INSTRUCTION POUR LES FILLES
Les Vertus quelles doivent pratiquer
La première et la principale vertu, cest la charité. Il faut avoir pour Dieu un amour souverain, un amour de préférence, et un amour surnaturel pour le prochain. Tout chrétien, de quelque état et de quelque sexe quil soit, est obligé à cela. Tout le monde doit avoir pour Dieu et pour le prochain un amour affectif et effectif. Lamour affectif consiste dans les affections du cur, et lamour effectif se produit dans la conduite et les actions. Lamour affectif désire et veut la gloire de Dieu et le salut du prochain ; et lamour effectif cherche et emploie des moyens pour procurer lun et lautre. Or lamour effectif convient plus aux hommes et aux garçons, parce quils ont plus de force pour agir et souffrir pour la gloire de Dieu, mais lamour affectif convient mieux aux filles et aux femmes, parce quelles ont cur plus tendre et plus affectueux. Elles sont portées naturellement à aimer. Cette tendresse du cur si propre au sexe est bonne quand elle se tourne du bon côté, quand elle se porte vers Dieu, vers la sainte Vierge, vers le Sacré-Cur de Jésus et de Marie ; mais elle est très dangereuse quand elle se porte vers la créature. Ainsi les filles dès leur jeunesse doivent consacrer leur cur, avec toute sa tendresse et toutes ses affections, à Jésus et à Marie. " Elles doivent ", comme dit saint François de Sales, " confire au sucre de la dévotion la délicatesse de leur tempérament ", cest-à-dire quelles doivent saffermir, se consolider dans la piété et la vertu par une dévotion solide, et se prémunir contre la légèreté et linstabilité de leur âge et de leur sexe par la force de la grâce et la constance de leur résolution. Ainsi, mes chères filles, puisque Dieu vous a donné un cur tendre et propre à aimer, aimez, mais non pas les parures ni les vanités du monde. Mais aimez Dieu qui est infiniment aimable ; aimez Jésus-Christ votre Sauveur, votre Rédempteur, qui vous a aimées jusquà mourir pour vous. Aimez la sainte Vierge, qui est si belle, si pure, si sainte, si pleine de vertu ; aimez la chasteté, la pudeur, la modestie, qui font lornement de votre sexe.
De
la ChastetéLa chasteté est une vertu qui, en nous inspirant de lhorreur et de léloignement pour linfâme péché dimpureté, conserve nos corps et nos âmes purs, intègres, sans tache, sans corruption. Cette vertu est si belle quelle rend lhomme semblable aux anges. Les vierges sont les amantes et les épouses de Jésus-Christ ; elles chanteront avec lAgneau un cantique que nulle autre ne pourra chanter, cest-à-dire quelles auront dans le ciel une gloire, une couronne spéciale, qui seront la récompense et le prix de leur virginité. Cest un article de foi que le célibat en lui-même est un état plus parfait que celui du mariage. Saint Paul en donne la raison : cest quune femme mariée est en quelque sorte partagée et divisée entre Jésus-Christ et son mari, entre Dieu et le monde, mais une vierge na quune intention, quun soin, quun but, qui est dêtre toute à Dieu, de lui plaire uniquement, et daimer sans partage Jésus-Christ, quelle a choisI pour son unique Époux. Mais il ne suffit pas dêtre vierge de corps, il faut lêtre de cur et desprit ; il faut embrasser cet état du célibat et y demeurer par des vues surnaturelles, pour plaire à Dieu et non pas pour plaire aux hommes, par religion et non pas par orgueil et par ostentation. Il faut être encore plus pure, plus sainte, plus chaste dans lintérieur, dans ses pensées, ses désirs, ses affections, ses sentiments devant Dieu quon ne le paraît pour la profession du célibat devant les hommes. Car la beauté de la fille de Dieu lui vient de son intérieur, dit lécriture. Aussi une femme mariée qui a plus de vertu et de charité quune vierge lui est préférable aux yeux du Seigneur.
La chasteté et la pudeur sont les trésors les plus riches, les plus estimables, et les plus beaux ornements des filles chrétiennes. Les Pères ont toujours regardé les vierges comme des fleurs qui ornaient lÉglise militante ; mais si la chasteté est une vertu brillante et éclatante, cest une vertu tendre et délicate, difficile à conserver. Les Pères la comparent à la glace dun miroir : un souffle suffit pour la gâter et la ternir. Cest-à-dire quun regard sensuel, une inclination vicieuse, une liberté, une familiarité, une parole équivoque écoutée avec plaisir, une conversation passionnée avec une personne dun sexe différent, une bagatelle selon le monde, mais qui est bien considérable aux yeux de Dieu, suffisent pour laltérer. Un rien en apparence peut corrompre le cur et ternir léclat de la sainte vertu de pureté. Cest pourquoi Dieu ; qui aime spécialement cette vertu dans les jeunes filles, leur a donné la pudeur comme la gardienne de leur chasteté, car la pudeur est une vertu qui nous inspire une sainte horreur de tout ce qui peut blesser la pureté. Voyez une jeune fille qui a conservé sa chasteté : elle rougira si elle voit, si elle entend, la moindre chose qui soit contraire à cette vertu. Cest la pudeur qui inspire aux filles cet éloignement des hommes et des garçons qui est naturel au sexe. Je dis, naturel au sexe, car je lai vu chez les païennes mêmes.
En Chine les femmes et les filles se tiennent toujours fort éloignées des hommes. Si un garçon est assis sur un banc une fille ne sy assiéra pas. Les femmes nont aucun commerce avec les hommes ; elles ont leur appartement à part dans lintérieur de la maison. Ainsi les filles et les femmes chrétiennes qui ont franchi les bornes de la pudeur jusquà se permettre des familiarités indécentes et des libertés criminelles avec les hommes et les garçons, et qui, loin de fuir leur compagnie, la recherchent, qui aiment à les voir, à en être vues, qui se parent pour leur plaisir, qui passent exprès devant eux pour attirer leurs regards, et qui jettent elles-mêmes sur eux des regards affectés et passionnés, quelquefois même dans les églises, ce qui est un sacrilège et une profanation des lieux saints, - ces filles qui, au lieu de craindre les caresses meurtrières des garçons, sen laissent toucher ou embrasser déshonnêtement, sont pires que les païennes, et font bien voir par cette conduite indigne de leur sexe quelles ont perdu toute pudeur et sont sur le point de perdre le précieux trésor de la chasteté. Car saint Jérôme appelle ces libertés, ces familiarités, les indices dune chasteté mourante.
Voyez la sainte Vierge, la Mère de Dieu, la reine des vierges, dont la pudeur surpassait celle des anges. Elle se troubla, elle craignit, elle trembla à la vue dun ange, parce quil avait la figure dun homme. Voilà votre modèle, vierges chrétiennes. Craignez et tremblez à la vue et aux approches dun homme ou dun garçon, quand même il aurait la modestie et la piété dun ange. Cest le propre des vierges, dit saint Ambroise, de craindre et de fuir les hommes. Elles doivent éviter le plus quil est possible leurs rencontres, leurs entrevues, et leurs conversations, encore plus leurs familiarités, leurs caresses. Elles doivent plus craindre dêtre touchées dun homme que dêtre mordues dun serpent venimeux, parce quun serpent ne blesse que le corps, et un garçon impudique, et même quelquefois un garçon sage en apparence, peut blesser et tuer, corrompre et infecter leur âme en y insinuant le poison mortel de limpureté. Le démon, qui a tenté Éve en lui persuadant que le fruit défendu était encore plus délicieux quil ne paraissait, séduit ainsi les jeunes filles en leur faisant accroire que les sales plaisirs de limpureté sont bien plus grands et plus délicieux quils ne les sont en effet. Il excite en elles de violents désirs den faire lessai, mais ensuite elles voient par une funeste expérience combien ils sont abominables et exécrables, et de combien de regrets et de peines, damertume, de honte et de confusion ils sont suivis dans cette vie même. Elles pleurent, elle gémissent, mais le mal est fait. Il eût fallu le prévenir par de sages précautions.
La modestie est aussi nécessaire aux filles pour conserver leur chasteté. La modestie est une vertu qui compose décemment notre corps, tous nos sens, et notre maintien, nos regards, nos gestes, nos démarches, de sorte quil ne paraisse rien en toute notre conduite qui ne soit honnête et qui nannonce la chasteté et la pudeur. Une fille chaste a les yeux baissés, lair modeste, la marche et la contenance graves.
Mais quand une fille a les yeux curieux, le port hardi, les gestes dissolus, quand elle est volage, dissipée, effrontée, libre dans ses paroles, quelle aime à rire, à jouer, à folâtrer, surtout si cest en présence des garçons, elle est odieuse à Dieu et aux anges, et elle devient un sujet de mépris et de risée aux hommes. Une fille chaste aime à se cacher plutôt quà se montrer ; elle aime la retraite et la solitude plutôt que les assemblées et les promenades publiques. Aussi la sainte Vierge était-elle seule dans sa chambre lorsque lange vint lui annoncer quelle serait Mère du Fils de Dieu. La modestie ne compose pas seulement tout le corps et les sens en les retenant dans la bienséance convenable, mais elle regarde encore les habits. Il faut quune fille shabille modestement, quon ne voie ni sa gorge ni ses épaules ni même ses bras que le moins quil est possible. Dans lantiquité la plus reculée les filles et les femmes se voilaient, comme elles font encore en Italie, en Espagne, et au Portugal. En Chine, qui est un pays idolâtre, les personnes du sexe sont toujours vêtues modestement ; leur habit est fermé jusquau menton, et cela dans leur travail même et dans les chaleurs les plus brûlantes.
Et ici dans un pays tempéré bien des filles et des femmes prétextent le travail et la chaleur pour ôter leur mouchoir
[Il sagit dun " mouchoir de cou ", sorte de fichu qui couvrait le cou et les épaules. Note de léditeur] et découvrir leur sein dune manière si indécente quelles feraient honte aux païennes. Elles font gémir les anges gardiens, témoins de leur immodestie. Je nai jamais eu bonne opinion dune fille immodeste dans ses vêtements, car cest un penchant malheureux pour limpureté qui les porte à se découvrir, à se montrer de la sorte, pour inspirer aux autres la passion qui les domine. Jexhorte et je prie toutes les femmes et les filles qui entendront ces instructions de shabiller modestement à lhonneur de la sainte Vierge, et de fermer leur mouchoir de manière quon ne puisse rien apercevoir dindécent. Elles diront en shabillant : Mon Dieu, jhabille mon corps, habillez mon âme, ornez-la de votre grâce et de vos vertus; je veux par la modestie de mes habits honorer la modestie de la sainte Vierge.Je les exhorte aussi à avoir une dévotion tendre et filiale envers la sainte Vierge et à se dévouer à son culte. Elles iront souvent se prosterner aux pieds de ses autels pour lhonorer, la prier, et demander par son intercession la grâce dimiter ses vertus, surtout sa pureté. Les filles, en se mettant sous la protection de la sainte Vierge, doivent mettre entre ses mains le précieux dépôt de leur chasteté, pour quelle le conserve pur et sans tache à travers tant de dangers où elles sont si misérablement exposées dans ce siècle corrompu. Elles doivent avoir devant les yeux la vie et les exemples de Marie ; elles doivent sunir à elle en tout ; elles doivent unir leurs intentions aux intentions de Marie, leur travail au travail de Marie, dautant plus que les occupations des filles sont semblables aux occupations de la sainte Vierge, qui a fait ce que font ordinairement les femmes et les filles dans leur ménage.
Ainsi les filles, en remplissant les devoirs de leur état, auront toujours Jésus et Marie devant leurs yeux. Quand elles allumeront le feu ou une lampe, elles demanderont que Dieu les éclaire par la lumière de sa grâce, et quil allume en elles le feu de lamour divin ; quand elles porteront du bois, elles penseront à Jésus-Christ portant sa croix ; quand elles arroseront, elles demanderont que Dieu fasse descendre dans leurs âmes la rosée céleste de la grâce pour lui faire produire des fruits dignes de la vie éternelle, de bonnes pensées, de saints désirs, de pieuses affections ; quand elles balaieront, elles demanderont que Dieu ôte de leur cur toutes les ordures des vices, et le remplisse de ses vertus ; quand elle laveront ou nettoieront du linge et des meubles, elles prieront Dieu de laver et purifier leur âme des souillures et des taches du péché ; quand elles causeront, elles dirigeront leur intention de telle sorte quelles se proposeront de bénir, louer, adorer, et aimer Dieu autant de fois quelles perceront leur toile de leur aiguille. Ainsi toutes les actions du ménage quelles feront en vue et en union de Jésus et de Marie, pour plaire à Dieu et par le motif des vertus chrétiennes, par humilité, par obéissance, et par mortification quand elles feront des choses qui répugnent à la nature.
Les filles doivent pratiquer dans leur maison paternelle, ou dans la maison de leurs maîtres, toutes sortes de vertus, une obéissance ponctuelle envers leurs pères et mères. Il y a cependant des filles orgueilleuses, et ce sont ordinairement celles qui sont gâtées et corrompues par des amitiés criminelles avec les garçons, qui prennent à légard de leurs mères des airs, un ton de hauteur et de mépris insupportables. Au lieu de shumilier, comme elles le devraient, devant une mère toujours respectable à leur égard parce quelle leur tient la place de Dieu et quelle est revêtue de lautorité de Dieu, elles la méprisent néanmoins, cette mère, qui leur a donné le jour. elles lui disent des paroles choquantes, injurieuses, surtout quand elle est dans un âge avancé ou dans un état dinfirmité où elles devraient redoubler envers elle et leurs soins et leur charité, pour lui procurer tous les secours et toutes les consolations convenables dans cette triste situation. Elles la rebutent, et au lieu dadoucir ses peines elles les augmentent par un surcroît de chagrin quelles lui causent.
Les filles doivent aussi conserver la paix, lunion avec leurs frères et surs et tous les gens de la maison, en évitant les rapports qui pourraient semer les discordes, en souffrant des paroles injurieuses, en cédant aux autres, en prenant la dernière place, en faisant les ouvrages que les autres ne veulent pas faire. Si elles font tout cela par un esprit de religion, elles peuvent sacquérir un trésor de mérites par la pratique de beaucoup de vertus, quelles peuvent exercer tous les jours dans mille occasion, dans les petites choses comme dans les grandes. Car il est dit dans lécriture que lÉpouse, cest-à-dire lâme fidèle, a plu à son Époux, cest-à-dire à Jésus-Christ, par un il et par un cheveu de sa tête, cest-à-dire par la pratique des grandes vertus et par sa fidélité dans les petites choses.
Voilà ce que les filles doivent faire, voilà les vertus quelles doivent pratiquer. Voyons maintenant les tentations quelles doivent éviter et surmonter.
Tentations
des FillesLa première tentation à laquelle les filles et les femmes sont sujettes, cest celle de lhypocrisie, qui fait quelles cherchent à plaire aux hommes, quelles désirent dêtre vues, estimées du monde. Les filles veulent être estimées de leur curé, de leur confesseur ; elles font souvent bien des bonnes uvres par complaisance pour lui, ou pour dautres semblables motifs ; quand elles prient elles sont bien aises quon les voie ; quand elles chantent des cantiques elles aiment quon les entende ; elles font bien des choses par ostentation, de sorte quelles nont guère ou point de mérite devant Dieu, parce quelles les font, non pour plaire à Dieu, mais pour plaire aux hommes, dont elles cherchent lestime et la considération. Ce quil y a de pire encore, cest quaprès être tombées dans certaines fautes honteuses, elles les cachent ou les déguisent en confession, de peur de perdre dans lesprit de leur confesseur la bonne opinion quelles croient sy être acquises. Il y a des milliers de filles et de femmes dans les enfers qui nont pas été des filles mondaines et libertines, mais sages et dévotes en apparence ; cependant elles sont damnées pour avoir caché leurs péchés en confession ou pour les avoir mal déclarés. Car, au lieu quil faudrait les avouer sincèrement, franchement, sans excuse ni déguisement, en reconnaissant sa faute, en se limputant, les filles rejettent tout sur les garçons et les femmes sur les hommes, de sorte quà les entendre elles sont innocentes lors même quelles sont les plus coupables. Si une fille qui est tombée dans quelques fautes avec une personne dun autre sexe voulait bien sexaminer devant Dieu, elle verrait que cest elle qui le plus souvent y a donné occasion, quelle la même cherché, quelle sest habillée pour lui plaire, quelle ne sest défendue que faiblement, et même quen se défendant elle a péché mortellement parce quelle prenait toujours plaisir aux libertés que le libertin prenait sur elle, et quelle consentait intérieurement aux sensations déréglées qui se passaient en elle. En tout cela, combien de péchés abominables, de pensées, de désirs, de sentiments impurs ? Combien dautres infamies que la pudeur ne permet pas de nommer ? Cependant, après tout cela, une fille ne dira rien en confesse ou presque rien, et si elle parle de péché, ce ne sera que des péchés des autres et non pas des siens. Grand Dieu, quelle confession ! Si le confesseur linterroge elle dira mille mensonges pour se déguiser et pour se disculper, et tous ces mensonges en confession sont autant de sacrilèges, puisquils profanent le sacrement. Ananie et Saphire avaient menti à saint Pierre, et comme il tenait la place de Dieu il leur dit : " Ce nest pas à un homme que vous avez menti, cest à Dieu, cest au Saint-Esprit " (Ac 5, 4).
Dieu a établi la confession pour humilier le pécheur par laveu sincère quil ferait de ses crimes, et cest à cet aveu humiliant que Dieu attache sa grâce. Ainsi, toutes les filles et les femmes qui se déguisent et qui refusent de faire ce sincère aveu de tous les péchés quelles ont commis, ou seules ou avec dautres du même sexe ou dun sexe différent, et de toutes les circonstances considérables qui changent lespèce du péché ou qui laugmentent, surtout si elles en sont la cause, ou qui, avouant leurs péchés, ne sen attribuent pas la faute, mais qui la rejettent sur dautres, qui ne disent pas franchement, " Je suis coupable, jai consenti à la tentation, jy ai pris plaisir, jy ai donné occasion par des manières enjouées, par des parures affectées, par des regards passionnés, par des nudités indécentes, par des airs mondains et dissipés, par des chansons profanes et des paroles trop libres dites et entendues dune manière à faire sentir quelles me plaisaient assez, enfin, par cent autres choses ".
Si, dis-je, les filles et les femmes navouent pas tout cela clairement, sincèrement, et tous les péchés, toutes les impuretés qui ont été les suites de tout cela, leur confession est nulle et sacrilège. Et si elles vont communier après cela, elles se rendent coupables de la profanation du Corps et du Sang de Jésus-Christ ; elles boivent et mangent leur condamnation. Mon Dieu ! Que de confessions et de communions indignes de la part des filles et des femmes que la honte empêche de découvrir leurs péchés ! Cest quand il était question de les commettre quil fallait en avoir honte. Mais quand il est question de les confesser cest une gloire de les manifester. Et si vous ne pouvez pas supporter une légère confusion devant un homme, et un homme qui tient la place de Dieu, un homme qui mourrait plutôt que de déclarer rien de ce que vous lui dites en confesse, comment pourrez-vous souffrir la honte et la confusion de voir vos péchés infâmes dévoilés et manifestés au dernier jour à la face du ciel et de la terre, en présence des anges et des hommes ?
Déclarez-les donc sans délai ; confessez les plus énormes les premiers de peur que le démon ne vous tente de les cacher. Il y a aussi des filles et des femmes qui se croient dispensées de déclarer leurs péchés si le confesseur ne les interroge pas : abus, illusion ! Il ne faut pas que le confesseur vous interroge, il faut vous accuser vous-mêmes ; sans cela vous vous exposez visiblement à faire une confession sacrilège. Soyez sincères, sans duplicité et sans hypocrisie. Ne faites plus rien en vue de plaire aux hommes, mais faites tout pour Dieu ; nattendez de la part des hommes ni éloge ni estime ni applaudissements ; nespérez point dautres récompenses que celle du ciel ; ne faites et ne souffrez en secret aucune action, soit contre la pureté, soit contre la bienséance, soit contre la tempérance, en prenant et en mangeant par gourmandise. Ne faites rien, en un mot, que vous ne puissiez faire en public et en présence de votre pasteur, de votre confesseur, de vos père et mère. Car " chaque fois que les filles font ou souffrent des choses où elles seraient fâchées dêtre surprises par leur directeur ou leurs parents, cest une preuve quelles sont coupables et répréhensibles " : cest la remarque de saint François de Sales. Ce qui fait bien voir que les filles nagissent pas avec une intention pure et droite dans les bonnes uvres quelles font, cest quelles cessent de les faire dès quon cesse de les louer et de les estimer. Pour peu quon les critique dans leurs pratiques de dévotion, elles les abandonnent, elles se dépitent, et elles se disent elles-mêmes, " Puisque cela va ainsi, puisquon trouve à redire à ce que je fais, je ne ferai plus rien, je ne chanterai plus de cantiques, je ne dirai plus le chapelet, je nirai plus confesser, je nirai plus à léglise, je nirai plus visiter le Saint-Sacrement ", etc.
Ce dépit, ce découragement montrent bien que la piété et la dévotion apparente des filles qui parlent de la sorte étaient fausses et hypocrites, quelles étaient des orgueilleuses qui faisaient tout en vue des hommes, pour être vues et estimées du monde et non pour plaire à Dieu, pour se contenter et se satisfaire elles-mêmes et non pour se sanctifier. Car quand on fait le bien pour Dieu et pour de bons motifs, on continue toujours à le faire malgré la critique et la contradiction du monde.
Seconde tentation des filles :
Les amitiés sensuelles pour les personnes dun sexe différent
Saint Jérôme dans ses épîtres rapporte lhistoire dune fille possédée du démon, à qui lon demandait pourquoi il était entré dans cette fille. Il répondit, " Cest quelle men a donné loccasion ". Et loccasion quelle avait donnée, cétait une amitié passionnée quelle avait contractée avec un garçon avec lequel elle avait des rendez-vous, des tête-à-tête, et des conversations et des regards passionnés. On demanda encore au démon quon exorcisait pourquoi il nétait pas entré plutôt dans le garçon qui venait la voir. Il répondit, " Mon compagnon y était déjà ", cest-à-dire un démon du même genre que lui. De là il sensuit que les garçons et les filles qui ont des amitiés et des liaisons criminelles entre eux sont esclaves et possédés du démon, au moins quant à lâme. En effet, ils perdent la grâce et la charité puisque lamour de Dieu, qui est pur et chaste est incompatible avec lamour impur. Le Saint-Esprit ne peut faire sa demeure avec le démon de limpureté qui sempare du cur et de lâme dune fille dès quelle se livre à lamour des garçons. Oui, une fille passionnée pour un garçon est une fille perdue. La passion étouffe en peu de temps tous les sentiments de dévotion et de religion quelle avait auparavant. Jai vu une jeune fille dévote comme un ange, qui fut toute changée et pervertie par une seule entrevue avec des garçons libertins. Quand une fois cette malheureuse passion sest emparée dune fille, elle na plus damour pour Dieu ni de goût pour la piété. Et si elle fait encore quelques exercices de religion ce nest plus quhypocrisie, pour mieux cacher sa passion. Elle nécoute plus ni avis ni conseils ni raison ni honneur ni bienséance ni père ni mère. Sa passion laveugle et lentraîne de telle sorte quelle ferme les yeux à toutes considérations divines et humaines. Le démon qui sest emparé delle la possède tellement quelle na lesprit occupé dautres choses que de la personne qui est lobjet de ses inclinations ; elle y pense jour et nuit ; elle ne peut se rassasier de le voir et den être vue. Ainsi, plus de prières récitées avec attention, plus de sentiments de piété envers Dieu ! Tout son cur et toutes ses affections se portent vers lobjet qui la séduite. À léglise même elle sen occupe. Ainsi elle nentend plus de messe, elle ne fait plus dactes de religion. En entrant dans le lieu saint, au lieu de jeter les yeux vers lautel ou sur le crucifix, sur les images des saints, ses regards impudiques se portent vers celui quelle aime passionnément.
Il est impossible de dire tous les maux que cause à cette fille cette maudite passion pour les garçons. Cest la ruine et la perte de la piété et la source de toutes sortes dimpuretés. Il y aura peut-être des filles qui croiront pouvoir allier la dévotion avec ces amitiés et ces liaisons tendres, naturelles, et sensuelles. Mais non, cela est impossible. Dieu veut notre cur ; il le veut sans partage et sans division ; un cur partagé loffense et lirrite. Quoi ? Vous donnerez à une misérable créature vos affections les plus chères et les plus tendres, et vous noffrirez à Dieu que les restes dun cur gâté et corrompu par lamour impur ? Jugez vous-même si Dieu lacceptera. Caïn et Abel offrirent à Dieu des sacrifices. Abel offrait ce quil avait de meilleur, et Caïn offrait à Dieu ce quil avait de moindre, et réservait le mieux pour lui et pour le monde. Aussi Dieu, qui agréait les victimes dAbel, rejeta-t-il celles de Caïn. Il rejettera aussi les vôtres, si vous voulez conserver lattache aux personnes dun sexe différent, et entretenir avec elles des liaisons criminelles. Renoncez-y totalement, quittez leurs conversations, éloignez-vous de leurs personnes, évitez leurs rencontres, rompez sans ménagement les liens qui vous attachent, sortez du malheureux esclavage où vous gémissez : plus de visites, plus dentretiens, plus de regards, plus daffections, plus de liaisons ! Voilà le premier moyen de rentrer en grâce avec Dieu et de recouvrer son amitié, cest de renoncer à lamour profane et impur. Je dis quil faut trancher, couper sans ménagement. Écoutez saint François de Sales sur ce sujet : " Quel remède ", demande ce saint, " quel remède contre ces folles amours ? "
[Introduction à la vie dévote, III, ch. 21] " Je réponds que le premier remède cest de les prévenir par la vigilance sur son cur, pour ne pas permettre que cette malheureuse passion y entre, car il est bien plus aisé de lui fermer lentrée de votre cur que de len extirper quand elle sen est une fois emparée. "Ainsi, ajoute le saint que nous venons de citer, en répondant lui-même à la demande quil se fait, savoir : Quels remèdes faut-il apporter contre les amitiés sensuelles, si dangereuses entre les deux sexes ? " Aussitôt que vous en sentirez les premières atteintes, tournez-vous vite de lautre côté avec une détestation absolue de cette vanité, courez à la croix du Sauveur, prenez sa couronne dépines pour en environner votre âme, afin que ces petits renardeaux (cest-à-dire ces passions, ces affections impures) nentrent pas dans votre cur pour le gâter et le corrompre, ainsi que les renards dévastent les vignes et les moissons ; gardez-vous bien de venir à aucune sorte de composition avec cet ennemi. " Ainsi, au jugement du saint évêque de Genève, les garçons qui viennent vous faire tant de belles démonstrations damitié et de tendresse sont de vrais ennemis. Ce sont des tentateurs, des séducteurs que le démon envoie pour vous perdre et vous corrompre. Ce sont des voleurs qui veulent vous ravir le trésor de votre chasteté. Ce sont des homicides qui veulent donner la mort à votre âme. Vous croyez quils vous aiment ? Point du tout, ils naiment que leur brutale passion et ils vous méprisent. Après avoir contenté leur infâme désir et vous avoir précipitée dans le crime, ils se moqueront de vous et manifesteront vos faiblesses ; ils en feront des risées, en se vantant devant leurs compagnons et ailleurs davoir flétri la fleur de votre pudeur, de vous avoir ravi le trésor de votre virginité. Vous êtes donc bien insensées de vous laisser tromper par les discours et les caresses dun libertin, qui ne vous aime que comme le démon, pour vous entraîner avec lui dans lenfer, qui vous aime comme un lion aime sa proie, comme un loup aime un agneau, pour le dévorer.
Revenons maintenant aux avis et aux remèdes que saint François de Sales donne contre les fausses amitiés. " Ne dites pas ", continue ce grand directeur des âmes dans La Vie Dévote, " ne dites pas : Je lécouterai, mais je ne ferai rien de ce quil me dira ; je lui prêterai loreille, mais je lui refuserai mon cur. Ô ma chère Philothée, pour Dieu soyez rigoureuse en de semblables occasions. Le cur et les oreilles sentretiennent et se communiquent lun à lautre. Et comme il est impossible dempêcher un torrent dans sa descente sur le penchant dune montagne, aussi est-il difficile dempêcher que lamour qui est tombé dans loreille ne fasse sa chute dans le cur qui respire par loreille. Cest-à-dire quil reçoit les pensées et les affections corrompues des autres en écoutant les paroles séduisantes quils nous disent. Gardons donc soigneusement nos oreilles ; bouchons-les dépines, dit lÉcriture, pour quelles nentendant pas ces paroles dangereuses qui tendent à limpureté, car autrement notre cur en serait bientôt empesté. Nécoutez nulle sorte de proposition, sous quelque prétexte que de soit ; en ce seul cas il ny a point de danger dêtre incivile et rude. Souvenez-vous que vous avez voué votre cur à Dieu et que votre amour lui est dévoué et consacré. Ce serait donc un sacrilège que de lui en opter la moindre partie. Sacrifiez de nouveau à Dieu votre cur avec toutes ses affections par mille résolutions, mille protestations dêtre à lui seul, sans partage et sans réserve. Demeurez fermes ; tenez-vous entre les bras de Jésus et de Marie comme un cerf dans son fort ; réclamez Dieu : il vous secourra, et son amour prendra le vôtre sous sa protection, afin quil vive uniquement pour lui. "
Voilà lavis et les remèdes que saint François de Sales donne aux jeunes gens pour les prémunir contre la tentation des amitiés si dangereuses entre les deux sexes. Et voici ceux quil donne à ceux qui y sont déjà malheureusement engagés, pour rompre leurs liens et les dégager des pièges où ils se trouvent embarrassés : " Que si vous êtes déjà prises dans les filets de ces folles amours, ô Dieu ! quelle difficulté pour vous en débarrasser. Mettez-vous devant la Majesté de Dieu, reconnaissez en sa présence la grandeur de votre misère, confessez votre faiblesse et votre vanité. Puis, avec le plus grand effort de cur quil vous sera possible, détestez ces amours, commencez à les quitter, abjurez la vaine possession que vous en avez faite ; renoncez à toutes les promesses reçues, et dune très grande et très absolue volonté prenez une résolution ferme et constante de ne plus jamais rentrer dans ces jeux et ces entretiens damour ".
Voilà le premier avis de saint François de Sales, cest de renoncer absolument et promptement à toutes ces liaisons en les arrachant du fond du cur jusquà la dernière racine. " Je crie tout haut ", dit ce zélé directeur, " je crie à quiconque est tombé dans ces pièges de lamour profane : Taillez, tranchez, rompez, il ne faut pas samuser à découdre ces folles amitiés ; il faut les déchirer ; il ne faut pas dénouer, il faut rompre et couper. Il ne faut pas ménager un amour qui est si contraire à lamour de Dieu ". En effet, lexpérience apprend tous les jours que ceux et celles qui veulent différer et temporiser demeurent toujours captifs dans ces liens. On peut dire que cest bien la passion dominante des filles
Le second moyen que propose le saint, cest de séloigner des objets, de quitter la maison, le lieu, et même la proximité des personnes qui sont causes de ces tentations. Rien de plus efficace en cette matière que la fuite des occasions. On a vu souvent quune seule entrevue était capable de renouer ces liaisons et de rallumer ces feux impurs quon croyait éteints. Il faut donc éviter jusquà la vue, la rencontre, de ces personnes auxquelles vous étiez attachées, et tachez den effacer même le souvenir et la pensée de votre esprit, de sorte quil ny ait plus en vous aucune trace, aucun vestige, aucuns ressentiments de cette passion infâme. Il faut que vous en ayez autant dhorreur que vous aviez dinclination pour elle. Enfin, le saint directeur vous conseille encore une retraite et des confessions sincères, où vous disiez clairement à votre directeur les tentations qui vous arriveront à ce sujet. Ayez encore de saints entretiens avec quelques personnes pieuses et prudentes, dont vous prendrez les conseils avec une grande confiance que Dieu vous délivrera de toutes ces misères, pourvu que vous soyez fidèle à prendre sincèrement tous les moyens que la prudence exige pour vous en défaire entièrement et pour toujours.
On ne défend pas le mariage aux filles. Au contraire, celles que Dieu appelle à cet état peuvent se marier, et plus tôt cest le mieux. Mais ces liaisons et ces amitiés criminelles, ces libertés indécentes quelles prennent et quelles permettent, loin de leur procurer un établissement honnête, les empêchent dy parvenir. Car un garçon qui a de la raison et de la religion épousera toujours plutôt une fille sage, modeste, retirée, quune fille volage et dissipée, qui sest diffamée elle-même par ses fréquentations et ses familiarités avec les garçons, parce quil aura lieu de craindre que cette fille mondaine, qui a été infidèle à Dieu en labandonnant par ses crimes, ne lui sera pas fidèle à lui-même, et quune fille de ce caractère, légère, inconstante, changera aussi de sentiments à son égard, quil ne pourra compter sur elle pour rien, et quelle nest point propre à donner à ses enfants une éducation chrétienne.
Les filles qui se destinent au mariage doivent aussi demander à Dieu un époux pieux, bien réglé dans ses murs, avec lequel elles puissent se sanctifier. Et lorsquil sera question de lépouser, on peut se voir honnêtement en présence de parents, mais le plus rarement et le plus brièvement sera le mieux. Et comme rien nest permis avant le mariage il faut quils ne prennent aucune liberté ensemble. Comme la nature corrompue est si portée au mal, on ne peut prendre trop de précautions contre les dangers et les tentations. Je voudrais que le jeunes gens qui pensent au mariage ne se vissent quen présence dun crucifix, pour que la vue dun Dieu souffrant chassât toutes mauvaises pensées et les contînt dans les bornes de la bienséance et de lhonnêteté sans quil se passât rien dans le corps ni dans lâme qui fût contraire à la chasteté et la modestie chrétienne.
Troisième tentation des filles :
Lattachement à leur corps, à leur figure, à leur prétendue beauté,
la vanité dans les habits, lenvie de plaire et de paraître, de voir et dêtre vues,
les bals, les danses
Saint Pierre, Chef de lÉglise, donne des avis salutaires à tous les états, à tous les sexes qui la composent. Il dit aux femmes et aux filles quelles ne doivent pas parer leur corps par de vains ajustements, mais quelles doivent bien plus sappliquer à parer lhomme intérieur, cest-à-dire leur âme, en lornant des vertus chrétiennes. Elles ne doivent pas perdre leur temps à se contempler dans un miroir, mais plutôt considérer létat misérable de leur âme, qui est peut-être morte aux yeux de Dieu par le péché, défigurée, hideuse, affreuse par les vices et les passions qui la corrompent. Voilà les réflexions que devraient faire ces filles mondaines qui sont si idolâtres de leur corps qui nest que cendre et poussière, boue et corruption. Regardez dans un cimetière, dans un ossuaire, ces ossements, ces crânes : voilà ce que vous serez, voilà ce que vous deviendrez dans quelques années dici, peut-être cette année même. Ce corps que vous flattez maintenant et que vous parez comme une idole sera bientôt un cadavre livide qui fera horreur. Il sera réduit en cendre et en poussière. Il deviendra la pâture des vers. Et cette vaine beauté dont vous êtes si infatuées à présent seffacera bientôt et se changera dans une affreuse laideur. Car les personnes du sexe qui ont été les plus belles dans leur jeunesse sont souvent les plus laides dans leur vieillesse. Dieu le permet ainsi pour les humilier et pour les punir de la vaine complaisance quelles ont prise dans leurs figures et leurs parures. " La beauté corporelle est vaine ", dit lécriture, " une femme qui a la crainte de Dieu est digne de louanges ". Les qualités humaines et naturelles sont souvent la cause de la perte de celles qui les possèdent. Il vaudrait mieux avoir moins de brillant à lextérieur, et plus de solide et plus de vertu dans lintérieur, car cest le cur que Dieu regarde et quil demande. Toute la beauté dune âme chrétienne consiste dans la pureté de ses affections et dans la pratique des vertus extérieures. Au lieu dêtre si passionnées pour les habits, les ornements, les coiffures, les modes, et toutes les vanités du siècle, il vaudrait mieux acheter de bons livres. Les habits et les ajustements superflus sont la cause de mille péchés, tels que sont la vanité, la perte de temps, la vaine complaisance, lattachement à soi-même et à son corps, les visites inutiles, les pensées frivoles, les désirs criminels, les affections déréglées dans le cur, et laveuglement dans lesprit.
Car une fille ainsi infatuée delle-même, de sa figure et des ajustements, perd de vue les vérités de la religion. Elle ne pense quà ses vanités ; elle est comme folle et insensée, incapable daucun bien solide et réel. À léglise même elle est toute occupée de ses habits et de ses ajustements ; elle y pense plus quà Dieu. Ajoutez à cela tous les péchés dont elle sera loccasion en inspirant aux autres par son air et ses manières efféminées des mauvaises pensées, des mauvais désirs, en leur occasionnant des regards impurs. Qui peut compter le nombre des péchés dont elle est la cause ? On le verra au Jugement dernier. Cest alors que les filles mondaines seront humiliées autant quelles se seront exaltées par leurs parures et leurs vanités.
Voici comme parle le prophète Isaïe des malheurs que Dieu réserve aux filles mondaines pour les punir de leurs vanités : " Parce que les filles de Sion se sont élevées dorgueil, quelles ont marché la tête levée en faisant des signes des yeux et des gestes des mains, quelles ont mesuré tous leurs pas et affecté des manières enjouées et efféminées, le Seigneur rendra chauve leur tête en les dépouillant de leurs cheveux, qui étaient lobjet de leur vanité. Au jour des vengeances le Seigneur leur ôtera leurs chaussures et leurs ornements, leurs pendants doreilles, leurs bagues, leurs pierreries, leurs colliers, leurs bracelets, leurs coiffures, leurs rubans, leurs parfums, leurs robes ; leurs vaines parures ; elles seront dépouillées de tous ces ornements mondains et elles seront réduites à une honteuse nudité. Leur parfum sera changé en puanteur et elles auront une corde à la place de leur ceinture et de leurs rubans ; et au lieu de ces vêtements superbes dont elles se paraient avec ostentation elles seront revêtues de sac et de cilice " (Is 3, 16-24). Et cette tête superbement parée sera changée en un crâne décharné et hideux ; au lieu de ces cheveux artistiquement arrangés, elles seront entourées de couleuvres et de serpents et rongées de vipères. Dans le portrait dune fille damnée on lui voit deux serpents attachés à ses mamelles, qui dévorent son sein par de cruelles morsures, en punition des libertés criminelles quelle a prises ou permises sur elle pendant le temps de sa jeunesse. Filles mondaines, volages, molles et sensuelles, voilà ce qui vous est réservé dans les enfers si vous continuez à souffrir des baisers lascifs, des embrassements funestes à votre pudeur, des caresses meurtrières à vos âmes, des familiarités indécentes, dont vous ne vous faites quun jeu maintenant, et que vous ne regardez que comme des bagatelles et des amusements permis.
De cette vanité des filles naît lenvie de paraître, de se montrer dans le public, le désir de voir et dêtre vues, de plaire et dêtre aimées, qui est la cause de mille désordres. Lécriture nous apprend que Dina, la fille de Jacob, la fille dun saint patriarche, voulut contenter sa curiosité en allant voir les femmes du pays, dans quelque fête sans doute, ou quelque réjouissance publique. Mais cette satisfaction lui coûta bien cher, car elle y perdit son honneur ; elle fut opprimée par violence. Cest à de pareils malheurs quaboutit enfin la vanité et les curiosités des filles qui veulent se montrer en public, au lieu que le propre des vierges est de demeurer dans la retraite, lobscurité, et le silence : cest le moyen de conserver sa pureté et son innocence, comme la dissipation, les visites, les bals, les festins, les danses sont un acheminement à sa ruine et à sa perte.
Il y a cependant des filles qui ne veulent pas renoncer aux danses, qui disent quil ny a pas de mal à cela. Mais cest que la passion les aveugle ; et quand la passion nous domine il nest rien de si criminel quelle ne justifie. Elle cherche et elle trouve toujours des prétextes pour se disculper. On dit que les autres y vont bien. Mais si les autres font mal, faut-il les imiter ? Imitez les exemples de Jésus et de Marie, imitez les filles sages et vertueuses, qui séloignent des divertissements du monde comme dune peste, et ne suivez pas lexemple de ces filles volages, dissipées, libertines, qui sont le scandale dune paroisse. Cependant on peut se récréer dune manière honnête, décente et modeste, avec des personnes de son sexe, avec des filles, surtout si elles sont sages et prudentes, car si elle sont imprudentes, quelles profèrent des paroles ou des chansons obscènes, il faut les éviter et les fuir aussi. Mais quel mal y a-t-il de danser ?
La danse en elle-même nest pas criminelle, mais elle lest presque toujours par rapport aux dangers, aux abus, aux maux qui laccompagnent : dabord le mélange des deux sexes. Des jeunes libertins grossiers et sans éducation, qui ne savent se contenir dans les bornes de la bienséance, surtout dans les campagnes, ne se trouvent presque jamais avec des personnes du sexe, surtout dans les danses et les festins, sans les insulter, sans leur dire des paroles déshonnêtes. Il y a bien dautres désordres qui se passent dans ces assemblées tumultueuses. Cest donc sexposer à la tentation que dy aller. Celui qui aime le péril périra. Ainsi on peut dire communément quune fille qui va aux danses où les deux sexes se trouvent mêlés sexpose au péché mortel. Et dès-là même quelle sy expose elle pèche mortellement et elle est indigne dabsolution. Elle est responsable par sa témérité de toutes les suites funestes qui en résulteront, des péchés quelle y commettra elle-même et quelle y occasionnera aux autres, à moins quelle ne prenne des mesures et des précautions pour éviter les dangers, avec une ferme résolution de ne pas se laisser ni toucher ni embrasser malhonnêtement ni passionnément. Mais plusieurs filles disent quelle ny ont aucunes mauvaises pensées. Celles qui parlent ainsi sont des filles perdues qui sont déjà si enfoncées dans labîme de la corruption quelles sy plaisent et y demeurent tranquilles. Elles sont si accoutumées au poison de limpureté quelles lavaient sans sen apercevoir. Leur conscience fausse et endurcie ne sent plus le mal, quelles font sans crainte et sans remords. Mais les filles qui ont encore un peu de conscience et de religion ne vont jamais aux danses, aux bals, aux festins, quelles naient mille choses à se reprocher devant Dieu au sortir de ces funestes divertissements, au lieu que celles qui restent chez elles, et qui par délicatesse de conscience se privent de ces plaisirs frivoles, dangereux, et criminels, ont la paix du cur, la joie intérieure qui naît du témoignage dune bonne conscience, et elles goûtent les consolations divines que Dieu accorde aux filles pieuses pour les récompenser des sacrifices quelles font en se privant des folles joies du monde.
Quatrième
tentation des fillesEnfin, la quatrième tentation ordinaire des filles est la jalousie et lenvie. Cest à qui sera la mieux parée, la plus chérie et la plus estimée, au lieu que lhumilité doit nous porter à aimer notre bassesse, notre abjection, le mépris et loubli du monde. Mais lorgueil et la vanité des filles les portent à sélever au-dessus des autres, à mépriser les autres. Si elles sont plus riches et plus superbement habillées, elles les jalousent. Si elles sont pauvres et plus simplement vêtues, elles les méprisent. Si on témoigne à quelquautre de lestime et de lamitié, si on lui donne quelque louange, quelque préférence, au lieu de sen réjouir, comme la charité nous y engage, elles en conçoivent du dépit et de lindignation, elles ont une joie maligne de voir les autres méprisées et humiliées.
La médisance est aussi un vice dominant parmi les filles et les femmes. Cest ordinairement lenvie et la jalousie qui en sont le principe, car on aime à censurer, à critiquer, à déprimer les personnes quon jalouse. On leur impute des fautes quelles nont pas faites, des sentiments et des mauvaises volontés, des mauvais desseins auxquels elles nont jamais pensé. On exagère leurs défauts, on conteste et on diminue leurs vertus et leurs bonnes qualités. Que de milliers de péchés les filles et les femmes ne commettent-elles pas par la langue ? Que de paroles déplacées, que de discours inutiles, que de rapports indiscrets, que dinterrogations curieuses, que de médisances dites ou entendues et non empêchées, que de jugements téméraires, que dintrigues, que de disputes, que de conversations et dentretiens dangereux et criminels.
Je conseille donc aux filles ce que jai conseillé aux femmes, de réprimer cette démangeaison de parler, de garder de temps en temps le silence pour penser à Dieu et à soi-même, de fuir la compagnie des personnes qui parlent beaucoup, surtout de celles qui parlent mal du prochain, et de sentretenir avec Dieu, avec la sainte Vierge et les anges plutôt quavec les garçons ou avec des compagnes qui aiment à causer.
La curiosité est encore un grand défaut chez les filles. Elles veulent tout voir et tout entendre. Elles vont et viennent pour voir et être vues : curiosité très dangereuse et la source de mille affections mondaines ! Car en voyant ainsi le monde, qui nest que vanité, on y amasse une foule didées qui simpriment dans notre esprit et sy renouvellent à chaque instant, qui tiennent la place des bonnes pensées et des bons sentiments qui devraient nous occuper ; elles nous jettent dans loubli de Dieu et de nous-mêmes. Ainsi, au lieu de rentrer en soi-même on sort continuellement de soi-même pour soccuper vainement des autres ; on sinquiète sur ce qui concerne les autres ; on veut voir et savoir ce quils font, ce quils disent, et on se néglige soi-même, on omet ses devoirs les plus essentiels. Les filles sont si curieuses et si accoutumées de regarder de côté et dautre, de considérer les objets qui les affectent, surtout les habits et les parures ou les personnes dun autre sexe, quà léglise même, au lieu de jeter les yeux sur le crucifix elles ne cherchent pas des regards indiscrets les objets propres à satisfaire leur curiosité et les passions. Elles samusent à voir celles qui sont les mieux parées, les plus richement habillées. Jugez si elles prient avec attention et dévotion !
Enfin, si malgré toutes les précautions quune fille sage peut prendre pour éviter toutes les mauvaises rencontres, elle se trouve cependant attaquée, insultée par quelques libertins, elle doit résister avec une force et un courage invincible. Elle doit crier : " Cest la loi de Dieu qui lordonne ainsi ". Ce nest pas faire du scandale, mais cest lempêcher. Si toutes les filles le faisaient, les garçons ne seraient pas si audacieux. Enfin, une fille sage ne doit céder ni aux promesses, ni aux menaces, ni aux sollicitations, ni aux mauvais traitements, mais plutôt tout souffrir et mourir que de consentir au crime ni à rien de ce qui blesse la pureté. Si elle mourait ainsi, elle serait martyre de la chasteté. Elle doit dire, comme la chaste Suzanne : " Jaime mieux souffrir la mort que de pécher en présence de Dieu, que de perdre mon âme et ma chasteté ! " (Dn 13, 23).
Enfin, mes chères filles, voilà Jésus-Christ dun côté qui vous tend les bras et qui vous appelle à lui, et de lautre voilà le démon et le monde séducteur qui veut vous entraîner dans labîme. Voyez auquel des deux vous voulez appartenir : est-ce à Dieu ou au démon ? À qui voulez-vous donner votre jeunesse, la fleur de votre âge, ce temps précieux doù dépend tout le reste de la vie ? Est-ce à Dieu ou au démon ? Voulez-vous donner les prémices de votre vie au démon et les restes à Dieu ? Quelle horreur de préférer le démon à Dieu, le monde à Jésus-Christ, des plaisirs dun moment à la vie éternelle ! Car faites bien attention, mes chères filles, que celles dentre vous qui voudront passer le temps de leur jeunesse dans les dangers, les bals, les divertissements et les plaisirs criminels, dans les liaisons et les familiarités avec les garçons, si elles ne se corrigent et si elles ne font pénitence, elles seront précipitées dans les enfers, comme le mauvais riche qui a voulu prendre les plaisirs et la félicité sur la terre ; et du fond de labîme où elles seront plongées elles lèveront comme lui les yeux au ciel, et elles y verront dans le sein de Dieu ces filles sages et vertueuses dont elles se moquaient lorsquelles vivaient avec elles sur la terre ; elles les verront au nombre des enfants de Dieu, revêtues de gloire et dimmortalité, et elles leur diront, comme le mauvais riche disait à Abraham : Chères compagnes, ayez pitié de nous, venez à notre secours, apportez-nous du moins une goutte deau pour rafraîchir nos langues, car nous sommes cruellement tourmentées dans ces flammes dévorantes. Alors les filles pieuses et dévotes leur répondront, comme Abraham au mauvais riche : Chères compagnes, souvenez-vous que lorsque nous étions encore dans le monde, et que nous vivions ensemble dans la même ville, dans le même village, dans la même paroisse, tandis que nous allions à léglise pour prier, visiter le Saint-Sacrement, pour réciter le chapelet, pour fréquenter les sacrements, vous alliez aux danses, aux bals ; tandis que nous restions en oraison, en méditation, dans la compagnie de Jésus et de Marie, des anges et des saints, vous lisiez des mauvais livres ; tandis que nous chantions des cantiques, vous chantiez des chansons déshonnêtes ; en un mot, tandis que nous faisions pénitence, bous preniez vos plaisirs. Il est donc juste maintenant que vous soyez dans les tourments et nous dans la joie. Il est juste que nous soyons dans le ciel et vous dans lenfer.
SAINTES RÉSOLUTIONS EN FORME DE PRIÈRES,
pour les filles qui veulent se donner à Dieu
et renoncer aux vanités du monde
Je viens, mon Dieu, me prosterner aux pieds de votre Majesté, pour me donner tout à vous. Je vous offre mon cur ; je vous le donne sans partage, je vous le consacre sans réserve avec toutes ses affections. Ne permettez pas quaucune créature le partage avec vous, possédez le vous seul, régnez seul dans mon cur comme un Roi sur son trône. Je renonce à toutes les amitiés profanes, charnelles, et impures pour les personnes dun autre sexe. Arrachez-en jusquà la dernière racine. Purifiez mon cur du poison de ces meurtrières tendresses pour le remplir de votre grâce et de votre amour. Ôtez-en mes vices, faites-y régner vos vertus, surtout la chasteté, la pudeur, linnocence, et la candeur, lhumilité, la modestie, la dévotion, et la ferveur. Je renonce à toutes paroles, à toutes chansons déshonnêtes. Je renonce aussi à toutes familiarités et liaisons avec les personnes dun autre sexe. Je fuirai leur rencontre, leurs entretiens, et leurs conversations. Je serai, avec le secours de votre grâce que jimplore, chaste dans mes pensées, modérée dans mes désirs, pure dans mes sentiments, modeste dans mes regards, simple dans mes habits, réservée dans mes paroles, prudente dans mes démarches, réglée dans ma conduite.
Jéviterai les vains divertissements du monde, les bals, les danses, et les festins. Au lieu de suivre le torrent du mauvais exemple je tâcherai den préserver mes compagnes. Au lieu daller avec le monde insensé me livrer à ses fausses joies, jirai dans les églises me prosterner aux pieds des autels, ou dans ma chambre aux pieds du crucifix, gémir sur les désordres qui se commettent dans les assemblées profanes et tumultueuses, où le mélange indécent des deux sexes occasionne tant de désordres. Je ferai tous mes efforts pour réparer tant de crimes qui sy commettent, en offrant à Dieu la pureté, la sainteté de Jésus et de Marie, en satisfaction de tant dimpuretés, de saletés, dhorreurs, et dabominations qui se commettent dans ces lieux de débauche où le démon triomphe, où les âmes se corrompent et se perdent. Je renonce aussi aux vaines parures, aux vanités du monde, comme je lai promis au baptême. Au lieu daimer à voir ce qui pourrait contenter ma curiosité, je détournerai mes regards des personnes et des objets qui pourraient être pour moi un sujet de scandale et une occasion de péché. Je fermerai mes oreilles à la médisance et à tous les discours déshonnêtes. Jaimerai la retraite et la solitude, je nen sortirai que pour aller à léglise, au travail, et où mon devoir mappellera. Je mortifierai mon corps par le jeûne et la pénitence pour me préserver des tentations de la chair. Je ne ferai rien par hypocrisie en vue de plaire aux hommes. Loin de vouloir être estimée de mon pasteur et de mon confesseur, jen souffrirai patiemment le mépris. Au lieu de mélever au-dessus des autres et de mes compagnes, je mabaisserai au-dessous de toutes. Je ferai dans le ménage les ouvrages les plus vils, les plus abjects, et les plus difficiles. Loin denvier et de jalouser les autres, je me réjouirai de leurs avantages et prendrai part à leurs peines. Au lieu dacheter des habits superflus, jachèterai de bons livres de piété. Et au lieu daller courir çà et là, causer, rire, et badiner, folâtrer, je moccuperai à faire de saintes lectures et de pieuses méditations, et je mépriserai mon corps, qui nest que cendre et poussière, et je donnerai tous mes soins pour sanctifier mon âme, qui est créée à limage de Dieu et rachetée du Sang de Jésus-Christ. Si on profère devant moi quelques paroles déshonnêtes, je les empêcherai si je puis, du moins je les détesterai à cause de loutrage quelles font à Dieu, et joffrirai pour les réparer les paroles saintes et pures qui sont sorties de la bouche de Jésus et de Marie. Telles sont, ô mon Dieu, les résolutions que je prends aujourdhui en votre présence. Bénissez-les, Seigneur, ratifiez-les, confirmez-les. Faites-moi la grâce de les exécuter fidèlement dans toutes les circonstances de ma vie jusquà lheure de ma mort.
Vierge sainte, je me jette à vos pieds, que jembrasse avec une humilité profonde et une tendresse filiale. Jose vous prendre pour ma Mère, daignez me protéger comme votre enfant. Vous êtes le modèle de tous les chrétiens, surtout de notre sexe. Obtenez-moi la grâce dimiter vos vertus, votre pureté, votre modestie, et votre humilité, votre charité et votre douceur. Je veux faire toutes mes actions pour la gloire de votre cher Fils Jésus-Christ, mon Dieu et mon Sauveur, dans les mêmes vues et les mêmes intentions que vous aviez en faisant les vôtres, pour lui plaire, pour son amour, pour sa gloire et pour la vôtre. Préservez-moi, Vierge sainte, des dangers auxquels les filles sont sujettes dans ce malheureux monde, où il y a tant de libertins, tant doccasions de péché. Je mets ma chasteté en dépôt entre vos mains, conservez-la ; ne permettez pas que rien puisse ternir et altérer cette précieuse et aimable vertu. Obtenez-moi surtout de passer ma jeunesse dans la piété, linnocence, sans tomber dans les pièges du démon, et déviter toutes les tentations et les écueils auxquels cet âge est sujet plus que tous les autres.
Troupe incomparable de vierges, dont la pureté surpasse la blancheur des lys, intercédez toute pour moi et pour toutes les personnes de mon sexe, afin que nous vous imitions sur la terre et que nous régnions avec vous dans le ciel. Ainsi soit-il.
Avec Permission des Supérieurs