Relation
de la mort de M. Moÿe,
le 4 mai 1793.
(par M. Feÿs)
Pretiosa in coonspectu Domini mors sanctorum ejus.
Je puis vous assurer que ce saint homme est une victime immolée à la justice de Dieu pour lexpiation des péchés de la malheureuse France. Son agonie a duré trois jours, dans laquelle il a éprouvé de grandes douleurs, quil a souffertes avec une patience admirable. Jai eu la consolation de lassister dans ses derniers moments ; quel amour pour son Dieu ! quel désir daller sunir à lui ! Le jour quil est tombé malade, il fit le sacrifice de sa vie ; il soffrit comme une hostie pour la fin du malheureux schisme ; il me dit quil avait aussi demandé au Seigneur de le purifier dans cette maladie, non seulement de toute affection au péché, mais de tout sentiment qui porte au péché. Cinq jours après, il voulut recevoir le Saint Viatique ; ah ! M., je ne puis vous retracer les sentiments damour quil éprouvait dans son cur ; après avoir reçu son Créateur, malgré la fièvre qui était continue, il demanda quon le laissât au moins trois quarts dheure pour sentretenir avec son Créateur en actions de grâces. Il répétait souvent ces paroles de saint Paul : Vivo jam non ego, vivit vero in me Christus
; (Ga 2, 20) Je vis non pas moi, mais le Christ vit en moiet ces autres du prophète : Quid mihi est in clo ? a te quid volui super terram. Deus cordi mei, et pars mea Deus in æternum (Ps 72, 25 et 26) Car quy a-t-il pour moi dans le ciel ? et que désiré-je sur la terre que vous Seigneur qui êtes le Dieu de mon cur et mon partage pour léternité. M. le Curé de la paroisse vint le visiter et lexhorter à faire son sacrifice. Ah ! M., lui répondit-il : Unam petii a Domino, hanc requiram ut inhabitem in domo Domini omnibus diebus vitæ meæ. (Ps 26, 4) Jai demandé au Seigneur une seule chose et je la rechercherai uniquement, cest dhabiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie. Une personne pieuse, désirant le voir et recevoir sa bénédiction, il lui accorda cette faveur et lentretint de choses spirituelles, qui firent de vives impressions sur son cur ; il suffisait de le voir et de lentendre pour éprouver des sentiments qui portaient au détachement des créatures, et à un grand désir daimer et de servir Dieu. Je vous avoue que, depuis sa mort, jéprouve ces sentiments, et jai confiance que ce saint prêtre, conjointement avec M. le curé de Charmes, mobtiendront cette grâce.
Ses bonnes Surs vinrent lui demander sa bénédiction quil leur donna en disant : Que Dieu vous multiplie, si cest sa sainte volonté Un quart dheure avant dentrer en agonie, je fus dans sa chambre pour lui faire les prières des mourants ; dès quil nous vit rassemblés autour de son lit, il étendit ses bras en forme de croix pour nous montrer quil fallait prier les bras en croix. Trois jours avant sa mort, il perdit lusage de la parole ; mais je crois bien quil ne perdit pas la présence desprit et le sentiment ; il avait lair de prier et de sentretenir avec son Dieu. Il a eu peu de transports pendant son agonie ; enfin avant dexpirer il leva les yeux au Ciel, quil avait tenus fermés pendant deux jours, et rendit paisiblement son âme à Dieu, à quatre heures du matin, un jour de samedi, 4 mai, fête de sainte Monique.
Il est mort en saint, après quinze jours de maladie.