QUATRIÈME PARTIE

Chapitre I

Des Moyens les plus nécessaires

pour obtenir la Grâce

La première chose qu'il faut faire pour obtenir la Grâce, c'est d'ôter les obstacles que nous mettons à ses communications, à ses effets, et à ses progrès, ainsi qu'on vient de l'exposer dans la troisième Partie. Et c'est la principale obligation de l'homme. C'est ce que la Grâce de Dieu exige de lui, afin qu'ayant vidé son cœur des affections criminelles et déréglées, vicieuses, charnelles, humaines, sensuelles, et de l'esprit du monde, il le remplisse ensuite de la Grâce et de son esprit. C'est le devoir de l'homme de préparer son âme à la Grâce, - hominis est animam præparare (Pr 16, 1), - en éloignant les obstacles à la Grâce. Et l'ouvrage de Dieu, c'est de la remplir de sa Grâce.

C'est ce que le Saint-Esprit a voulu nous faire voir sensiblement par l'histoire de cette Veuve en faveur de laquelle le Prophète Élisée fit un miracle en multipliant son huile : " Allez ", lui dit-il, " empruntez beaucoup de vases vides de vos voisins, et vous les remplirez de ce peu d'huile qui vous reste " (2 R 4, 3-4). Elle le fit, et à mesure qu'elle versait l'huile dans ces vases, elle se multipliait, de sorte qu'après les avoir remplis tous il en restait toujours autant.

Voilà, selon les Saints Pères et les Interprètes, une image sensible de la disposition où Dieu nous veut pour nous communiquer sa Grâce. Il cherche des vases vides de la corruption du péché et de l'esprit mondain afin de les remplir de sa Grâce. Il est bon, libéral, prêt à nous communiquer tous ses dons. Mais si nos cœurs sont remplis de toute autre chose, de pensées et d'affections mauvaises ou même vaines et inutiles, l'onction de la Grâce n'y entrera pas. Un vase plein d'ordure ou de terre n'est point propre à recevoir une liqueur précieuse, à moins qu'on ne le vide et qu'on ne le nettoie d'abord. Ainsi ce n'est point la Grâce qui nous manque, non plus que cette huile miraculeuse qui en était la figure ; mais ce sont des sujets propres à la recevoir qui manquent à la Grâce. Voilà pourquoi Dieu, voulant conférer la Grâce sanctifiante aux pécheurs, les avertit et leur ordonne de purifier leur cœur : Mundate corda vestra [Scindite corda vestra et non vestimenta vestra (Jl 2, 13)].

C'est aussi ce que le Sauveur lui-même a voulu nous faire entendre lorsque, voulant ressusciter Lazare, il commanda qu'on ôtât la pierre qui était sur son tombeau. Il aurait pu le ressusciter sans cela. Mais il n'en agissait de la sorte que pour nous apprendre que lorsqu'il s'agit de notre résurrection à la Grâce, figurée par celle de Lazare, il faut que nous fassions ce que nous pouvons, comme dit le Concile de Trente après saint Augustin, et que nous demandions ce que nous ne pouvons pas. Or, ce que nous pouvons et nous devons faire d'abord, et ce que Dieu exige de nous en premier lieu, c'est que nous ôtions les obstacles à la Grâce en quittant le péché, en évitant les occasions du péché, en renonçant aux mauvaises habitudes du péché, enfin, en renonçant au monde et à l'esprit du monde. Voilà le premier pas qu'il faut faire pour se disposer à recevoir la Grâce, ôter les obstacles qui l'empêchent de se communiquer à nous, et c'est là l'ouvrage de l'homme, excité néanmoins déjà et aidé des secours de la Grâce [Concile de Trente, session 6, ch. 6 (COD. p. 648-649)].

Car comme on l'a dit plus haut, l'homme ne peut se disposer comme il faut à la Grâce sans la Grâce. Il ne peut lever les obstacles à la Grâce d'une manière surnaturelle, en vue de Dieu et de son salut, que par la force de la Grâce. Les obstacles levés, ce qu'il doit faire, c'est de recourir aux moyens les plus propres et les plus efficaces pour obtenir la Grâce, dont les principaux sont, 1° la prière, 2° la confiance et le recours aux mérites de Jésus-Christ et l'invocation des Saints, 3° le saint Sacrifice de la Messe, 4° le saint et fréquent usage des Sacrements, 5° la reconnaissance pour les Grâces reçues, le bon usage des présentes, et un saint désir de celles dont nous avons besoin pour l'avenir.

Chapitre II

Premier Moyen. La Prière

" Demandez, et vous recevrez " (Jn 16, 23). Mais cette prière doit être faite comme il faut. " Vous demandez et vous ne recevez pas ", dit saint Jacques, " parce que vous demandez mal " (Jc 4, 3). La prière nous obtient infailliblement la Grâce, comme l'enseignent les théologiens, mais pour cela il faut qu'elle ait certaines qualités ; il faut qu'elle soit faite, 1° avec foi, confiance, et contrition ; 2° avec attention, dévotion, et respect : attention dans l'esprit pour penser à ce que l'on dit ; dévotion dans le cœur pour en être touché ; respect pour la présence de Dieu à qui l'on parle, respect intérieur qui nous saisit d'une sainte frayeur à la vue de la Majesté divine devant laquelle les Anges tremblent et se prosternent, respect extérieur par une posture modeste et une prononciation distincte ; 3° avec humilité : " Dieu résiste aux superbes et donne sa Grâce aux humbles " (Pr 3, 34) ; il ne nous élève qu'autant que nous nous abaissons nous-mêmes, et le moyen le plus propre pour attirer ses faveurs, c'est de s'en reconnaître indigne ; la parabole du Pharisien et du Publicain en est une preuve sensible ; 4° avec ferveur, c'est-à-dire avec un grand désir qui naît de la connaissance intime de notre misère, de nos besoins, et d'une haute estime de la Grâce, parce que Dieu n'accorde ordinairement ses dons qu'à ceux qui en connaissent le prix et qui les désirent avec une sainte ardeur ; une prière tiède et languissante est comme une flèche lancée sans force qui ne peut atteindre le but, mais qui retombe aussitôt à terre. Voilà pourquoi Jésus-Christ, voulant accorder quelque faveur, en excitait le désir dans le cœur de ceux à qui il voulait les faire ; ainsi il demandait à ce Paralytique de l'Évangile : " Voulez-vous être guéri ? " (Jn 5, 6). Et pour exciter dans la Samaritaine l'estime et le désir de la Grâce qu'il allait lui communiquer, il lui dit : " Si vous connaissiez le don de Dieu " (Jn 5, 10). 5° La prière doit être assidue. On ne sait à quoi on s'expose en négligeant un seul jour la prière ou en l'omettant dans une seule rencontre : la chute de saint Pierre en est une preuve. Elle doit encore être persévérante. Ce n'est qu'à cette condition que Dieu a promis de l'exaucer infailliblement. Il faut prier souvent, prier sans cesse et constamment. Il ne suffit pas pour obtenir certaines Grâces de les demander pendant quelques jours, quelques semaines, mais il les faut demander pendant des semaines entières et toute la vie.

L'Église dans ses prières s'adresse tantôt au Père des miséricordes, " au Père des lumières de qui vient tout don parfait et toute Grâce excellente " (Jc 1, 17) ; tantôt au Fils, qui nous a mérité toutes les Grâces du salut, et au nom duquel seul nous pouvons être sauvés ; et souvent au Saint-Esprit, qui est la cause immédiate de la Grâce, " la distribuant à un chacun comme il lui plaît par lui-même " (1 Co 12, 11). C'est pour cela qu'elle lui fait si souvent cette prière, " Venez, Esprit-Saint " ; Veni, sancte Spiritus.

À la prière l'Église a coutume de joindre le jeûne et l'aumône. Cet usage est autorisé par beaucoup d'endroits de l'Écriture. Ce fut ainsi que les Ninivites apaisèrent la colère de Dieu et se concilièrent sa miséricorde par le jeûne et la prière. " Donnez l'aumône ", dit l'Écriture, " et elle priera pour vous " (Si 29,15).

Ainsi, quand on veut obtenir de Dieu quelque Grâce spéciale, il faut avoir recours à ces moyens salutaires. On peut encore y ajouter le vœu, fait avec discrétion et prudence ; c'est ainsi qu'ont agi les Saints de l'Ancien Testament, de même que ceux du Nouveau, lesquels, voulant obtenir de Dieu quelque faveur particulière, faisaient à cette intention des vœux que Dieu a souvent exaucés en leur accordant ce qu'ils demandaient. Tout autre bonne œuvre, surtout les œuvres de pénitence et de miséricorde tant spirituelles que corporelles, sont très efficaces pour nous procurer la Grâce : la pénitence, parce qu'elle nous y dispose en nous purifiant, ainsi que l'Église le dit dans l'oraison du mardi de la semaine de la Passion, " Seigneur, que nos jeûnes vous soient agréables, et qu'en nous purifiant ils nous rendent dignes de votre Grâce et de votre miséricorde " ; la miséricorde, parce qu'il est dit, " Donnez, et il vous sera donné " (Lc 6, 38). " Bienheureux ceux qui font miséricorde, parce qu'on leur fera miséricorde " (Mt 5, 7).

Cependant, comme on l'a déjà dit, toutes les bonnes œuvres faites en état de péché mortel ne peuvent mériter la Grâce d'un mérite absolu et rigoureux, mais seulement d'un mérite de convenance qui engage la bonté de Dieu à nous accorder par miséricorde ce qu'il pourrait nous refuser dans la rigueur de sa justice.

Aussi, après tout ce que nous avons pu faire nous pouvons dire avec le Prophète, " Seigneur, ce n'est pas dans la confiance que nous avons dans nos bonnes œuvres que nous vous présentons nos prières, mais dans celle que nous inspire la multitude de vos miséricordes ", non enim justificationibus nostris presternimus preces nostras ante faciem tuam, sed in miserationibus tuis multis (Dn 9, 18). Le plus grand et le plus puissant motif que nous puissions présenter à Dieu pour obtenir la Grâce, c'est lui-même : propter temetipsum ; c'est son nom, propter nomen tuum ; c'est la gloire de ce saint nom, propter gloriam nominis tui ; c'est sa bonté, propter bonitatem tuam ; c'est sa miséricorde, propter misericordiam tuam ; c'est sa parole, propter verbum tuum, et la vérité infaillible de ses promesses, propter veritatem tuam, et les mérites de Jésus-Christ. Tout au contraire, le grand obstacle que nous puissions y apporter, ce sont nos péchés, c'est notre indignité.

Sainte Thérèse avait coutume, quand elle voulait obtenir quelque Grâce, de commencer à reconnaître qu'elle en était indigne, et elle demandait avant toutes choses que Dieu lui pardonnât ses péchés, et qu'ils ne fussent point un obstacle au bienfait qu'elle sollicitait auprès de lui.

Cette pratique nous convient beaucoup mieux qu'à cette Sainte.

DE L'ORAISON DOMINICALE

L'Oraison dominicale, bien dite, a une force merveilleuse pour obtenir la Grâce. C'est la prière par excellence, dictée par le Fils de Dieu lui-même ; elle ne manque pas d'être exaucée par son Père à cause du respect qui est dû à la dignité et au mérite de sa personne : Exauditus est pro sua reverentia (He 5, 7).

Cette prière admirable renferme tout, ou pour mieux dire une seule parole de cette Prière comprend tout, principalement ces trois fermières demandes :

" Que votre nom soit sanctifié ". Par ces paroles nous demandons expressément la gloire de Dieu, et implicitement la conversion et la sanctification de tous les hommes par la Grâce, car le nom de Dieu ne sera glorifié sur la terre qu'autant que les hommes, éclairés et touchés par la Grâce, connaîtront, aimeront, adoreront, béniront, et serviront Dieu.

Ces paroles, " Que votre règne arrive ", demandent expressément le règne de la Grâce en ce monde et le règne de la Gloire dans l'autre.

" Que votre volonté soit faite ". Par ces paroles nous demandons la Grâce de faire en tout la volonté de Dieu, et par conséquent d'accomplir tous ses commandements, ceux de l'Église, les conseils évangéliques qui nous concernent, les devoirs de notre état, etc.

Nous demandons encore la Grâce par ces paroles, " Donnez-nous notre pain ", puisque nous demandons la nourriture de l'âme et celle du corps. Or, la nourriture de l'âme, c'est la Grâce. Voilà quelle est la force et l'énergie de la parole de Dieu, qui sous les expressions les plus simples cache des sens d'une étendue immense. Heureux ceux qui la méditent, la comprennent, et la pratiquent !

" Pardonnez-nous nos offenses ". La rémission des péchés est une grande Grâce ?

" Et ne nous laissez point succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal ". Voilà le second effet de la Grâce, de nous préserver de la tentation, de nous faire éviter le mal, de nous délivrer des ennemis du salut.

Et par ces paroles, " Ainsi soit-il ", nous demandons toutes les Grâces qui sont renfermées dans toute cette Prière.

L'Oraison dominicale doit avoir la préférence sur toutes les autres. Partout elle doit tenir la première place et être comme la base de toutes les Prières. Aussi l'Église l'emploie-t-elle à toute occasion et pour demander toutes sortes de Grâces. Plus on la récite avec piété, plus on a de goût et d'attrait à la réciter. Voilà ce que les âmes pieuses éprouvent.

DES PSAUMES

En quels termes on y demande la Grâce

[Cette section reflète bien l'expérience de jeunesse de Jean-Martin Moye, fils de fermier et proche de la nature. Note de l'éditeur]

Après l'Oraison dominicale les Prières les plus excellentes sont les Psaumes. Dans le 83ème il y est fait expressément mention de la Grâce et de la Gloire : " Le Seigneur donnera la Grâce et la Gloire " ; Gratiam et gloriam dabit Dominus (Ps 83, 11). C'est de ces paroles que l'Église compose une oraison qu'elle récite souvent à la Messe, dans laquelle elle demande la Grâce pour le siècle présent et la Gloire pour le futur. Mais dans les autres la Grâce est exprimée en des termes et sous des figures que l'on ne comprend que lorsqu'on y fait une attention particulière, ou pour mieux dire quand la Grâce elle-même nous ouvre les yeux pour se découvrir elle-même à nous. Et c'est alors qu'on est agréablement surpris en découvrant cette manne et ce trésor caché.

Si l'Écriture ne se servait que du terme de Grâce pour nous exprimer le don surnaturel qui nous est donné pour notre sanctification, nous n'en aurions qu'une idée générale et confuse. Mais elle emploie des expressions différentes pour nous faire mieux sentir la multitude de ses prospérités et de ses opérations.

La Grâce nous est souvent exprimée dans les Psaumes - par les termes de lumière, de clarté, d'intelligence : Éclairez mes yeux, " et je considérerai les merveilles qui sont renfermées dans votre loi " (Ps 118, 18) ; donnez-moi de l'intelligence, et je méditerai votre loi et je garderai vos commandements ; Dieu donne l'intelligence aux petits et sa Grâce aux humbles :

- par les termes de vie : " Vivifiez-moi selon votre parole " (Ps 118, 107), parce que c'est la Grâce qui donne, augmente, et conserve la vie de l'âme ;

- de miséricorde et de salut : " Que votre miséricorde et votre salut viennent à moi ", parce que c'est un effet de sa miséricorde puisqu'elle est donnée gratuitement, et que c'est par elle que nous sommes sauvés ;

- de vérité : " Ne retirez jamais de moi la parole de Vérité ", parce qu'elle nous la fait connaître, aimer, et pratiquer ;

- de bonté, de discipline et de science, parce qu'elle nous porte à faire du bien à tout le monde, parce qu'elle nous corrige, parce qu'elle nous apprend la science du salut, qui consiste à connaître Dieu pour l'aimer et le glorifier, et à nous connaître nous-mêmes pour nous haïr et nous corriger ;

- de direction : " Seigneur, conduisez mes pas, dirigez ma voie en votre présence " (Ps 118, 133), parce qu'elle nous guide et nous conduit dans les voies du salut en nous détournant du mal et nous portant au bien ;

- de secours, d'aide : " Seigneur, venez à mon aide et hâtez-vous de me secourir " (Ps 69, 2) ; " Le Seigneur est mon aide et mon libérateur " (Ps 17, 3), parce qu'elle nous aide à faire le bien et à éviter le mal ;

- de rédemption, parce qu'elle nous délivre des ennemis du salut, de la tyrannie du démon et du péché ; il y a dans le Seigneur une rédemption abondante, et ils nous délivrera de toutes nos iniquités ;

- de guérison : " Guérissez-moi, Seigneur, guérissez mon âme, parce que j'ai péché contre vous ", parce qu'elle guérit les plaies que le péché a causées à mon âme ; c'est pour cela qu'elle est encore exprimée sous la figure de l'huile ; de là cette expression si commune, l'onction de la Grâce, parce qu'elle en a les propriétés ; elle éclaire nos ténèbres, elle adoucit nos maux, elle guérit nos blessures, et nourrit notre âme ;

- de visite : " Visitez-nous dans votre salut ", c'est-à-dire, par votre Grâce ; Dieu nous visite en deux manières, comme dit l'Imitation, par ses consolations et ses châtiments, en reprenant nos vices et en nous exhortant à la vertu.

Souvent encore la Grâce est exprimée par le terme de reprendre, ou plutôt relever, dans le Cantique de la Sainte Vierge, Magnificat, Dieu " a repris ou relevé Israël son Serviteur ", parce que le péché nous avait retirés de la main de Dieu et fait tomber dans l'esclavage du démon, et Dieu par sa Grâce nous relève de cette chute ; il nous rapproche de lui et nous reprend entre les bras de sa miséricorde.

Les termes de paix, de bénédiction, sont fort fréquents dans les Psaumes et toutes les Écritures pour exprimer la Grâce et la multitude des Grâces du Seigneur. Le terme de paix dans la langue originale signifie toutes sortes de bien ; de là ces expressions fréquentes dans l'Évangile : " Je vous donne ma paix... La paix soit avec vous... Évangélisez la paix ", c'est-à-dire, annoncer tout bien. Bénir, de la part des hommes, c'est dire et souhaiter du bien, mais de la part de Dieu, c'est en faire en nous comblant de ses faveurs. Ainsi, chaque fois que nous demandons à Dieu sa bénédiction, nous lui demandons qu'il nous comble de ses Grâces et de ses faveurs.

La Grâce est encore exprimée fréquemment dans les Psaumes, l'Écriture, par le regard du Seigneur: " Dieu a jeté les yeux sur l'humilité de sa servante... Jetez un regard sur moi ". Le regard du Seigneur marque que la vue qu'il a de nos besoins et de nos misères excite sa compassion et le porte à y subvenir par sa Grâce. Ainsi est-il dit dans l'Évangile que Jésus-Christ " regarda " saint Pierre après sa chute, et aussitôt il se convertit et pleura amèrement.

Mille autres figures nous représentent encore la Grâce dans l'Écriture : l'eau, la rosée, la pluie : " Vous puiserez avec joie des eaux des sources du Sauveur " (Is 12, 3). Il disait lui-même à la Samaritaine en parlant de la Grâce : " Ah ! si vous connaissiez le don de Dieu, vous m'eussiez vous-mêmes demandé de l'eau vive ; il se fera en celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, une source d'eau vive qui rejaillira pour la vie éternelle " (Ps 67, 10). " Vous avez préparé une pluie abondante à votre héritage ", parce que, de même que la pluie et la rosée descendent du Ciel pour fertiliser la terre, la Grâce qui descend du Ciel rend notre âme féconde en bonnes œuvres. Tout cela exprime l'efficacité de la Grâce. Sa nécessité nous est aussi bien expressément marquée dans ces paroles, Nisi Dominus ædificaverit domum (Ps 126, 1) ; " Si Dieu ne bâtit la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent ; et s'il ne garde lui-même une ville, c'est en vain qu'on veille pour la garder. C'est-à-dire qu'on ne peut sans la Grâce ni faire le bien ni persévérer dans le bien.

Enfin, comme c'est le Saint-Esprit qui inspire et meut notre esprit par sa Grâce, de sorte que la Grâce dans son principe n'est autre que l'Esprit de Dieu même agissant en nous par sa Grâce, ce que les Théologiens appellent Grâce incréée, quoique les dons de cette Grâce qui nous sont communiqués, et que les Théologiens nomment Grâces créées, sont distingués du Saint-Esprit comme l'effet de la cause, l'Écriture les exprime souvent par le seul terme d'esprit [Rappelons que Moye utilise le mot esprit en des sens bien différents, et qu'il est parfois difficile de voir, par exemple, s'il s'agit de la grâce créée présente dans l'âme ou du Saint-Esprit en sa Personne, ou encore s'il s'agit de la nature, essence, ou pensée divine ou du Saint-Esprit. Certains contextes autorisent plusieurs lectures. Note de l'éditeur] : " J'ai ouvert la bouche pour prier et j'ai attiré en moi l'esprit ", c'est-à-dire la Grâce : Os meum aperui et attraxi spiritum (Ps 118, 131). Affermissez-moi dans " un esprit de force et de dévotion ", car le mot hébreu signifie l'un et l'autre. Spiritu principali confirma me (Ps 50, 12) ; " Votre esprit me conduira " : Spiritus tuus bonus deducet me (Ps 50, 14).

L'Évangile dit aussi de Notre-Seigneur qu'il " fut conduit dans le désert par l'Esprit " (Mt 4, 1). Cette expression est très fréquente chez saint Paul pour marquer la Grâce : " L'esprit des Prophètes est soumis aux Prophètes... Si nous vivons par l'esprit, agissons par l'esprit " ; Si spiritu vivimus, spiritu et ambulemus (Ga 5, 25). Vivre par l'esprit, c'est être dans la Grâce habituelle ; agir par l'esprit, c'est suivre le mouvement de la Grâce actuelle. " Mortifions par l'esprit les œuvres de la chair ", c'est-à-dire, réprimons les mouvements de la concupiscence par ceux de la Grâce. L'Apôtre appelle chair la concupiscence, parce que c'est surtout dans la chair qu'elle se fait sentir, et esprit la Grâce, parce que c'est le Saint-Esprit qui la communique immédiatement à notre esprit.

Par l'esprit, saint Paul entend aussi la ferveur que le Grâce excite en nous, comme quand il dit, renovamini spiritu mentis vestræ (Ep 4, 23), " Renouvelez-vous dans la ferveur de votre esprit " ; spiritum nolite extinguere (1 Th 5, 19), " Ne laissez point ralentir votre ferveur " ; psallam spiritu, psallam et mente (1 Co 14, 15), " Je prierai avec ferveur et avec intelligence, de cœur et d'esprit, avec dévotion et attention ".

Le terme de création exprime encore la Grâce : Emitte Spiritum tuum et creabuntur, " Vous enverrez votre Esprit et il se fera une création nouvelle " ; Cor mundum crea in me Deus, et Spiritum rectum innova in visceribus meis (Ps 50, 12), " Mon Dieu, créez en moi un cœur pur, et renouvelez en moi un esprit de droiture ", parce qu'il se fait en nous par la Grâce une création nouvelle dans l'ordre surnaturel. De là cette expression de saint Paul, que nous devons être en Jésus-Christ une nouvelle créature, nova creatura (Ga 6, 15), nous dépouiller du vieil homme et noue revêtir de l'homme nouveau. Et cette seconde création, que l'Écriture appelle régénération, est bien plus noble sans comparaison que la première, puisqu'elle nous fait enfants de Dieu. Aussi cette seconde naissance faite par la Grâce est-elle plus difficile. Celle-ci n'a coûté à Dieu qu'un seul acte de sa volonté, et celle-là est le prix du Sang de Jésus-Christ. Le néant a obéi à la voix du Créateur sans délai et sans résistance, et l'homme résiste souvent à la Grâce de son Rédempteur.

Ce que Dieu fait dans la nature est une image de ce qu'il fait en nous par sa Grâce, et les opérations de la nature nous représentent celle de la Grâce. Ainsi tout ce que nous voyons doit nous faire penser à la Grâce et nous porter à la désirer et à la demander. En voyant le soleil, le feu, nous devons demander la lumière et la ferveur de la Grâce. En voyant la pluie, la rosée, nous devons demander qu'il répande en nos âmes la rosée céleste de sa Grâce. En voyant les productions de la terre, nous devons désirer que la Grâce fructifie en nous. L'eau qui s'écoule dans la vallée nous invite à nous humilier pour attirer la Grâce qui se communique aux humbles. Quand nous voyons au printemps les plantes se reproduire, prions que Jésus-Christ nous ressuscite avec lui par sa Grâce en nous donnant un esprit nouveau, une ferveur nouvelle : Ecce nova facio omnia (Ap 21, 5). Ainsi à l'occasion de mille choses dont la vue réveille en nous l'idée de la Grâce devons-nous la désirer et la solliciter.

Le Saint-Esprit compare le juste à un arbre planté proche le courant des eaux (Ps 1, 3), qui porte du fruit en son temps et dont les feuilles ne tombent point. En effet, un arbre nous représente par ses feuilles les bonnes pensées, par ses fleurs les bons désirs, par ses fruits les bonnes œuvres que Dieu nous inspire et nous fait accomplir par sa Grâce. Nous devons prendre de là occasion de demander que la Grâce opère tout cela en nous et avec nous. La beauté d'une fleur, la blancheur d'un lys, doit nous faire soupirer après la candeur et la pureté que la Grâce donne à notre âme, et nous faire détester la laideur du péché et travailler à la purifier de la tache et de la noirceur qu'elle lui cause.

La multiplicité des plantes et des fleurs, la variété de leurs couleurs et leur bonne odeur, nous représente la multiplicité et la diversité des dons de la Grâce et la bonne odeur des vertus qui font l'ornement et l'édification de l'Église. Un laboureur cultivant la terre et y semant son grain doit penser à se disposer à recevoir le bon grain de la Grâce, et demander qu'elle germe et qu'elle fructifie dans son âme comme dans une bonne terre. Une femme mettant le levain dans la pâte doit souhaiter que la Grâce entrant dans son cœur lui communique sa vertu pour la sanctifier, la spiritualiser, et la diviniser, pour ainsi dire, en rendant ses affections toutes surnaturelles et toutes célestes, à peu près comme le levain communique sa saveur à toute la pâte. En buvant, en mangeant, nous devons prier que Dieu nourrisse, fortifie, réjouisse notre âme par la force, la vertu, et l'onction de sa Grâce, car les aliments corporels sont une image de la nourriture spirituelle, qui est la Grâce. C'est ainsi que Notre-Seigneur prenait occasion de la vue de toutes ces choses naturelles pour élever ses Disciples à la considération des choses surnaturelles. Quand ils lui apportaient à manger, par exemple, il disait, " J'ai une autre nourriture,... et cette nourriture, c'est de faire la volonté de mon Père " (Jn 4, 32-34).

Puisque tout ce que nous voyons, pour ainsi dire, dans la nature nous montre les opérations de la Grâce, ne nous étonnons plus que l'Écriture nous l'ait représentée sous l'emblème de tant de choses différentes qui se passent dans l'ordre naturel.

La Grâce est cachée et encore enveloppée sous mille autres expressions figurées qui exciteront beaucoup notre ferveur à la demander si nous en comprenions mieux la force. Cette parole même, force, signifie souvent la Grâce, de même que ces autres : vertu, puissance, joie, consolation, sagesse, prudence, refuge, bouclier, rempart, élargissement : Dilatasti cor meum (Ps 118, 32), " Vous avez dilaté mon cœur " ; inclination : Inclina cor meum in testimonia tua (Ps 118, 36), " Tournez mon cœur vers la pratique de vos Commandements ".

Si on lit attentivement le Psaume que j'ai souvent cité, on verra que chaque verset renferme au moins implicitement le désir et la demande de la Grâce nécessaire pour observer la Loi de Dieu.

Puisque la Grâce est renfermée en tant de manières dans les Psaumes, je conclus qu'après l'Oraison dominicale, c'est la Prière la plus excellent qu'on puisse faire pour l'obtenir.

Une autre chose qui doit exciter notre dévotion à la récitation des Psaumes, c'est qu'il y est très souvent et presque continuellement fait mention de Jésus-Christ, surtout de sa Passion, dont le souvenir doit nous être si cher et si précieux : Memoriale ejus super vinum Libani (Os 14, 7).

Après les Psaumes et les autres Prières tirées de l'Écriture, les Oraisons de l'Église doivent avoir le premier rang. Elles sont admirables par leur simplicité et par l'étendue des demandes qu'elles contiennent. Telles ont, par exemple, celles où elle demande que les Fidèles voient tout ce qu'ils doivent faire et qu'ils aient la force de l'exécuter, que Dieu écarte de nous tout ce qu'il prévoit devoir nous nuire, et qu'il nous accorde tout ce qu'il sait devoir nous être profitable, qu'il augmente en nous la foi, l'espérance, et la charité. En voici une toute entière. C'est celle du premier Dimanche après la Pentecôte :

Ô Dieu, qui êtes la force de ceux qui espèrent en vous, écoutez favorablement nos prières ; et parce que la faiblesse de l'homme ne peut rien sans vous, donnez-nous la force de votre Grâce, afin que dans tous nos désirs et toutes nos œuvres nous puissions vous plaire en exécutant fidèlement tout ce que vous nous demandez, par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Que peut-on demander davantage ? Les autres sont à peu près de la même force.

Je trouve aussi admirable cette courte Prière, que je dis souvent: Laus Deo, pax vivis, requies defunctis ; " La Gloire à Dieu, la paix aux vivants, le repos et la délivrance aux âmes du Purgatoire ", et celle-ci, " Seigneur, ôtez de moi tout ce qui vous déplaît, et mettez en moi tout ce qui vous plaît ".

Cette seule parole, Kyrie eleison, Miserere mei, " Seigneur, ayez pitié de moi ", est une admirable prière pour demander la Grâce, puisqu'elle exprime tout à la fois le besoin que nous en avons par la vue de notre misère, et notre confiance en Dieu, à qui nous nous adressons pour y subvenir.

Chapitre III

Second moyen.

La confiance et le recours aux mérites de Jésus-Christ

Puisque Jésus-Christ est la cause méritoire de toutes les Grâces, c'est à lui qu'il faut recourir pour les obtenir. Ce n'est que par lui, c'est-à-dire par ses mérites, par son intercession, par son sang, par sa mort, par ses souffrances, que nous pouvons les recevoir. Aucune Grâce n'a été et ne sera donnée aux fils d'Adam qu'en Jésus-Christ, que par Jésus-Christ. " Il n'est point d'autre nom sous le Ciel donné aux hommes en qui ils puissent être sauvés " (Ac 4, 12). C'est pourquoi le Sauveur nous avertit lui-même de prier en son nom : " Si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom vous l'obtiendrez " (Jn 16, 23). Aussi l'Église termine-t-elle ses Oraisons par cette conclusion, Per Dominum Nostrum Jesum Christum.

Ainsi, chaque foi que nous voulons obtenir de Dieu quelque Grâce, nous devons ranimer notre confiance en Jésus-Christ, présenter à Dieu le prix du Sang de Jésus-Christ, invoquer le nom de Jésus-Christ, recourir au sacré cœur de Jésus-Christ, à la sainte âme de Jésus-Christ en qui sont renfermés tous les trésors de la science et de la sagesse, où résident toutes les Grâces créées comme dans leur source, d'où elles découlent sur toute l'Église de même que la tête influe sur tout le corps en répandant les esprits vitaux dans tous les membres pour les animer. Ainsi l'âme de Jésus-Christ, chef invisible de toute l'Église, répand les influences de son esprit, qui sont les Grâces, sur les Fidèles, qui sont les membres de son corps, pour les éclairer, les animer, les fortifier, les exciter, les mouvoir, les gouverner, les vivifier de la vie spirituelle de la Grâce. On ne fait pas assez d'usage de cette vérité dans la pratique ; on ne pense pas assez à recourir aux mérites de Jésus-Christ pour demander et obtenir les Grâces qu'on désire. Nous ne pouvons pas assez reconnaître et protester que ce n'est qu'en son nom et par ses mérites que nous les espérons et que nous les demandons.

Saint François de Sales veut qu'avant de recevoir l'absolution le pécheur ranime sa confiance en Jésus-Christ et reconnaisse qu'il n'espère le pardon de ses péchés que par ses mérites. En coûterait-il beaucoup d'ajouter après chaque prière, " Mon Dieu, je vous demande cette Grâce au nom et par les mérites de Jésus-Christ " ?

Je me suis toujours rappelé avec édification ce que j'ai lu dans Le Chrétien intérieur, que M. de Bernières [Jean de Bernières-Louvigny (1602-1659) était un laïc, membre de la Compagnie du Saint-Sacrement, qui avait fait un vœu privé de pauvreté. Ses ouvrages, L'Intérieur chrétien, Le Chrétien intérieur, furent publiés après sa mort, ainsi qu'une compilation appelée, Œuvres spirituelles, qui fut publiée par les soins de sa sœur, Jourdaine de Bernères-Louvigny, supérieure des Ursulines de Caen. Il fut soupçonné de quiétisme ; Le Chrétien intérieur fut mis à l'index en 1689 et les Œuvres spirituelles en 1692. Voir Raoul Heurtevent, L'Œuvre spirituelle de Jean de Bernières, Paris, 1938. Note de l’éditeur], un vendredi-saint au pied de la Croix, avait ressenti les impressions salutaires de la vertu de l'eau et du sang qui étaient sortis du côté ouvert de Jésus-Christ. Allons, allons donc à la source ; allons à Jésus-Christ, " l'auteur et le consommateur de notre foi " (He 12, 2) ; allons puiser dans son sacré cœur, dans sa sainte âme, dans ses plaies adorables les Grâces et les vertus ; allons avec confiance au pied de sa Croix comme au trône de sa miséricorde pour trouver et obtenir la communication de ses Grâces, qu'il nous a méritées par la mort ignominieuse qu'il y a soufferte et par le sang précieux qu'il y a répandu. C'est là le trésor inépuisable où nous trouvons et où nous devons puiser sans cesse toutes les Grâces du salut. Que la dévotion qui nous porte à Jésus-Christ est solide et nécessaire ! C'est en lui et par lui que nous avons reçu toutes les bénédictions célestes des biens spirituels.

Or, les bénédictions de Dieu ne sont autre chose que la communication de ses Grâces. On ne peut trop entrer dans le détail des circonstances de la vie, de la passion, et de la mort de Jésus-Christ pour en recueillir le fruit, puisqu'il n'en est aucune qui ne nous ait mérité un trésor de Grâces, et de Grâces spéciales.

Ainsi demandons,

- par les neuf mois qu'il est demeuré dans le sein de la Sainte Vierge la conservation des enfants dans le sein de leur mère afin qu'ils reçoivent le baptême ;

- par sa Naissance pauvre, humble, demandons l'amour de la pauvreté et des humiliations ; par ses larmes, des larmes de pénitences et de componction ;

- par sa Circoncision, un cœur pur, la force de mortifier continuellement nos passions, de retrancher de nos désirs, pensées, paroles, sentiments, affections, et actions, tout ce qu'il y a de vicieux, de mondain, et d'inutile ;

- par sa Présentation au Temple, un esprit de piété et de dévotion qui nous porte à nous dévouer et à nous consacrer au service de Dieu par un sacrifice entier de tout ce que nous sommes et de tout ce qui est à nous, ne voulant faire usage de nos talents, de nos biens, que pour la plus grande gloire de Dieu et notre salut ;

- par sa fuite en Egypte, un détachement de la terre qui nous y fasse regarder comme des voyageurs et des étrangers, n'y ayant point de demeure fixe, et un abandon total à la Providence ;

- par son enfance, la simplicité, la candeur, l'innocence des enfants, la sainte éducation de la jeunesse ;

- par sa demeure à Nazareth, la Grâce habituelle par laquelle il demeure en nous et nous en lui ;

- par son obéissance et sa soumission envers la Sainte Vierge et saint Joseph, l'obéissance et la soumission envers nos supérieurs naturels, spirituels, et temporels ;

- par sa vie cachée, l'amour d'une vie retirée et cachée en Dieu, inconnue aux hommes ;

- par ses travaux, la Grâce de supporter les nôtres avec patience dans un esprit de religion et de pénitence ;

- par ses saintes conversations, la Grâce de converser saintement avec le prochain quand la charité ou le devoir l'exige ;

- par l'humilité par laquelle il a bien voulu s'abaisser jusqu'à servir les hommes (car Jésus-Christ a travaillé avec saint Joseph pour le public) et laver les pieds des Apôtres, demandons-lui la Grâce de rendre au prochain les services les plus bas et les plus humiliants ;

- par son Baptême et son jeûne, la Grâce de jeûner et de faire pénitence ;

- par sa retraite dans le désert, un esprit de recueillement qui, nous faisant fuir la dissipation du monde, conserve toujours en nous le sentiment de la présence de Dieu.

- par ses prédications, demandons la Grâce d'écouter la parole de Dieu avec respect et avec fruit ;

- par le choix de ses Disciples, de bons Pasteurs pour l'Église ;

- par ses miracles, qu'il opère en nous les miracles de la Grâce en guérissant les maladies spirituelles de notre âme, en éclairant les aveugles, en rendant l'ouïe aux sourds, en ressuscitant les morts, c'est-à-dire les pécheurs, et une grande charité pour soulager le prochain dans ses maladies et tous ses besoins spirituels et corporels ;

- par ses prières, l'attention et la dévotion dans les nôtres ;

- par la frugalité de ses repas, la sobriété et la tempérance dans les nôtres ;

- par son repos, la Grâce de sanctifier le nôtre.

Par son Sacré-Cœur demandons-lui un cœur droit, un cœur pur, un cœur sincère, un cœur contrit et humilié, que les amertumes qu'il a ressenties dans son cœur à la vue de nos péchés passent dans les nôtres, et que les affections de tendresse qu'il a eues pour son Père, sa Mère, et son Épouse qui est l'Église se communique aussi au nôtre ; en un mot, qu'il forme en nous un cœur nouveau embrasé de l'amour de Dieu et prochain. Demandons par son âme qu'il sanctifie les nôtres avec toutes ses puissances, notre entendement par ses divines lumières, notre volonté en la rendant conforme en tout à la sienne, notre mémoire en la remplissant du souvenir de ce qu'il a fait et souffert pour la gloire de son Père et notre salut.

Adorons, aimons, admirons l'intérieur de Jésus, et prions-le que ses saintes pensées, ses pieux désirs, ses divins sentiments entrent dans le nôtre. Demandons encore par ses vertus, par sa douceur, son humilité, sa patience, sa charité, le sentiment et la pratique des mêmes vertus.

Venons à sa Passion, par laquelle il nous a amassé tant de trésors de Grâce.

- par son agonie dans le Jardin des Olives, demandons-lui une saint agonie ;

- par ses peines intérieures, tristesses, crainte, ennui, la Grâce de souffrir patiemment toutes sortes de peines intérieures, même sans consolation de la part des hommes si Dieu veut que nous en soyons privés ;

- par sa conformité à la volonté du Père, une parfaite soumission aux ordres de Dieu et une dépendance totale de son bon plaisir dans les circonstances les plus tristes, les plus affligeantes, et les événements les plus fâcheux ;

- par le Calice d'amertume qu'il a accepté des mains de son Père, l'acceptation de toutes les peines que Dieu nous destine et la force de renoncer à nos inclinations ;

- par sa sueur de sang, la disposition constante de verser notre sang pour les intérêts de sa gloire et la force de vaincre toutes nos répugnances pour faire et souffrir ce que Dieu exige de nous ;

- par la générosité avec laquelle il se leva pour aller au-devant de ses ennemis, le courage d'accepter les croix qui nous sont préparées au moment qu'elles nous arrivent, de ne pas fuir, mais d'aller même au-devant pour les recevoir ;

- par l'abandon de ses Disciples, la Grâce de souffrir d'être abandonné de nos meilleurs amis si Dieu le permet ;

- par la douceur avec laquelle il reçut le baiser de Judas, le traitant d'ami, la Grâce de supporter qu'on nous trahisse, d'aimer nos plus grands ennemis, et de les combler de biens ;

- par les liens dont on l'a garrotté, la Grâce d'être délivré de l'esclavage du péché, de l'empire du démon, pour jouir de la liberté des enfants de Dieu ;

- par l'interrogatoire qu'il a subi chez Caïphe touchant sa Doctrine et ses Disciples, la Grâce de suivre cette Doctrine toute divine et d'être mis au nombre de ses Disciples ;

- par le soufflet qu'il a reçu, la Grâce de souffrir toutes sortes d'affronts ;

- par tous les outrages et toutes les cruautés qu'il a souffertes pendant cette nuit fatale, les Grâce qu'il nous a méritées pour sanctifier toutes les nuits par la prière, les exercices de pénitence que les âmes Chrétiennes pratiquent, au lieu des désordres auxquels les mondains se livrent à la faveur des ténèbres ;

- par les faux témoignages qu'on a portés contre lui, la Grâce de supporter patiemment les calomnies, les médisances, les injures, les jugements téméraires et les soupçons qu'on fera contre nous, et de les éviter à l'égard du prochain ; par le silence qu'il a gardé, la Grâce de souffrir sans nous plaindre, sans nous venger, sans murmurer, en un mot, le silence et la paix dans les croix ;

- par sa condamnation, l'absolution de la sentence de mort et de damnation que nous avons méritée par nos péchés ;

- par les fausses accusations que les Juifs portèrent contre lui devant Pilate, la Grâce de faire à Dieu le sacrifice de notre réputation ;

- par le mépris qu'il eut à essuyer devant Hérode et toute la Cour, où il fut regardé et traité comme un insensé, la Grâce de renoncer à la fausse sagesse du siècle pour embrasser la folie de la croix, consentir à être regardé et traité comme des insensés pour l'amour de Jésus-Christ ;

- par l'injuste préférence que les Juifs lui firent de Barrabas, un amour de préférence pour Dieu qui nous mette dans la disposition constante de renoncer à tout, de sacrifier tout, de souffrir tout plutôt que de lui déplaire et que de l'offenser, et la Grâce de souffrir volontiers que les autres nous soient préférés en tout, et de nous mettre au-dessous de tout le monde ;

- par la flagellation, que Dieu détourne de dessus de nous les fléaux de sa colère ;

- par son couronnement d'épines, l'esprit de mortification, puisqu'il ne convient pas d'être des membres délicats sous un Chef couronné d'épines. Nous pouvons aussi demander par les peines que le Sauveur souffrit dans son chef la Grâce de souffrir patiemment les douleurs que nous pouvons y souffrir nous-mêmes. J'ai vu des personnes qui, étant tourmentées par des maux de tête violents, avaient une consolation singulière par la pensée de ce que Jésus-Christ avait souffert par le supplice du couronnement d’épines. Ce fut aussi par ce genre d'insulte à sa Royauté qu'il a mérité tous les honneurs qui lui sont dus comme au Roi des Rois. Il a voulu être couronné d'épines avant d'être glorifié pour nous apprendre que ce n'est que par la Couronne d'épines qu'on parvient à la Couronne de gloire qu'il nous a méritée par son couronnement d'épines. Toutes les peines que nous avons à souffrir sont comme autant d'épines qui forment ici cette couronne de tribulations qui sera récompensée par une couronne de gloire ;

- par sa Croix qu'il a embrassée et portée, la Grâce d'embrasser et de porter la nôtre, et de la suivre tous les jours de notre vie ;

- par l'épuisement et l'accablement qui l'a fait succomber sous le pesant fardeau de la Croix, la Grâce de ne jamais tomber dans le découragement et l'abattement, car Jésus-Christ s'est chargé de nos faiblesses et de nos misères pour les guérir ;

- par le dépouillement de ses habits et sa nudité, un parfait détachement de tous les biens du monde, qui nous en fasse supporter volontiers la perte et la privation et aimer la pauvreté ;

- par son crucifiement, la Grâce de crucifier notre chair avec ses vices et ses convoitises, d'être crucifié au monde et attaché à la Croix avec Jésus-Christ ;

- par son élévation en Croix, qu'il nous attire tous à lui par la force et la douceur de sa Grâce ;

- par le renouvellement de ses plaies et de ses douleurs qu'il ressentait à chaque coup que l'on donnait en plantant la Croix, un renouvellement de Grâce et de ferveur ;

- par son abandon sur la Croix, la Grâce de nous abandonner entièrement à la Providence et à la volonté de Dieu, et celle de n'en être jamais abandonné et de souffrir patiemment la soustraction des consolations sensibles ;

- par sa soif, de souffrir la faim et la soif corporelle, et d'avoir une faim et une soif spirituelle de la Grâce et de la Gloire ;

- par le fiel et le vinaigre dont il fut abreuvé, qu'il tourne pour nous en amertume toutes les fausses joies et les vains plaisirs du monde, et qu'il change les amertumes de la pénitence en douceur et en consolation ;

- par la prière qu'il fit pour ses ennemis, la Grâce de prier sincèrement pour les nôtres, de leur pardonner du fond du cœur, de les aimer, de leur faire du bien ;

- par sa parfaite obéissance à son Père, la Grâce d'obéir à la Loi de Dieu et aux ordres de nos supérieurs, et dans les choses les plus difficiles et les plus contraires à nos inclinations ;

- par le pardon qu'il accorda au bon Larron et la promesse qu'il lui fit d'être avec lui en Paradis, qu'il nous pardonne et nous donne une place au Ciel ;

- par la donation qu'il fit de sa sainte Mère au Disciple bien-aimé, qu'il nous la donne aussi pour Mère ;

- et par la consommation qu'il fit de toutes choses sur la Croix, la Grâce de consommer l'ouvrage de notre sanctification en accomplissant tous nos devoirs selon les vues de Dieu ;

- par la recommandation de son âme entre les mains de son Père, la Grâce de jeter dans son sein toutes nos sollicitudes pendant la vie, et de lui remettre avec confiance notre âme à l'heure de la mort, prononçant comme lui ces paroles, " Mon Sauveur Jésus-Christ, je remets mon âme entre vos mains " ;

- par sa Mort, la Grâce de bien mourir ;

- par la descente de son âme aux Limbes, qu'il descende par un effet de sa miséricorde en Purgatoire pour consoler et en délivrer les âmes qui y souffrent ;

- par la sépulture de son corps, la Grâce d'être tellement morts au monde et à nous-mêmes que nous nous laissions conduire, gouverner, traiter sans résistance de la part de Dieu et des hommes en ce qui n'est pas contraire à la Loi de Dieu, comme il leur plaira, de la même manière qu'on traite un mort, un cadavre : on en dit ce que l'on veut, on le place où l'on veut ; il se prête à tout et ne résiste à rien ;

- par sa Résurrection, la Grâce de ressusciter à une vie nouvelle ;

- par son Ascension, la Grâce de le suivre et de monter un jour avec lui au Ciel.

Ce n'est là qu'un bien petit abrégé des Grâces qu'on peut demander à l'occasion des sentiments, des actions, et des souffrances de Jésus-Christ. Une âme chrétienne qui l'aime, qui médite sa vie, ne peut se lasser de s'en occuper, trouvera partout des trésors infinis où elle puisera sans cesse pour elle et pour toute l'Église. Et comme le divin Sauveur a eu dans son cœur une infinité de sentiments divins et admirables cachés à toutes les créatures et connus de Dieu seul, et qu'il a fait et souffert bien des choses qui nous sont inconnues, nous pouvons offrir tout cela, - pour expier nos péchés passés et nos fautes actuelles, que Dieu connaît et que nous ne connaissons pas, - pour demander les Grâces que Dieu sait nous être nécessaires et que nous ne savons pas, - pour les besoins de toute l'Église, que Dieu voit et que nous ne voyons pas, - pour une multitude innombrable d'âmes pieuses ou pécheresses que Dieu connaît et que nous ne connaissons pas.

Présentons donc sans cesse à Dieu pour nous et pour toute l'Église les mérites de la vie et de la mort de Jésus-Christ, ses actions, ses prières, ses travaux, ses larmes, ses jeûnes, surtout les souffrances de sa Passion, auxquelles Dieu a attaché spécialement le prix de notre sanctification et de notre rédemption. Quoiqu'une de ses actions, une seule de ses larmes, eût été plus que suffisante pour sauver mille mondes, étant d'un mérite infini à cause de son union personnelle avec le Verbe en qui la nature humaine subsistait, et de qui elle tirait toute sa valeur, présentons, dis-je, à Dieu, toutes les fois que nous voulons obtenir quelque Grâce pour nous ou pour le prochain, Jésus-Christ son Fils. Et disons-lui avec humilité et avec confiance : " Ah, Seigneur ! Je sais que je ne mérite pas la Grâce que je vous demande ; mes péchés m'en ont rendu indigne ; mais, mon Dieu, détournez vos regards de dessus mes iniquités, - Respice in faciem Christi tui (Ps 83, 10), - et jetez-les sur la face de votre Christ ; regardez son chef couronné d'épines, son côté ouvert par une lance, ses mains percées de clous, son corps couvert de plaies, et son sang répandu. Regardez son Cœur brûlant d'amour pour vous et pour nous, pour le salut des plus grands pécheurs.

Voilà, mon Dieu, ce que je vous offre pour obtenir la Grâce que l'espère, et que je vous conjure de m'accorder. Et comme mes prières ne sont pas dignes d'être exaucées, je vous présente celles de Jésus-Christ, de la Sainte Vierge, et des Saints, que je prie tous d'intercéder pour moi et pour tout le monde.

Et comme tout ce que Jésus-Christ a fait et souffert n'est point écrit dans le livre de l'Évangile (Jn 21, 25), je vous offre toutes les actions et les souffrances cachées et inconnues pour obtenir une infinité de Grâces pour des besoins inconnus et des âmes inconnues, et pour expier la multitude innombrable des péchés inconnus commis par nous et par tous les hommes depuis le commencement du monde.

Il y a un grand sens dans ces paroles, " Tout à Dieu par Jésus-Christ, tout de Dieu par Jésus-Christ ", - nous ne pouvons les répéter trop souvent, - et dans ces autres du Canon de la Messe, tirées de saint Paul : " Tout par lui, avec lui, et en lui " ; Omnia per ipsum, cum ipso, in ipso.

INVOCATION DES SAINTS

Après la médiation essentielle et indispensablement nécessaire de Jésus-Christ, l'invocation des Saints est très utile pour obtenir la Grâce. Il n'en est aucun dans le Ciel qu'on ne puisse prier. Saint Paul se recommandait même aux Prières des Fidèles sur la terre. L'Église invoque tous les jours les Saints à la Messe et dans son Office. Elle a coutume dans ses nécessités les plus pressantes de recourir à leur intercession. Ainsi à son exemple c'est très bien fait de les invoquer dans nos besoins spirituels et corporels. Ils sont auprès de Dieu nos intercesseurs. C'est une excellente pratique de réciter tous les jours les Litanies des Saints, ajoutant à chaque verset la Grâce qu'on demande spécialement.

On peut invoquer tous les Saints pour obtenir toutes sortes de Grâces et de vertus, mais spécialement ceux en qui certains dons et certaines vertus particulières ont éclatés davantage, pour obtenir ces mêmes dons et ces mêmes vertus, la Sainte Vierge pour obtenir des Grâces de toutes espèces, parce qu'elle en était remplie et comblée, selon l'expression de l'ange, qui la salua en l'appelant, pleine de Grâces, de même que de toutes les vertus, et surtout l'amour de Dieu, l'humilité, la charité, etc.

Les pécheurs peuvent recourir à elle, puisqu'elle est leur Avocate ; les affligés, puisqu'elle est leur Consolatrice ; les Vierges, puisqu'elle est leur Reine ; tous les Chrétiens, puiqu'elle est leur Mère ; les Agonisants, puisqu'elle a assisté Jésus-Christ à sa mort. Dans tous les états, toutes les conditions, on trouvera des raisons spéciales de recourir à elle avec confiance partout.

On invoque particulièrement les Anges pour recevoir de Dieu par leur ministère de saintes inspirations et des secours dans tous les dangers, les tentations de cette vie, surtout de la protection contre les pièges et les attaques du démon ;

- saint Jean-Baptiste, pour préparer les voies du Seigneur en ôtant les obstacles à la Grâce et en y disposant par la pénitence ;

- saint Joseph, pour obtenir la prudence, pour se conduire saintement dans les voies du salut, et pour réussir dans toutes les pieuses entreprises. Comme l'Église l'a donné aux Indes Orientales pour patron, on peut l'invoquer contre les pièges et les attaques du démon, et en faveur des peuples qui habitent ces contrées, pour ceux qui sont Chrétiens et pour la conversion de la multitude innombrable de ceux qui ne le sont pas encore ;

- les Apôtres, pour demander l'esprit apostolique, le zèle pour la gloire de Dieu, le salut des âmes, et de bons Pasteurs à l'Eglise ;

- les Disciples et toutes les âmes que Jésus-Christ a guéries, sanctifiées, et qui se sont attachées à lui pendant le cours de sa vie mortelle, pour être plus touché de l'amour de sa sainte humanité, de la reconnaissance de ses bienfaits, et pour demeurer fidèlement attaché à son service ;

- les Martyrs, pour obtenir la patience dans les maux ;

- les Vierges, pour demander la pureté.

Ensuite il est bon de s'adresser à chaque Saint en particulier, pour obtenir par son intercession la Grâce de vaincre les passions qu'il a vaincues, et de pratiquer les vertus qu'il a spécialement aimées et pratiquées. Car en vertu de la Communion des Saints qui subsiste entre tous les membres de l'Église, nous pouvons participer aux dons des autres, à peu près comme un membre qui communique son embonpoint à un autre membre du même corps. Ainsi on peut recourir à David, à sainte Madeleine, et à d'autres Saints Pénitents pour avoir le don de pénitence ; à saint Ignace Martyr [C'est-à-dire saint Ignace d'Antioche. Note de l'éditeur], pour être embrasé de l'amour de Jésus-Christ, du désir du martyre. On peut invoquer saint Antoine et saint Paul l'ermite, pour mener une vie cachée et solitaire, saint Benoît et les autres Fondateurs pour les Ordres Religieux, saint Dominique pour les Prédicateurs, saint François pour l'humilité et la pauvreté, saint François Xavier pour la conversion des infidèles, saint Thérèse pour le don d'Oraison et la confiance dans la Prière malgré les peines, l'ennui, le dégoût, les aridités que l'on y éprouve. Et comme il y a dans le Ciel une infinité de Saints inconnus, on peut aussi [les] prier pour nous et pour une infinité d'âmes qui souffrent, quoi sont exposées à des tentations et des dangers connus de Dieu seul.

Chapitre IV

Troisième Moyen.

La Sainte Messe,

le Saint Sacrifice de la Messe, par lequel se fait l'application et la distribution des Grâces que Jésus-Christ nous a méritées par celui de la Croix [Cette phrase incomplète qui figure au début du texte imprimé fait fonction d'apposition au titre. Elle résume une théologie du sacrifice qu'il faut aujourd'hui corriger à la lumière de la constitution Sacrosanctum concilium du IIe Concile du Vatican. Les chapitres V et VI de cette quatrième partie débutent également par une phrase explicative. Note de l'éditeur].

Sur le Calvaire il a amassé le trésor de toutes les Grâces, et sur l'autel il les distribue. Ainsi la Messe est un excellent moyen pour apaiser la colère de Dieu, fléchir sa miséricorde, et nous attirer l'abondance de ses Grâces, comme l'enseigne le Concile de Trente [Session 22, décret sur le saint sacrifice de la Messe, ch. 2 (COD. p. 709-710]. Ajoutons que Dieu, apaisé par cette oblation qui n'est autre chose que son Fils, accorde aux pécheurs le don de pénitence et leur pardonne les plus grands crimes.

Un pécheur ne peut donc rien faire de mieux pour sa conversion que de faire célébrer la Sainte Messe et d'y assister, tant pour réparer l'outrage que ses péchés ont fait à la Souveraine Majesté de Dieu que pour en obtenir la rémission. On peut aussi, comme le dit le même Concile, offrir et faire offrir la Messe pour toutes sortes de besoins spirituels et même corporels.

Les visites du Saint-Sacrement sont encore très efficaces pour nous concilier les faveurs du Ciel, car si Jésus-Christ étant sur la terre faisait du bien partout où il passait, à plus forte raison en fera-t-il dans nos Églises, où il a établi sa demeure pour nous combler de ses bienfaits. Et s'il avait promis à Salomon d'exaucer les prières de ceux qui viendraient dans le Temple où était renfermée l'Arche d'Alliance avec la Manne, qui n'était qu'une figure de l'Eucharistie. Sans doute qu'il écoutera bien plus favorablement encore ceux qui viennent maintenant se prosterner aux pieds de ses Autels pour implorer le secours de la Grâce dans les nécessités de la vie.

PRIÈRE

pour demander à Dieu qu'il opère en nous

par sa Grâce

Mon Dieu, que votre Grâce est admirable dans ses opérations ! Qu'il est avantageux d'en ressentir les impressions !

Ah, Seigneur ! je m'abandonne sans réserve à ses saintes et divines opérations. Si vous n'attendez plus que le consentement de ma volonté et de ma liberté, je vous le donne mille et mille fois. Ah, mon Dieu ! je ne désire rien tant que d'être entre les mains de votre divine Grâce, que de vivre et d'agir sous le joug aimable de sa domination. Venez donc, Grâce de Jésus-Christ mon Sauveur ; venez dans le fond de mon âme. Que je n'aie plus désormais de sentiments que ceux vous voudrez m'inspirer !

Chapitre V

Quatrième Moyen.

La fréquentation des Sacrements,

lorsqu'elle se fait avec les dispositions convenables, parce que c'est aux Sacrements que Jésus-Christ a attaché sa Grâce.

Il les a établis pour nous communiquer sa Grâce, dont il est le maître. Il peut la faire dépendre de quel moyen il juge à propos. C'est à nous d'y avoir recours, et si nous négligeons ces moyens nous nous privons nous-même par notre faute des Grâces que Dieu nous avait destinées et préparées par la Croix et sur l'autel. Jésus-Christ a offert et offre le Sacrifice du salut ; et par la Communion nous y participons, de même que dans l'Ancien Testament on participait aux Sacrifices que l'on avait offerts. Cette participation est la communication des mérites du Sacrifice. Jésus-Christ par sa mort nous a mérité à tous la Grâce et le salut ; mais il l'a attachée aux Sacrements comme à la voie ordinaire par où il nous la communique. Et cette Grâce n'est accordée, selon l'ordre de la Providence, qu'à ceux qui s'en approchent comme il faut. Et voilà pourquoi tous ne sont pas sauvés, quoique Jésus-Christ soit mort pour tous et que Dieu veuille le salut de tous : c'est que les fruits de sa mort, qui sont les Grâces du salut, ne sont pas communiqués à tous. Les uns périssent faute de recevoir les Sacrements, et les autres en les recevant mal, n'y apportant pas les dispositions nécessaires sans lesquelles ils ne confèrent pas la Grâce qu'ils contiennent.

Le Baptême donne la Grâce sanctifiante pour la première fois. Par la Pénitence on la recouvre après l'avoir perdue. Les autres Sacrements l'augmentent, et plusieurs même la donnent par accident à des personnes qui, bien disposées, s'en approcheraient étant dans la bonne foi.

Je dis, par accident, car ils ne sont pas institués pour la donner, et qu'ils la supposent, puisqu'on doit être en état de Grâce pour la recevoir. Mais ils sont établis pour augmenter la Grâce habituelle et conférer des Grâces actuelles proportionnées à la fin des Sacrements,

- la Confirmation, pour confesser notre foi et combattre les ennemis du salut ;

- l'Eucharistie, pour toutes sortes de bonnes œuvres, car c'est là le privilège de ce Sacrement sur tous les autres ; sa vertu s'étend sur toute la vie pour la sanctifier et la diviniser, comme la force que donne la nourriture rend propre à toutes sortes d'actions et de travaux ; aussi la nourriture spirituelle de l'Eucharistie nous rend capables de tout bien, et elle influe sur tous nos sentiments et nos actions ;

L'Ordre donne des Grâces pour remplir les fonctions Ecclésiastiques ;

- le Mariage, pour sanctifier l'union des Époux et pour élever saintement leurs enfants ;

- l'Extrême-Onction, pour aider à bien mourir ; ce Sacrement est aussi le complément de la Pénitence, achevant de détruire les restes du péché ; il en est aussi le supplément ; c'est-à-dire qu'au défaut du Sacrement de Pénitence il remettrait aussi les péchés mortels, si on en avait la contrition.

La contrition parfaite, jointe au désir sincère de recevoir le Sacrement, supplée au défaut de tous les Sacrements pour remettre les péchés et donner la Grâce sanctifiante, parce que, dès qu'on aime Dieu parfaitement, on en est aimé, on cesse d'être dans sa haine et sa disgrâce ; ainsi tout péché est pardonné. Voilà l'unique ressource de ceux qui ne peuvent recevoir aucun Sacrement ; il n'y a que la charité parfaite qui puisse les sauver, c'est-à-dire un amour de Dieu pour lui-même. À quel point doit-il être porté pour justifier le pécheur par lui-même sans Sacrement ? Dieu seul s'en est réservé la connaissance. Mais comme les enfants ne sont pas capables de cet acte de charité parfaite, il n'y a que le Baptême qui puisse les sauver, et sans ce Sacrement il n'y a point de salut pour eux. C'est pour cela qu'on doit avoir un soin extrême de le leur conférer, surtout dans les accidents fâcheux où ils naissent avant le terme fixé par l'Auteur de la nature, n'eussent-ils que trois semaines, et moins encore.

Les Sacrements opèrent selon la mesure des dispositions qu'on y apporte, de sorte que celui qui a apporté beaucoup de dispositions reçoit beaucoup de grâces ; celui qui en apporte de médiocres reçoit des Grâces médiocres ; et celui qui n'en apporte point n'en reçoit point et profane le Sacrement.

De là il est aisé de conclure combien il est nécessaire de s'y bien préparer.

Chapitre VI

Cinquième Moyen.

Une haute estime pour la Grâce,

qui nous pénètre d'une parfaite reconnaissance pour celles que nous avons reçues, qui nous fasse faire un saint usage des présentes, et qui nous porte à désirer et à demander avec ardeur celles dont nous avons besoin pour l'avenir.

1° La reconnaissance pour les Grâces reçues est un moyen d'en obtenir de nouvelles, et l'ingratitude en tarit la source. On ne peut rien dire de mieux là-dessus que ce qui est dans le dixième chapitre de l'Imitation, qui a pour titre, De la gratitude pour la Grâce (Imitation II, ch. 10).

Dieu fait du bien à l'homme en lui donnant la Grâce, et l'homme agit très mal envers Dieu en ne lui rapportant pas tout avec action de grâce. Et c'est pour cela que les dons de la Grâce ne peuvent couler avec abondance dans nous, parce que nous sommes ingrats envers leur Auteur, et que nous ne les rapportons pas à leur principe et à leur origine.

La reconnaissance pour une Grâce reçue nous en obtient une nouvelle, et Dieu ôte à l'orgueilleux ce qu'il a coutume de donner à l'humble. Celui qui est éclairé par le don de la Grâce n'osera jamais s'attribuer aucun bien, mais il reconnaîtra toujours sa pauvreté et sa misère. Donnez à Dieu ce qui est à Dieu, et attribuez-vous ce qui est à vous. Rendez grâce à Dieu pour ses Grâces ; comprenez combien vous êtes coupables et quel châtiment vous méritez ; disposez-vous et portez-vous à ce qu'il y a de plus bas, et on vous donnera ce qui est le plus haut et le plus élevé. Les plus grands Saints aux yeux de Dieu sont les plus petits à leurs propres yeux.

Soyez donc reconnaissants pour les moindres Grâces, et vous serez dignes d'en recevoir de plus grandes. Regardez les plus petites Grâces comme très grandes, et recevez les moindres dons comme des faveurs très singulières. Si on considère la grandeur et la dignité du bienfaiteur, aucun de ses bienfaits ne nous paraîtra vil et méprisable, puisqu'il nous est accordé par un Dieu suprême. Quand bien même Dieu nous enverrait des peines et des châtiments, nous devons les tenir pour agréables, parce que tout ce qui nous arrive de sa part est utile et avantageux pour le salut. Quiconque veut conserver la Grâce doit être reconnaissant quand Dieu la lui donne et patient quand Dieu la lui ôte. Qu'il prie alors pour redemander son retour, et qu'il soit prudent et humble pour ne la plus perdre.

Le même Auteur dit encore ailleurs, que dans les dons de Dieu il faut faire plus d'attention à la bonté et à la libéralité de celui qui nous les accorde qu'au prix et à la qualité des dons mêmes.

2° L'estime de la Grâce doit nous engager à en faire un saint usage, et c'est là le vrai moyen de la conserver et de l'augmenter. Une Grâce bien ménagée en attire une seconde, et celle-là une autre. Et c'est ainsi que par un enchaînement de Grâces on va de vertu en vertu, de bonnes œuvres en bonnes œuvres, et de mérites en mérites, comme, par une raison contraire, un péché en occasionne un autre, et qu'on tombe de précipice en précipice, d'abîme en abîme.

La Parabole des Talents prouve bien cette vérité. Combien de fois cependant ne résiste-t-on pas aux saintes inspirations de la Grâce, que nous devrions suivre avec toute la promptitude possible, selon ces paroles du Psaume, Hodie si vocem Domini audieritis nolite obdurare corda vestra (Ps 94, 8-9) ; " Si vous entendez la voix de Dieu, n'endurcissez pas vos cœurs ". Si, lorsque Dieu frappe à la porte de notre cœur par le mouvement de sa Grâce, nous négligeons, nous différons de lui en ouvrir l'entrée, son esprit contristé se retire, ou ne revient qu'après bien des sollicitations, ainsi qu'il arriva à l'Épouse du Cantique, qui fut privée de la visite de l'Époux pour ne lui avoir pas ouvert par tiédeur et par négligence, et qui ne le retrouva qu'après l'avoir longtemps cherché.

Il suffit donc, pour être privé des dons de la Grâce, de les négliger, de n'en pas faire l'usage pour lequel ils nous étaient donnés, et à plus forte raison d'en abuser, d'en faire un usage contraire en les faisant servir contre Dieu même comme l'Ange rebelle, en s'en prévalant comme le Pharisien, en prenant de là occasion de s'en enorgueillir, de se flatter, de se préférer aux autres, ou d'en tirer vanité aux yeux des hommes et une secrète complaisance en soi-même. C'est pour cela que l'Auteur de l'Imitation, dans le chapitre cité, dit encore : " Je ne demande pas une consolation qui m'ôte la componction, et je ne cherche pas une contemplation qui me conduirait à l'élévation " -Imitation II, ch. 10, 12). Tout ce qui est élevé n'est pas saint ; tout ce qui est doux et agréable n'est pas avantageux et salutaire.

Tout désir n'est pas pur, et tout ce qui nous plaît ne plaît pas également à Dieu. Je reçois plus volontiers cette sorte de Grâce qui me rend plus humble, plus timoré, et qui me porte à me renoncer moi-même. Les plus grands Saints étaient d'autant plus humbles qu'ils avaient plus de Grâce. Remplis de vérité et de la gloire (c'est-à-dire des dons les plus sublimes de la Grâce, qui est une semence et un germe de la Gloire), ils ne sont point avides de la vaine gloire. Fondés et appuyés sur Dieu même, ils ne peuvent s'enfler d'orgueil.

Ceux qui attribuent à Dieu tout le bien qu'ils en ont reçu ne recherchent point la gloire qui vient des hommes, mais celle qui vient de Dieu seul. Toute leur ambition, c'est de le voir lui-même seul glorifié et honoré de tout le monde. C'est là que tendent tous leurs désirs.

3° L'estime de la Grâce doit nous porter à la désirer, à la demander avec instance, car Dieu ne donne communément sa Grâce qu'à ceux qui en connaissent le prix, qui en sentent le besoin, qui en ont une grande idée, et qui, animés d'un saint désir, la recherchent avec empressement. " Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi " (Jn 7, 37). " Comme un cerf court à une fontaine, ainsi mon âme désire-t-elle le Seigneur " (Ps 41, 2). De là ces expressions si ordinaires dans l'Écriture : " J'ai crié vers le Seigneur et il m'a exaucé " (Ps 4, 2). Et il est dit de Jésus-Christ lui-même qu'il a prié avec un grand cri, cum clamore valido (He 5, 7).

Axa, fille de Caleb, ayant reçu une terre sèche et aride, soupira, dit l'Écriture, et en demanda une autre qui fût arrosée d'eau (Jos 15, 17-19). Ce n'est pas sans mystère, remarquent les Pères, que le Saint-Esprit nous rapporte ce fait qui paraît de lui-même si peu important : cette terre sèche est l'image de notre âme, qui d'elle-même est aride, et les soupirs d'Axa marquent les désirs ardents d'une âme qui sent sa misère et soupire après la rosée de la Grâce, qui seule peut la rendre féconde en bonnes oeuvres et en mérite.

Nous ne devons donc pas nous contenter de prier pour obtenir la Grâce, mais soupirer, gémir, et crier vers Dieu, à l'exemple de ce pauvre Aveugle, qui, désirant ardemment sa guérison, criait de toutes ses forces et toujours de plus en plus : " Jésus, fils de David, ayez pitié de moi ". Ce sont ces saints désirs, ces pieux soupirs, ces Prières continuelles des âmes ferventes en qui le Saint-Esprit prie lui-même d'une manière ineffable, qui attirent les Grâces de Dieu sur l'Église, et que saint Augustin appelle les gémissements de la colombe.

PRIÈRE

aux Trois Personnes de la Très Sainte Trinité

pour demander la Grâce

PÈRE CÉLESTE, Père de miséricorde, Père de lumière, de qui vient tout don parfait, et toute grâce excellente, donnez-nous la Grâce d'adoption, par laquelle nous soyons véritablement vos enfants ; donnez-nous cette crainte et cet amour filial qui remplisse notre cœur de tendresse pour votre bonté paternelle, et qui nous porte à éviter tout ce qui vous déplaît, et à vous plaire, vous glorifier, vous honorer, vous servir sur la terre avec la fidélité, la reconnaissance, et l'affection que vous avez droit d'exiger de nous en cette qualité d'enfants ; et accordez-nous votre Royaume pour héritage dans le Ciel

JÉSUS-CHRIST, Fils du Dieu vivant, qui êtes venu en ce monde pour nous donner la vie, donnez-moi cette vie spirituelle et surnaturelle de la Grâce, que vous nous avez méritée par tant de travaux et de souffrances. Vous êtes plein de Grâce et de vérité. C'est de votre plénitude que nous avons tous reçu les Grâces qui nous ont été accordées jusqu'ici. Et c'est de cette plénitude que nous espérons recevoir celles qui nous sont nécessaires pour l'avenir. Accordez-nous par votre naissance une nouvelle régénération qui nous fasse enfants de Dieu. Accordez-nous par votre sainte vie la Grâce de bien vivre, et par votre mort celle de bien mourir. Par votre sépulture, faites que nous mourions au péché, au monde, et à nous-mêmes ; par votre résurrection, que nous ressuscitions à la Grâce par une vie nouvelle, et par votre Ascension détachez nos cœurs de la terre afin que nous habitions déjà au Ciel en esprit par nos désirs et nos affections. Vous êtes la Lumière du monde, qui éclaire tout homme qui vient en ce monde ; dissipez les ténèbres de notre esprit par la lumière de votre Grâce. Vous êtes le Chef de l'Église ; animez-la de votre esprit en répandant sur nous qui sommes vos membres les influences de votre Grâce.

Vous êtes la voie, la vérité, et la vie ; vivez et agissez en nous par l'opération de votre Grâce. Vous êtes le Roi des Rois ; établissez en nous le règne de votre Grâce ; que tout en nous soit soumis à l'empire de votre Grâce ; ôtez tous les obstacles que nous y mettons.

Vous êtes le Médecin de nos âmes ; guérissez toutes les plaies que le péché nous a laissées ; et rétablissez-nous dans une intégrité parfaite part l'efficacité et la vertu de votre Grâce. Vous êtes notre Pasteur ; conduisez-nous sous la direction de votre Grâce ; rassasiez-nous de la nourriture céleste de votre Grâce. Vous êtes notre Époux ; unissez-nous intimement à vous par les liens de votre Grâce. Vous êtes notre Défenseur, notre protecteur ; soutenez-nous contre les attaques du démon, du monde, et de la chair par la force de votre Grâce.

Vous êtes notre Avocat auprès de votre Père ; obtenez-nous de sa bonté l'abondance et la multitude de ses Grâces. Vous être notre Consolateur ; fortifiez-nous dans nos peines, nos travaux, nos afflictions, nos aridités par l'onction de votre Grâce. Vous êtes notre Modèle ; faites que nous imitions vos divins exemples, et que nous marchions sur vos traces, attirés par la force et la douceur de votre Grâce.

Vous êtes notre Ami ; établissez entre vous et nous le commerce le plus intime, la liaison et l'union la plus parfaite par les communications de votre Grâce.

Vous êtes notre Pontife, notre Victime, notre Rédemption ; vous expiez nos péchés par votre sang, et après nous avoir procuré tous les biens spirituels de la Grâce sur la terre, faites que nous puissions parvenir à la Gloire dans le Ciel, où vous serez à jamais notre récompense, notre félicité, notre bonheur, où, après nous avoir remplis ici-bas de l'onction de votre Grâce pendant le cours de cette vie mortelle, vous nous enivrerez d'un torrent de délices pendant l'éternité bienheureuse. Ainsi, après avoir été tout en tout par la Grâce, vous nous serez aussi tout en tout dans la Gloire.

ESPRIT SAINT ET VIVIFIANT, qui opérez tout en tout par votre Grâce, distribuant vos dons à chacun selon qu'il vous plaît, venez en nous, éclairez, purifiez, sanctifiez nos âmes par l'efficacité de vos Grâces. Dans la Trinité vous êtes le terme et la fin des opérations divines, procédant de la volonté du Père et du Fils comme d'un seul et même principe. Vous ne produisez point d'autre personne en Dieu ; mais vous êtes le principe et la source de toutes les opérations divines en l'homme. Vous êtes la cause immédiate de notre sanctification, et de toutes nos bonnes œuvres, et de tous nos mérites. C'est vous qui agissez en nous par vous-même en nous inspirant, en nous animant, et en nous dirigeant par votre Grâce. Et c'est par vous que le Père et le Fils nous sanctifient et nous donnent la Grâce.

Jésus-Christ lui-même agissait, faisait des miracles, remettait les péchés, et s'immolait par votre inspiration et votre mouvement, puisqu'il fut conduit au désert par l'esprit de Dieu, qu'il choisit ses Apôtres par le même esprit, et s'est offert sur la Croix toujours par l'impression de cet esprit divin.

Nous reconnaissons le besoin continuel que nous avons de votre secours. Sans vous nous ne pouvons rien. Venez donc descendre sur nous comme vous êtes descendu sur les Apôtres. Opérez en nous les mêmes prodiges ; éclairez notre entendement de vos lumières ; animez notre volonté, et embrasez notre cœur de votre amour.

Changez-nous de charnels, de sensuels, de terrestres, de lâches, et de tièdes que nous sommes par notre nature viciée et corrompue. Rendez-nous spirituels, zélés, et fervents par la vertu toute divine de votre Grâce. Ainsi soit-il.

PRIÈRE

à la Sainte Vierge, aux Anges, et aux Saints

pour implorez leurs intercessions auprès de Dieu

afin d'obtenir par leur entremise le secours de la Grâce

VIERGE SAINTE, Mère de Grâce et de miséricorde, qui avez conçu, porté, enfanté, nourri Jésus-Christ, l'auteur de la Grâce, et qui avez été témoin des actions, des souffrances, et de la mort, par lesquels il nous a mérité la Grâce, nous vous prions par la part que vous avez eue à tout ce qu'il a fait, à tout ce qu'il a souffert, de nous obtenir de sa bonté toutes les Grâces nécessaires pour vivre, agir, parler, converser, souffrir, et mourir, d'une manière qui lui soit agréable, et méritoire de la vie éternelle.

SAINTS ANGES, présentez à Dieu nos vœux, nos prières, et nos besoins ; et rapportez-nous du Ciel les Grâces et les inspirations par lesquelles vous nous conduisiez dans toutes nos voies de manière que nous puissions arriver au port du salut éternel.

TOUS LES SAINTS du Ciel, demandez pour nous toutes les Grâces du salut qui vous ont sanctifiés sur la terre, afin que par le secours de ces Grâces nous surmontions les dangers et les obstacles que vous avez surmontés, que nous imitions les vertus que vous avez pratiquées, et que nous remportions la couronne dont vous jouissez. Ainsi soit-il.

APPROBATION DU CENSEUR

J'ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier le Manuscrit intitulé, LE DOGME DE LA GRÂCE ; il m'a paru que cet Ouvrage est propre à remplir les vues de son Auteur, et que l'Impression en peut être permise. En Sorbonne ce 31 Octobre 1768.

CHEVREUIL

Table des matières du Dogme de la Grâce

 

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