture de la chasteté, le glaive de la parole de Dieu ; il faut s’armer du signe de la croix ; il faut se fortifier par le secours de la prière, de la pénitence. Voilà les armes avec lesquelles les jeunes garçons peuvent terrasser le démon et remporter sur lui une victoire complète, et mériter la couronne de gloire que Dieu a promise à ceux qui auront vaincu les ennemis du salut, le démon, le monde, et la chair. C’est pourquoi saint Jean félicite les jeunes gens d’avoir vaincu le malin esprit. Chaque fois que vous serez assailli par quelque tentation d’impureté, ayez recours à Jésus-Christ et dîtes-lui : " Jésus, mon Sauveur, venez à mon secours ; venez avec vos plaies, votre croix, votre couronne d’épines, et tous les instruments de votre passion ; venez terrasser le démon sous mes pieds ; venez avec votre sainte Mère, les anges, et les saints ; venez me délivrer, me visiter, me consoler, me fortifier ".

Le temps de la jeunesse est le temps le plus précieux et le plus dangereux, le plus précieux parce qu’alors on peut faire beaucoup de bien ; on a des forces, de l’ardeur, du courage, de l’activité pour faire toutes sortes de bonnes œuvres. On peut jeûner, faire pénitence, rendre service au prochain. On peut le voir par ce qu’ont fait tant de jeunes saints. Avec quel courage saint Étienne, animé par la grâce, ne résista-t-il pas aux juifs ? Il fit des merveilles et des prodiges, il souffrit le martyre avec une magnanimité héroïque ; il pria pour ses bourreaux avec une charité ardente. Saint Laurent, saint Vincent suivirent son exemple ; il n’y eut point de tourment si affreux qu’ils ne surmontassent. Saint Casimir eut la constance de pratiquer la plus vigoureuse abstinence au milieu des délices de la Cour, et il aima mieux mourir que de blesser sa pureté. Saint Thomas d’Aquin, tenté par des femmes que le démon suscitait pour lui enlever le trésor de sa chasteté, les mit en fuite par le signe de la croix et par une généreuse résistance. Voyez quelle austère pénitence et que de mérites le Bienheureux Pierre de Luxembourg s’est acquis en si peu de temps. Il est mort à dix-huit ans, comblé de bonnes œuvres et de vertus. Voyez le vénérable Labre, mort de notre temps à l’âge de trente-sept ans qu’il a passés dans les jeûnes, les prières, et les veilles. Combien d’austérités n’a-t-il pas exercées, combien de bonnes oeuvres n’a-t-il pas pratiquées dans un âge tendre et en si peu d’années ? Voilà les modèles que vous devriez imiter selon vos forces et selon la mesure de la grâce que Dieu vous donne, plutôt que les libertins dont vous suivez les exemples. C’est donc un temps précieux que celui de la jeunesse puisque l’on peut faire tant de bien. Ainsi, employez vos forces, vos talents, votre santé, et la vigueur de votre âge à faire tout le bien possible. Quelle consolation pour un chrétien d’avoir passé sa jeunesse dans la piété, l’innocence, et la pratique de toutes les vertus ! Mais quel chagrin, quel remords, et peut-être quel désespoir, quelle désolation quand, repassant dans son souvenir le temps de sa jeunesse, on voit qu’on a consumé la fleur de son âge, les plus belles années, dans la débauche, l’ivrognerie, la crapule, et l’impureté ! Car, comme on peut faire beaucoup de bien dans sa jeunesse si on embrasse le parti de la vertu, on peut aussi faire de très grands maux si on se tourne du côté du vice. Voyez que de désordres et d’abominations ne commettent pas des garçons libertins. Ils sont en quelque sorte pires que les démons mêmes, puisque souvent ils font plus de mal que les démons. Ils s’excitent mutuellement et s’enhardissent pour commettre toutes sortes de crimes. Ils ont l’impudence de se faire honneur et de se vanter de leurs infamies, mettant ainsi leur gloire dans ce qui devrait les couvrir de honte et de confusion. Ils ne rougissent de rien. Non seulement ils font le mal eux-mêmes, mais ils ont l’âme assez noire et assez cruelle pour y porter et engager les autres. Ils tentent les âmes, ils séduisent les jeunes personnes du sexe. Ces âmes innocentes que Jésus-Christ a rachetées au prix de son sang, ils les arrachent de ses mains pour les livrer au démon ; ils leur ravissent le riche trésor de la grâce et de la chasteté ; ils leur insinuent le poison mortel de la corruption et de l’impureté. Si ces pauvres filles ont assez de vertu pour résister à leurs attaques, il y en a qui sont assez malheureux pour les solliciter et les presser violemment à consentir à leur infâme passion. N’est-ce pas être pire que le démon ? Car après tout le démon tente les âmes par des suggestions, mais il ne les force pas, il ne les violente pas comme font ces garçons libertins, qui surpassent par conséquent en malice le démon même.

Malheureux qui pervertissez ainsi les âmes, tremblez à la vue du compte terrible que vous rendrez à Dieu au grand jour du Jugement. Alors, Jésus-Christ vous redemandera ces âmes que vous lui avez ravies pour les livrer au démon et tous les crimes qu’elles ont commis depuis que vous leur avez appris le mal retomberont sur vous, et elles vous maudiront à jamais dans les enfers et vous crieront sans cesse : " Malheureux, perfide, séducteur, c’est toi qui m’a perdue, c’est toi qui es le bourreau de mon âme, c’est toi qui m’a damnée ".

Non, il n’est pas possible de concevoir les terribles châtiments que Dieu exercera sur ceux qui auront ainsi été les homicides des âmes. C’est un des péchés qui crient vengeance au ciel. Il semble que Dieu devrait lancer sa foudre et écraser sur le moment ces impies et ces libertins. Mais sa patience arrête son bras vengeur ; il les supporte par une miséricorde infinie, il les attend à la pénitence. Mais s’ils abusent de sa patience ils s’amassent un trésor de colère pour le grand jour des vengeances. C’est le jour du Jugement, que l’écriture appelle le jour, et le grand jour, du Seigneur, jour terrible, jour de frayeur. Libertins, impies, séducteur, corrupteurs des âmes, à présent que vous contentez vos désirs criminels en vous livrant à tous les dérèglements auxquels la fougue de vos passions vous porte, ce sont là vos jours, des jours de plaisirs, des jours de divertissements. Mais le jour du Seigneur viendra. Il viendra pour vous juger, vous punir, et vous confondre. Maintenant c’est votre temps, le temps d’une jeunesse libertine et corrompue ; ce temps de débauches et de crimes, c’est votre temps. Mais attendez. Dieu aussi aura son temps. Le temps passera, l’éternité viendra, et Dieu aura toute cette éternité pour vous punir et pour se venger. Alors vos joies vaines et criminelles seront changées en tristesse, en douleurs, en frémissements, en regrets, et en désespoir, quand vous vous verrez plongés dans un feu dévorant. C’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents. Oui, vous brûlerez à jamais dans les enfers si vous ne vous convertissez pas, si vous ne réparez pas vos désordres, et si vous ne faites tout ce qui dépend de vous pour ramener dans la voie du salut ces pauvres âmes que vous avez séduites. Vous les avez jetées dans le précipice ; vous devez les en retirer, et employer pour cela tous les moyens imaginables, prières, jeûnes, avis salutaires, exemples édifiants, messes et aumônes. Il n’y a rien que ne deviez faire pour la conversion de ces âmes que vous avez fait tomber dans le péché. Fallût-il donner tous vos biens et sacrifier votre vie même, vous devriez être dans la disposition de le faire pour sauver ces malheureuses victimes que vous avez immolées à la fureur de votre brutale passion. Et, quoi que vous fassiez, vous ne devez jamais être tranquilles sur ce sujet, car il est aisé de faire le mal mais bien difficile de le réparer. Cependant, sans cette réparation de vos scandales, vous brûlerez dans les feux de l’enfer. Vous l’avez bien mérité puisque c’est librement et volontairement que vous avez voulu vous damner. Mais je plains encore bien plus le sort de ces personnes faible que vous avez entraînées comme malgré elles dans vos désordres et votre damnation.

Encore une fois, combien de péchés, combien de crimes ne commettent pas les garçons débauchés ? Entre autres, ceux qui louent les violons, qui mènent les danses, ils sont causes de toutes les mauvaises pensées, des désirs criminels, des paroles impures, des regards déshonnêtes, des libertés honteuses, des abominations horribles qui se commettent dans ces assemblées détestables où le démon triomphe, où la pudeur rougit et la vertu fait naufrage. Combien d’infamies ne commettent pas ces coureurs de nuit qui, fuyant la lumière et aimant les ténèbres, vont trouver des personnes du sexe jusque dans leur chambre pour opérer dans le secret et les ténèbres des abominations et des infamies, que Dieu mettra au grand jour et qu’il révélera à la face du ciel et de la terre. Combien de crimes et désordres ne commettent pas ces garçons libertins dans les cabarets et les lieux de débauches, dans les fêtes et les festins ! Jurements, blasphèmes, obscénités, ivrogneries, profanations des fêtes et dimanches, batailles, mutilations, meurtres, il n’y a rien d’horrible dont ils ne soient capables dès qu’ils s’abandonnent à la fureur d’une passion effrénée qui les transporte.

Combien de vols, d’injustices, de rapines qui se font encore de la part des garçons ! Les enfants dérobent en cachette à leurs pères et mères ; les domestiques volent en secret à leurs maîtres ; ils laissent périr leurs biens par négligence ; ils dévastent les blés, les prairies avec leurs bestiaux ; ils s’excitent mutuellement à aller prendre de la volaille ou des fruits. Ils se plaisent même à faire, comme on dit, le mal pour le mal. Il est donc vrai que le temps de la jeunesse est le plus dangereux, comme il est le plus précieux, dangereux pour les méchants, précieux pour les bons.

Dieu, qui veut les prémices de toutes choses, agrée surtout le culte et l’hommage qu’on lui rend dans le premier âge. C’est pour cela que le démon, ennemi de Dieu et jaloux de sa gloire, fait tout pour détourner les jeunes gens du service de Dieu et pour les plonger dans le vice et les réduire sous sa cruelle tyrannie. Comme il sait que les premiers sentiments, les premières affections d’un enfant qui commence à avoir l’usage de la raison, doivent se porter vers Dieu, il tâche de les tourner vers le mal, vers le péché, vers le monde.

 

Tentations du démon pour perdre la Jeunesse

Moyens de les surmonter

 

PREMIÈRE TENTATION :

l’impureté

Une des plus terribles tentations que le démon suscite aux jeunes garçons, c’est celle de l’impureté, qui entraîne chaque jour des milliers d’âmes dans les enfers. Comme la jeunesse est amatrice du plaisir sensuel, le démon lui propose le plaisir infâme de l’impureté comme une amorce pour l’attirer à lui, la séduire et la corrompre ; et quand un jeune homme est une fois engagé dans cette honteuse passion, il a toutes les peines imaginables de s’en défaire. Nous lisons dans l’évangile qu’un père amena son fils à Jésus-Christ pour le délivrer d’un démon qui le possédait. Dans l’absence du Sauveur, cet homme présente son fils aux disciples pour le délivrer, mais ils ne purent chasser ce démon opiniâtre, qui était un démon d’impureté. Lors même que Jésus-Christ vint et commandait à ce démon de sortir, il jetait ce jeune par terre, écumait, et faisait des contorsions. Le Sauveur permit ces résistances de l’esprit impur pour nous apprendre combien il est difficile de le chasser quand il s’est une fois emparé du cœur des jeunes gens. Les disciples demandèrent au Sauveur pourquoi ils n’avaient pu chasser ce malin esprit. C’est, leur répondit-il, que cette espèce de démon ne se chasse que par le jeûne et la prière.

Voilà les armes qu’il faut employer pour vaincre et chasser le démon et la tentation d’impureté : c’est la prière, le jeûne, la mortification des sens. Aussitôt qu’on sent quelque attrait pour ce vice infâme il faut penser à la Passion du Sauveur, regarder au moins en esprit Jésus-Christ crucifié et se dire à soi-même : " Comment, malheureux que je suis, voilà mon Sauveur et mon Dieu qui souffre des tourments inexprimables dans son corps pour expier mes péchés, et moi je voudrais me livrer à des plaisirs honteux, et crucifier Jésus-Christ de nouveau ? ". Il faut penser à la flagellation de Jésus-Christ et faire réflexion que c’est pour expier les voluptés charnelles que Jésus-Christ a souffert cette cruelle flagellation dans son corps, et que c’est ouvrir les plaies du Sauveur et le flageller de nouveau que de se livrer à l’infâme passion de l’impureté ou par des attouchements déshonnêtes, ou par des libertés criminelles, ou quelqu’autre crime que ce soit, commis seul ou avec d’autres personnes d’un même sexe ou d’un autre sexe, circonstances qui changent l’espèce et qu’il faut déclarer en confesse. Pour vaincre la tentation il faut pratiquer les mortifications corporelles, porter des instruments de pénitence. " Je châtie mon corps ", disait saint Paul. Dans la tentation il faut faire souffrir son corps et surmonter les charmes du plaisir par la violence de la douleur. C’est ainsi que saint Benoît surmonta une furieuse tentation que le démon excitait contre lui, en se roulant dans des épines. Un saint solitaire se délivra de la même tentation en mettant ses pieds sur des charbons ardents : " Éprouve ", se disait-il en lui-même, " si tu pourras souffrir les feux de l’enfer ". Pour conserver le précieux trésor de la chasteté il faut demander cette vertu à Dieu, car c’est un don de Dieu, qu’on ne peut avoir de soi-même. Il faut avoir une dévotion spéciale aux Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, exposer fidèlement ses tentations à son confesseur pour s’humilier et demander des avis salutaires. Il faut avoir aussi une grande vigilance sur tous ses sens, sur ses yeux pour ne pas se permettre des regards trop libres, sur ses oreilles pour les fermer à des paroles impures, à des chansons déshonnêtes, sur ses mains pour ne prendre aucune liberté, surtout avec les personnes d’un autre sexe, enfin, ne se permettre aucune familiarité avec elles. Car c’est encore là une tentation bien dangereuse pour les jeunes gens.

 

SECONDE TENTATION :

les amitiés charnelles et les liaisons sensuelles

avec les personnes d’un sexe différent

Voilà le grand écueil de la jeunesse, la familiarité avec les personnes d’un sexe différent, qui est la source de tous les désordres, car les plus grands crimes qui se sont commis en matière d’impureté ont pris naissance dans ces amitiés tendres et sensuelles. D’abord ce n’était qu’une amitié honnête, fondée même, si vous le voulez, sur quelques bonnes qualités humaines, mais elle dégénère bientôt ; le démon et la passion s’y mêlent bien vite. D’innocente et de naturelle qu’elle paraissait, dans peu de temps elle devient charnelle et impure. On ne se permet d’abord rien qui ne soit conforme à l’honnêteté et à la bienséance ; mais bientôt on prend des libertés indécentes, et on en souffre de criminelles. Ainsi on va d’abîme en abîme, de précipice en précipice, et on tombe dans les plus grands excès. La passion de l’impureté fait des progrès si rapides qu’il ne faut souvent qu’une entrevue, qu’une conversation, pour ternir et altérer la sainte vertu de pureté et souiller son âme par l’infâme péché d’impureté. Point de vertu si délicate que celle de la chasteté. C’est un miroir, une glace, qu’on souffle, gâte, et ternit. Point de passion plus dangereuse que celle de l’impureté, car en cette matière il n’y a point de petit péché. Dès qu’il est volontaire il est toujours mortel. Pensées, désirs, sentiments, mouvements, attouchements, baisers lascifs, libertés indécentes, dès que tout cela est volontaire et qu’on cherche en cela une volupté, une satisfaction charnelle, ou qu’on la sent et qu’on s’y plaît, qu’on s’y arrête de propos délibéré, c’est un péché mortel.

Ainsi, point de remède plus efficace contre ce malheureux penchant que la fuite et l’éloignement des occasions. Ainsi, chère jeunesse, voulez-vous être pure et chaste ? Évitez, fuyez toutes les personnes du sexe. Et si, par état, vous êtes obligé de travailler avec elles, veillez sur votre cœur et sur vos sens de peur que le démon n’y glisse avec quelque amitié spécieuse le poison subtile de l’impureté.

Les païens mêmes sentent l’extrême danger qu’il y a dans la proximité des deux sexes. C’est pour cela que les idolâtres policés ne permettent aucune familiarité entre les deux sexes, pas mêle à l’occasion du mariage. Dans dix ans que j’ai demeuré en Chine je n’ai jamais vu des garçons jouer, badiner avec des filles, ni prendre avec elles aucune liberté, qu’une seule fois, bien rapidement, et ça a été une chose extraordinaire. Lorsqu’il est question de mariage, ce sont les pères et mères qui font tout, et le futur époux n’entre dans la maison de son épouse qu’une fois chaque année, au nouvel an ; et il ne la voit pas, mais il visite et salue seulement son père et sa mère. Cependant ce sont des païens, qui sont esclaves du démon, et qui seront éternellement damnés s’ils ne se convertissent en embrassant la vraie religion. Les païens ont donc connu le danger des entrevues des deux sexes. Ils y ont pourvu en les empêchant et en y mettant des barrières que la bienséance ne permet pas de franchir. Cela ne doit-il pas faire rougir des chrétiens qui sont en cela pires que les païens ? Ces libertins qui fréquentent le sexe, qui se donnent des rendez-vous, qui se permettent des tête-à-tête, des familiarités, des libertés dont les païens rougiraient, et qui sont la source de mille pensées, désirs, affections, mouvements déréglés, de mille abominations dont le ciel est témoin, et qui seront révélées et manifestées au grand jour du Jugement. Cependant, se laissant aveugler par la passion, ils tâchent de se persuader qu’il n’y a pas de mal à cela, que ce sont des badinages permis, des amusements honnêtes, des récréations innocentes. Il faut, disent-ils, que la jeunesse se passe, mais dans le bien, dans la pureté, la chasteté, la bienséance et l’honnêteté, et non dans le crime, la débauche et l’impureté.

Mais on peut se marier ! Oui, assurément. Saint Paul dit que ceux qui n’ont pas le don de continence n’ont qu’à se marier, qu’il vaut mieux se marier et éteindre dans un légitime mariage les feux de la concupiscence que d’en être perpétuellement brûlé et que de tomber dans l’impureté. C’est donc bien fait de vous marier, quand Dieu vous appelle à l’état du mariage. Et je conseille, suivant la doctrine de saint Paul, aux jeunes garçons qui ne peuvent vivre dans le célibat, de sa marier ; le plus tôt sera le mieux. Mais il faut se marier en chrétien, et non pas en païen ; par religion et non par passion. Il faut se préparer au sacrement de mariage par des intentions pures. Il faut embrasser l’état du mariage pour accomplir la volonté de Dieu, pour se retirer des dangers de la jeunesse, pour être en état de recevoir la grâce du sacrement, si nécessaire pour la sanctification des époux. Voilà comme il faut se préparer au mariage, par des motifs purs et de saintes dispositions, et non par des libertés criminelles, des pensées, des désirs impurs, et des actions indécentes, qui attirent la malédiction de Dieu sur les mariages et sont la source des désordres qui règnent dans les mariages. Rien n’est permis avant le mariage qu’une amitié honnête, qui tend à unir les époux selon Dieu. Puisque les mariages des bons chrétiens sont faits dans le ciel, comme on dit fort bien, un garçon pieux qui veut se marier en chrétien doit demander au Seigneur qu’il lui donne une épouse sage avec laquelle il puisse faire son salut, et qui soit en état d’élever des enfants dans la crainte du Seigneur.

C’est une maxime constante dans la morale chrétienne qu’il faut éviter les occasions de péché, soit qu’elles le soient d’elles-mêmes, ou à cause de la faiblesse de celui quoi s’expose au danger. On ne peut donner l’absolution à une personne qui n’est pas résolue d’éviter l’occasion prochaine du péché, c’est-à-dire, qui ne veut pas quitter ou éviter une occasion qui, eu égard aux circonstances et surtout à sa faiblesse en particulier, la fera tomber dans un péché mortel. Le Saint-Esprit dit que celui qui aime le péril y périra. Voilà pourquoi il dit dans l’acte de contrition : Je fais un ferme propos de n’y plus retomber et d’en éviter les occasions. Or, la fréquentation des personnes du sexe, les liaisons, les familiarités que l’on contracte avec elles sont l’occasion et la source de mille péchés. Ainsi tous les garçons chrétiens qui veulent faire leur salut et approcher des sacrements doivent absolument les éviter.

Un grand motif de fuir toutes les conversations et entrevues dangereuses, c’est que les garçons répondront devant Dieu de tous les péchés qu’ils occasionnent, et qu’ils font commettre aux personnes qu’ils ne rougissent pas de fréquenter. Ils répondront de toutes les pensées, désirs, sentiments, abominations secrètes qui se conforment dans l’âme et souvent dans le corps. Quel terrible jugement n’auront pas à subir ces libertins corrupteurs du sexe ! Quel compte n’auront-ils pas à rendre ! S’ils ont fait tomber malheureusement des personnes sages dans le péché et qu’ils leur aient ravi leur honneur, ils sont obligés de les épouser, si elles le veulent, ou de réparer tous les torts qu’ils leur ont fait, ainsi qu’à leurs parents, tant par rapport à leur réputation que par rapport à leur fortune. Et pour leur âme, qu’ils ont tuée par le péché, ils doivent tâcher, comme on a déjà dit, de les ramener dans le bon chemin ; en priant, en faisant dire des messes pour elles, et en leur faisant donner par des personnes prudentes des avis salutaires qui les portent à confesser les crimes qu’ils leur ont fait commettre, et à les réparer par la pénitence. Voyez dans quel fâcheux embarras on se met en portant les autres au mal. On voit aussi bien des garçons sans pudeur, qui profèrent devant d’autres garçons et même devant des filles des paroles équivoques et qui tiennent des discours infâmes. Ils répondront devant Dieu de toutes les mauvaises impressions qu’ils auront occasionnées par ces propos indécents.

Enfin, ce qui est effrayant, c’est qu’il est si aisé de tomber dans l’impureté et très difficile de s’en corriger. Ceux qui s’y sont habitués multiplient leurs crimes presqu’à l’infini. Tout ce qu’ils voient, tout ce qu’ils entendent leur rappelle leur infâme passion. Ils commettent peut-être plus de cent péchés mortels par jour, en pensées, paroles, désirs, sentiments, et actions détestables. Dans cette matière, qui passe aisément du péché à l’habitude, l’habitude se change en une seconde nature. Hélas, qu’il est difficile de s’en défaire ! Qu’il faut pour cela d’efforts, de combats, et de sacrifices ! Le meilleur moyen, c’est la fuite des occasions, l’éloignement des personnes et des objets. Enfin, le démon de l’impureté, étant sorti d’une âme, va chercher sept autres démons plus méchants que lui, et ils viennent ensemble l’attaquer de nouveau, et s’ils peuvent y entrer, le second état de cette âme devient pire que le premier.

 

TROISIÈME TENTATION :

la sensualité, l’amour du plaisir, les jeux défendus,

l’ivrognerie, la gourmandise, l’intempérance

Notre-Seigneur a souffert trois sortes de tentations. La première fut celle de la sensualité et de la gourmandise, quand le démon lui dit, " Dites que ces pierres se changent en pain " (Mt 4, 1-10). La seconde fut celle de l’avarice, lorsqu’on lui montrant les royaumes du monde le tentateur lui dit, " Je vous donnerai tout cela si vous vous prosternez devant moi pour m’adorer ". La troisième fut celle de l’orgueil et de la présomption, lorsque l’esprit malin lui dit, " Jetez-vous en-bas, car il est écrit : Les Anges vous porteront dans leurs mains ".

Ce sont les trois grandes tentations de chaque âge, mais la tentation de la sensualité et de la gourmandise, des divertissements, des jeux, des plaisirs, est proprement la tentation de la jeunesse. L’avarice et l’attache aux biens temporels sont la tentation de l’âge viril, et l’orgueil et l’amour-propre sont de tous les âges. Ainsi les jeunes gens doivent donc combattre la tentation de la gourmandise et de la sensualité par le jeûne, l’abstinence, la mortification des sens. Ils doivent éviter surtout l’intempérance et l’ivrognerie, car c’est encore un vice bien difficile à corriger. Ils doivent fuir les cabarets, les ivrognes, aimer la retraite, combattre la dissipation par le recueillement. Au lieu d’aller dans la compagnie des libertins ils doivent fréquenter les églises et faire leurs délices d’être dans la compagnie de Jésus et de Marie, des anges et des saints, ou de converser avec quelques garçons sages et pieux, avec lesquels ils s’entretiendront de Dieu et du salut, faisant des saintes lectures et allant ensemble réciter le chapelet et faire des visites au Saint-Sacrement, s’encourageront mutuellement par de bons exemples, de bons conseils, à marcher dans la voie du salut, foulant aux pieds les vains plaisirs et méprisant les railleries, les critiques, et les mépris du monde.

Pour ce qui est des jeux, on ne les défend pas tous aux jeunes gens. On leur permet une honnête récréation entre eux, mais jamais avec les filles, et point de jeux de cartes, point d’assemblées nocturnes. Comme le temps qu’on passe au jeu, même permis et modéré, n’est pas le mieux employé, il faut l’abréger pour prolonger celui de la prière et du service de Dieu.

 

QUATRIÈME TENTATION :

l’impatience dans le travail, les emportements,

les jurements, et les imprécations

Le démon et le monde persuadent aux jeunes gens qu’il faut se mettre en colère et jurer pour exciter les animaux, que sans cela ils ne viendront à bout de rien. Erreur, abus ! Il y a eu de saints laboureurs, de saints artisans, qui ont toujours eu horreur du jurement, et il y en a encore à présent de vertueux qui ne jurent jamais. Cependant ils font leur ouvrage, ils labourent, ils moissonnent, ils remplissent leurs devoirs. Au lieu de jurer ils prient Dieu, ils bénissent Dieu dans leur travail, ils l’offrent à Dieu, ils en souffrent les rigueurs en esprit de pénitence. Ne sont-ils pas plus heureux, plus contents, que ces malheureux qui s’emportent, qui jurent et blasphèment le saint Nom de Dieu ? C’est le démon qui porte à cela, car il excite ses esclaves à blasphémer, à jurer contre Dieu ; et le Saint-Esprit qui habite dans les justes les porte à prier, à bénir, et à louer le Seigneur en tout temps et en tous lieux.

Ainsi, chrétienne jeunesse, changez vos jurements en prières, vos imprécations en bénédictions. Accoutumez-vous à prier sans cesse, et bénissez les saints Noms de Jésus et de Marie autant de fois que vous aurez prononcé de jurements et de malédictions. Et chaque fois que vous entendrez jurer les autres, vous offrirez à Dieu en réparation les adorations, les louanges, et les prières des anges et des saints.

Comme c’est surtout dans le temps de la jeunesse que les passion sont plus vives, c’est aussi dans cet âge qu’il faut s’appliquer à les connaître, à les vaincre, et à les dompter par la mortification intérieure et extérieure et par la pratique des vertus contraires. Car quand les passions sont encore faibles et naissantes on peut les vaincre aisément, ainsi qu’on peut plier un arbre quand il est encore jeune et tendre. Mais au lieu de résister à ses passions on les suit, on les contente. Elles se fortifient de telle sorte qu’elles nous maîtrisent, nous tyrannisent, nous réduisent en servitude. Et tout le reste de la vie on est esclave de ses passions, et elles nous précipitent dans toutes sortes de crimes et de désordres. Mais si un jeune homme s’est appliqué à vaincre ses passions dès qu’elles se sont fait sentir, dès leur naissance, il sera maître de lui-même, il aura la paix du cœur, il mènera une vie réglée, il sera saint et parfait. Car le vrai moyen de parvenir à la sainteté, qui est l’exemption de corruption, c’est la mortification des passions, c’est-à-dire, de nos mauvaises inclinations qui nous corrompent.

Enfin, une tentation fort ordinaire aux jeunes gens, c’est de quitter la paroisse pour aller se confesser ailleurs. Ils savent que leur pasteur, qui les connaît, les contiendrait dans le devoir et les empêcherait de se livrer aux désordres. Or, le démon pour leur donner une plus grande liberté de faire le mal les porte à secouer le joug en allant confesser à des prêtres relâchés qui ne les connaissent pas et qu’ils ne craignent pas, afin de pécher plus librement. Voilà comme le démon emploie toutes sortes de stratagèmes pour séduire et perdre la jeunesse ; et il y en a bien peu qui échappent à ses poursuites.

 

Devoirs des enfants

envers leur père et mère

Le premier devoir des enfants, c’est un amour filial qui soit surnaturel et méritoire s’ils envisagent leur père et mère comme leur tenant la place de Dieu, et s’ils les aiment dans cette vue, en Dieu et pour Dieu.

Le second, c’est un respect profond, toujours dans cette considération que nos parents sont revêtus de l’autorité de Dieu.

De ce respect suit un troisième devoir, qui est l’obéissance en tout ce qui n’est pas contraire à la loi de Dieu, car il faut obéir aux pères et mères dans les choses qui les concernent, et obéir aux pasteurs dans ce qui regarde Dieu et la conscience.

Le quatrième devoir des enfants est la reconnaissance pour tant de bienfaits qu’ils ont reçus de leurs pères et mères. On voit cependant des enfants dénaturés qui n’ont pour leurs pères et mères que de l’ingratitude, de la dureté, des manières insolentes, des tons de voix élevés, des répliques hautaines, et des paroles dures. Il y en a qui portent l’insolence et la méchanceté jusqu’aux injures, aux menaces, aux malédictions, jusqu’à leur souhaiter du mal. Dans tout cela on pèche plus ou moins, selon que la matière est considérable. C’est pécher mortellement que de désobéir aux pères et mères en matière essentielle, comme par exemple lorsqu’ils défendent la fréquentation d’une personne du sexe ou le cabaret. C’est péché mortel que de leur donner du chagrin en chose importante ; et en matière d’injures et de menaces il est très facile de pécher mortellement quand il est question des pères et mères, qui nous tiennent la place de Dieu. L’écriture est pleine de reproches, de malédictions, contre les enfants qui offensent leurs pères et mères. Dieu permet souvent, pour les punir, que leurs propres enfants les traitent aussi indignement qu’ils ont traité leurs pères et mères.

Quand les pères et mères sont malades, qu’ils deviennent vieux, caducs, infirmes, c’est alors que les enfants doivent redoubler leurs soins, leurs attentions, pour les soulager et les consoler. Et c’est une chose odieuse que des enfants se disputent entre eux à qui fera le moins pour leur père et mère communs. Il y en a qui les regardent comme un fardeau, dont ils voudraient déjà être débarrassés ; d’autres portent l’inhumanité jusqu’à leur désirer la mort, ou jusqu’à s’en réjouir, pour en être délivrés ou pour jouir de leur succession : ce sont des monstres dans la nature. Les enfants sont aussi obligés de faire administrer les sacrements à leurs parents, de les aider à bien mourir, de les faire enterrer décemment, et de prier et de faire prier pour eux après leur mort.

 

Devoirs des domestiques

Les devoirs des domestiques consistent à servir leurs maîtres avec fidélité comme Jésus-Christ même, rapportant à Jésus-Christ, qui est le souverain Maître, les services, l’obéissance, et le respect qu’ils rendent à leurs maîtres charnels, bons ou méchants. Et s’ils les servent ainsi par des motifs surnaturels et en vue de Jésus-Christ, le Sauveur se tiendra fait à lui-même ce qu’ils font pour leurs maîtres. Ils ne doivent pas être serviteurs à l’œil, comme dit saint Paul, servant leur maître en leur présence et les trahissant en leur absence. Mais ils doivent toujours faire leurs devoirs, soit qu’ils soient vus ou qu’ils ne soient pas vus, car Dieu les voit toujours. Ils doivent garder le secret sur ce qui se passe dans la maison, sans parler, mais sans se plaindre de leurs maîtres, et sans donner atteinte à la réputation de personne. Cependant, s’il se passait quelque désordre, ils doivent avertir le pasteur afin qu’il y mette ordre. Ils doivent avoir soin de tous les biens du maître, ne rien prendre en cachette sous prétexte que les gages ne sont pas assez forts.

Il convient aussi que les jeunes gens honorent les vieillards. Je les conjure surtout, de même que les hommes, de faire une sérieuse attention à ces paroles du Sauveur : " Prenez garde que, lorsque le Fils de l’Homme viendra pour vous retirer de ce monde, vos cœurs ne soient appesantis et plongés dans la crapule et les sollicitudes de ce monde " (Lc 21, 34). Ils ne doivent donc pas demeurer dans l’état de péché mortel, mais se tenir toujours prêts à paraître devant Dieu, car ils sont, plus que personne, exposés à mille dangers de mort subite. L’on en voit tous les jours mourir par mille accidents. Les uns sont écrasés sous une voiture, ou sous une pièce de bois, ou par une chute ; les autres sont tués dans une émeute, dans une bataille, dans une fête de village, ou au sortir d’un cabaret dans l’ivresse ; on en a vu qui ont été froissés et foulés aux pieds des chevaux, ou éventrés par les cornes des taureaux ; d’autres se sont noyés en tombant dans une rivière ou dans un lac. Ils doivent donc se tenir toujours en état de grâce.

 

Saintes résolutions que doivent prendre les garçons,

en forme de prière

Mon Dieu, je viens, comme l’enfant prodigue, me prosterner à vos pieds pour pleurer les égarements de ma jeunesse. Je retourne à un Père plein de miséricorde. Je reconnais mes désordres. J’ai péché contre le ciel et contre vous, mon Dieu, mon Père, mon Sauveur. Le nombre de mes péchés surpasse celui des cheveux de ma tête. Mais je quitte dès ce moment tous mes désordres, l’impureté, l’ivrognerie, la débauche. Je me propose d’éviter avec soin les fêtes des villages, les cabarets, la compagnie des libertins ; et les amitiés sensuelles avec les personnes du sexe, les paroles, les chansons déshonnêtes, les jurements, la colère, les emportements, les disputes et les batailles. En un mot, je renonce à tout péché et à toutes occasions prochaines de péché. Je renonce à tout ce qui vous offense. Je quitte tout ce qui peut vous déplaire pour me donner à vous sans réserve.

Oui, mon Dieu, je me consacre à vous sans partage et sans réserve. C’est vous seul que je veux servir, aimer, et bénir. J’offre ma jeunesse à Jésus-Christ pour honorer la sienne, et je vous demande humblement la grâce de la passer dans la piété, la sainteté, sans commettre jamais aucun péché mortel, croissant tous les jours en sagesse, en grâce, et en vertu à mesure que j’avancerai en âge. Car je veux faire dans ma jeunesse provision de bonnes œuvres et de mérites, mortifier mon corps, sanctifier mon âme. Je renonce à tous les vains plaisirs et à tous les divertissements du monde, aux danses, aux bals, aux jeux défendus, et à toutes les joies profanes et criminelles. Je mettrai désormais mon plaisir à servir et à aimer Dieu, à honorer sa sainte mère, à invoquer et à imiter les saints, à fréquenter les églises, à approcher des sacrements, à faire de saintes lectures, à bénir le saint Nom de Dieu en tout temps et en tous lieux. Jamais paroles impures ni jurements ni malédictions ne sortiront plus de ma bouche consacrée par la sainte communion. Si j’en entends proférer par mes compagnons j’en demanderai pardon à Dieu. J’offrirai pour les expier et les réparer les paroles saintes qui sont sorties de la bouche de Jésus et de Marie, et les louanges des anges et des saints. Je veux aimer, honorer mes parents, mes supérieurs, par des motifs de religion, en vue de Dieu et par rapport à Dieu. Je veux m’acquitter de tous mes devoirs, faire mon travail, souffrir les peines de mon état dans l’intention de plaire à Dieu, de procurer la gloire de Dieu et le salut de mon âme.

Telles sont, ô mon Dieu, les résolutions que je prends aujourd’hui aux pieds de vos autels. Je vous les offre ; je vous prie de les bénir, de les confirmer, de me donner la grâce de les exécuter fidèlement jusqu’au dernier soupir. Je prie la sainte Vierge de me prendre sous sa protection. Je prie les anges de me conduire dans la voie du salut et me préserver des pièges et des attaques du démon.

J’invoque spécialement saint Étienne, saint Laurent, saint Pierre de Luxembourg, saint Louis de Gonzague, saint Stanislas Kosca, et tant d’autres saints qui se sont sanctifiés dans leur jeunesse. Je les prie de m’obtenir toutes les grâces nécessaires pour éviter tous les dangers et les tentations de la jeunesse et pour pratiquer toutes les vertus et les bonnes œuvres convenables à cet état, surtout la chasteté, et pour conserver ce précieux trésor de la chasteté qui rend l’homme semblable aux anges. Je prends la résolution de ne jamais toucher ni même regarder passionnément aucune personne du sexe. Je renonce déjà par avance à toutes pensées impures, à toutes inclinations déréglées qui pourront me survenir dans la suite. Je veux que Jésus et Marie possèdent seuls mon cœur, mon âme, et mon corps, sans partage et sans réserve, pour le temps et l’éternité. Ainsi soit-il.

Avec Permission des Supérieurs

 

Présentation des Instructions

 

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