Etablissement des Ecoles.
Ce fut pour Mr. Gleyo et moi une grande joie de nous revoir, et de nous communiquer nos sentiments réciproques ; il établit dans son district toutes les pratiques de piété qui étaient en usage dans le nôtre, et il en fut si enchanté, quil en écrivit à Mgr. pour en faire léloge, en rapportant le fruit quelles produisaient. Je lui parlai encore dun autre projet que je roulais dans mon esprit : cétait létablissement des écoles chrétiennes de filles ; il le rejeta dabord, le regardant comme impossible, et il mexposa les raisons qui lui paraissaient devoir rendre ce dessein impraticable. Cependant après mon départ, il y pensait toujours, discutant le pour et le contre ; enfin il se dit à lui-même : Si cest la volonté de Dieu, il ny aura pas dobstacles quon ne surmonte ; et là-dessus, il commença à prier. Comme il disait lAvé Maria, la Saint Vierge lui apparut par derrière (pour lui marquer quil lui tournait le dos et quil lui était opposé), et elle lui dit par une inspiration formelle : " cet établissement est mon ouvrage. "
Mr. Gleyo sattendait dautant moins à cela, que cétait le contraire de ce quil pensait ; il ne manqua pas de mécrire ce qui lui était arrivé. Je lui envoyai une vierge nommée Françoise Gên, de Hê Kiâ tung. Son père était un avare, mais réglé à lextérieur ; sa mère fort attachée au temporel et à louvrage ; mais avec le secours divin et bien des pleines, comme il y avait chez elle un bon fonds, elle devint un excellent sujet. Cette fille étant venue, accompagnée décemment, après un voyage de vingt jours environ, fut très mal reçue par les principaux du lieu ; on murmurait contre elle, disant par jalousie quon navait pas besoin dune fille étrangère pour les venir enseigner ni leurs enfants.
Mr. Gleyo la plaça dans un endroit où on ne la regardait pas, et où on la laissait mourir de faim ; une bonne femme me dit quon la laissa trois jours sans manger ; comme elle était fort sensible, cette affliction la pénétra de douleur ; mais la grâce la soutenait, elle souffrait tout en silence ; cest une grande âme que Dieu a toujours conduite par les voies de la croix, et ce commencement si humiliant eut les plus heureuses suites .On commença à prendre confiance en elle ; elle édifia par ses exemples et ses instructions, elle alla ensuite dans la province de lYûn-nân, où la providence établit la plus belle école, où elle forma des filles plus âgées quelle, et les rendit capables de devenir des maîtresses.