Prophétie

annonçant la diffusion de la religion chrétienne

dans les provinces du Yûn-nân et du Koui-tchéou,

soumise au jugement de la Sacré Congrégation.

 

24 mars 1779

Monsieur Gleyo, notre très cher confrère et père spirituel, prisonnier pendant huit ans, a été favorisé par Dieu de visions extraordinaires, parmi lesquelles je vais rapporter celle-ci : Il vit une fois et encore une autre fois un chemin montant ; de chaque côté de ce chemin, il y avait comme des êtres animés qui empêchaient le passage et leur nombre allait en augmentant à mesure que le chemin se poursuivait davantage. Ainsi au commencement de ce chemin, ces obstacles étaient peu nombreux ; plus loin, ils l’étaient davantage, et, à la fin, ils semblaient faire effort pour s’opposer au passage, mais ne pouvaient cependant y parvenir. Le milieu du chemin restait toujours apparent, si ce n’est vers la fin, mais encore il était possible de trouver une issue, et, au-delà de ce chemin, se voyait une nuée obscure.

L’année passée, le même M. Gleyo, après sa sortie de prison, eût encore une vision : il entrait dans la province du Yun-nan, et cette année encore (1779), au mois de janvier ou de février, il lui sembla être en route pour le Yun-nan avec deux compagnons dont l’un était Tchéou, ce soldat du Koui-tchéou qui se convertit lorsque nous étions en prison, et qui, l’année passée, au mois de septembre ou d’octobre, se mit à la suite de M. Gleyo ; l’autre était André Yang qui partagea la captivité de M. Gleyo et qui est maintenant au collège de Pondichéry. M. Gleyo vit ces deux jeunes chrétiens recevoir la couronne du martyre ; il vit les païens se précipiter sur eux et les mettre à mort en les frappant à la tête. Par une inspiration divine, il lui arriva de pressentir que lui-même serait frappé avec eux, et recevrait aussi la palme du martyre. L’avenir prouvera si cette vision est bien de Dieu ou non ; mais jusqu’à présent, toutes les visions et révélations faites à M. Gleyo, dans le temps qu’il était en prison, se sont accomplies malgré les apparences contraires.

De même il lui arriva l’année dernière, tandis qu’il gémissait sur la tiédeur des chrétiens de la ville de Soui-fou, province du Su-tchuen, près de Yun-nan, de recevoir cette réponse du ciel, que désormais les chrétiens du Yun-nan seraient fervents. Encore une autre fois, tandis qu’il tenait entre ses mains la sainte Hostie après la consécration, N.S. Jésus-Christ, illuminant subitement son esprit, lui révéla qu’il serait un jour envoyé vers un peuple nommé Lô-lô, dont le pays est situé dans le Yun-nan.

M. Gleyo se distingue par son humilité, par une charité parfaite, un zèle ardent et une singulière dévotion envers la Mère de Dieu, et voilà que notre Évêque lui a confié la province du Yun-nan. Dans cette province, il n’y a pas de chrétiens, si ce n’est à l’entrée, aux alentours de la ville de Soui-fou. Les moyens humains manquent bien pour cette œuvre ; mais Dieu a consolé M. Gleyo en lui faisant connaître que sa Providence y suppléera. Je vais aussi en toute humilité, raconter un songe qui m’est arrivé touchant la province du Kouy-tchéou : J’ai vu en songe N. Seigneur attaché à la croix entre deux larrons, et je lui ai adressé cette demande : Seigneur Jésus, aurez-vous pitié de la province du Kouy-tcheou ? En réponse, N. seigneur Jésus inclina la tête, mais si légèrement qu’il me restait un doute. Alors, je demandai avec plus de force en élevant la voix : Seigneur Jésus, aurez-vous pitié de la province du Kouy-tcheou. Le Seigneur alors inclina visiblement la tête une première et une seconde fois, après quoi le songe cessa.

Le Seigneur m’a chassé du Kouy-tchéou avec une verge, circonstance qui me parut alors peu digne d’attention, qui me démontrait même que mon songe n’avait rien de surnaturel, ou que tout au moins il ne l’était pas dans ce détail futile. Mais aujourd’hui, ayant mieux vu les choses, j’en juge tout autrement ; car, dans les temps qui suivirent ce songe, chaque foi que j’entrais au Kouy-tchéou, j’en étais chassé comme par une verge.

Enfin, notre Évêque, voyant que ma faiblesse ne me permettait plus d’y aller, a chargé le prêtre Sên de cette province. C’est ainsi que j’ai toujours compris ce songe : que la religion chrétienne ne ferait que des progrès peu sensibles dans le Kouy-tchéou. Il m’est arrivé encore beaucoup d’autres songes sur cette mission dont on peut, si je ne me trompe, constater chaque jour la réalisation.

Votre très humble et inutile serviteur,

Moÿe,

Missionnaire apostolique dans la partie orientale du Su-tchuen.

24 mars 1779.

(Archives de la Propagande.)

Portieux, volume a 24, XL

 

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